Archives de catégorie : Mot du jour

Déréliction

Amusant… Voilà un mot qui est victime de son propre état. Un état d’abandon et d’isolement dans la langue française. La déréliction est accablée d’être ainsi à l’écart de notre usage courant. Il sonne pourtant bien. Un quidam qui souffre de déréliction est autrement plus valorisé que celui qui doit confesser être seul et abandonné. Alors, donnons à ce mot une autre vie. Il est savant et joliment élégant…

Reticule

Voulez-vous faire plaisir à votre femme ? Dites-lui, « viens je vais t’acheter un réticule ». Il est à parier qu’elle se laisse entraîner sans comprendre. Pour adopter un sourire radieux devant le magasin Cartier ou Gucci.

Car un réticule est un petit sac à main de femme, souvent si petit qu’on le cantonne au rôle d’accessoire inutile, mais tellement tendance. Alors, même s’il est inutile, réhabilitons ce joli mot. C’est rare un mot qui fait sourire la gente féminine par la seule force de son concept.

Karim, magicien des mots

L’amoureux des mots que je suis, ne peut que vibrer à ce petit film où le mot « confinement », mot oublié du dictionnaire, se glorifie tout d’un coup devant son nouveau succès… C’est brillant, subtil et plein d’humour. Karim Duval manie, il est vrai, un humour ciselé comme de la dentelle. C’est beau l’intelligence et la subtilité….

Compendieusement

La langue française est parfois bizarre. Surtout quand un mot définit un concept qui semble aller à l’encontre de son propre état.

Ainsi compendieusement, mot long et savant, veut dire « brièvement » « de manière succincte », sans rien omettre d’essentiel.

Ainsi d’un discours hermétique que personne ne comprend, vous pouvez dire que vous allez en tirer compendieusement le sens. Pas sûr qu’avec un tel préambule, vous obteniez un résultat probant. Il faut l’esprit large pour envisager dans « compendieusement » un souci d’abréger et de rendre plus intelligible.

Nyctalope

Voilà un mot pas facile à énoncer, car il peut prêter à confusion. Il a des sonorités grivoises, à faire rougir ou à provoquer des bredouillements de la gente féminine. Pauvre mot !… Faut-il que nos étymologistes soient bien vicieux pour plomber un mot pareillement.

Heureusement Pivot et sa dictée ont su le réhabiliter. Est nyctalope est celui qui peut voir dans le noir et dans l’obscurité. Une chatte est naturellement nyctalope. Et si une femme devait l’être, ce serait, après tout, une qualité.

C’est curieux, tout en l’écrivant, j’ai du mal à ne pas sourire. Preuve que ce mot me semble bien irrémédiablement condamné. Tchao, nyctalope, tu ne nous manqueras pas trop…

Immarcescible

Ce mot, prisé des textes sacrés, a un goût d’éternité. Est immarcescible ce qui ne peut se faner, ce qui ne peut se flétrir… L’éternité botanique en somme. Nos petites plantes peuvent, après tout, aussi rêver de vie éternelle.

Dans les faits, le mot sera davantage utilisé en métaphore, pour donner à un amour, une amitié ou à toute autre passion humaine une dimension quasi éternelle. C’est joli et poétique, quoique le mot soit long, dur à l’oreille, et largement inconnu au delà des cercles de la sémantique. Il y a des mots qu’on a envie de sauver, celui-là retient l’attention, avant de tomber dans les oubliettes de notre mémoire…

Amphigourique

Ah le joli mot que voilà !…  Ce mot se devine, avant d’en connaître le sens. Il est à l’image de sa définition. Compliqué, entortillé, torturé. En un mot, précieux…

Notre langue est bien précieuse justement d’être riche de ces adjectifs imagés. Ils s’oublient un peu, mais ce qu’ils recouvrent, est loin d’avoir disparu. L’amphigouri, autrement dit le galimatias confus et guère compréhensible qui est l’apanage des politiques ou de pseudo experts.

Alors face à un de ces maîtres obscurs de la rhétorique, vous pouvez toujours répondre : « je ne panne que dalle et j’en ai rien à foutre ». Ou attaquer l’opportun sur son propre terrain d’un superbe : « peu me chaut vos élucubrations amphigouriques »

agélaste

On en rencontre hélas trop souvent. Des tristes sires qui ne savent pas rire, ni sourire. Pour les agélastes, la vie n’est jamais drôle, et cela fait d’eux de tristes compagnons.

Pour les définir, on peut utiliser le mot « pisse-vinaigre » qui est joliment imagé comme souvent dans la langue française. Mais l’adjectif « agélaste » est encore plus direct. Avec le risque, cependant, de ne pas être compris de votre interlocuteur car « agélaste » fait partie de ces mots qui tombent en désuétude. Bien dommage…

Le mieux est donc de l’utiliser en injure, à la façon du capitaine Haddock : « va-donc, agélaste, triste face et bileux de la gueule. Va polluer l’air hors de mon périmètre de sustentation ! »…

Aux filles dédaigneuses…

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle ! »

Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.

Je serais sous la terre, et, fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.

Pierre de Ronsard ( 1524 – 1585 ) Continuer la lecture de Aux filles dédaigneuses…

Barguigner

C’est un mot venu d’un temps où les affaires se faisaient par une poignée de mains qui venait conclure un long barguin. Autrement dit une négociation ardue que les anglais, en bons copieurs, ont transformé en « bargain ».

Le mot est perdu dans ce premier sens, mais il reste encore valide dans la locution « sans barguigner » qui veut dire « sans hésiter ». Parce qu’il est connu qu’une négociation peut prendre du temps.

Posteromanie

Un mot qui n’est pas doux à l’oreille. Mais il véhicule un concept fort chez quelques garçons, à savoir la volonté d’assurer sa descendance, de préférence mâle, pour perpétuer son nom.

« Viens qu’on donne libre cours à ma postéromanie galopante », peut donc être une autre façon de dire « allons mignonne folâtrer dans les draps »…  Je préfère la version bucolique à la psychologique, mais l’objectif final peut être le même : concevoir un enfant, mais pas n’importe lequel, un gars, a boy, un couillu… Rétrograde et machiste, mais ça existe toujours bel et bien, surtout quand au nom à défendre est attaché un titre de noblesse.

Pimpesouée

Le mot est tombé en désuétude totale, mais il est simplement beau. Une pimpesouée est une femme qui fait la précieuse. On dirait aujourd’hui qu’elle se la pète. Moins élégant assurément…. Alors la prochaine fois que vous rencontrez une femme délicate qui se fait prier, dites-lui doctement : « arrête de faire ta renchérie et ta pimpesouée ! »… Vous êtes sûr de lui couper la chique. A défaut d’être compris…

Ancillaire

Le français est très riche. En voilà une belle illustration !… Est ancillaire ce qui a rapport avec des personnes à votre service. Un synonyme de « domestique », mais plus précis. Car un travail domestique est un travail fait à la maison. Alors qu’un travail ancillaire est fait par un domestique.

Là où le français devient génial, c’est quand on adjoint à l’adjectif des mots inattendus. Des « amours ancillaires » pour désigner des relations avec des personnes, le plus souvent des servantes, ayant des liens de subordination. Ou dit plus grossièrement, user de son « droit de cuissage »…

L’expression « amours ancillaires » est plus raffinée. Surtout, tout est dit en deux mots…

superfétatoire

Oh le vilain mot compliqué !… Voilà un synonyme de « superflu » qui se paye le luxe d’être plus long que son concurrent plus connu. C’est l’assurance d’un enterrement de première classe dans l’usage de notre langue.

Pourtant, ce mot qui renvoie éthymologiquement à la gémellité et à la fécondation en excès, en rajoute dans la notion de ce qui est « inutilement ajouté ». Après « super », le « fétatoire » se veut encore plus fort que le « flu ». Et cet ajout va bien dans le sens du mot qu’il véhicule. Brillant !… Alors, au risque de passer pour « pédant », je n’ai pas envie d’oublier ce « superfétatoire »…

Etrivieres

Voilà un mot qui ne risque plus guère de refaire surface, car il est politiquement incorrect. Se faire donner les étrivières, c’est se faire battre à coup de sangle, cette même sangle qui suspend les étriers. Finalement ce n’est pas plus mal car les corrections physiques ne sont pas la meilleure façon de faire entendre raison. Mais il est encore permis de menacer des étrivières. Si la menace est bien perçue comme telle par l’interlocuteur lettré.

Des mots pour le dire…

Le Point de cette semaine titre sur les menaces pesant sur la langue française. Vaste sujet ! L’interview d’Alain Borer dans ce même magazine mérite vraiment le détour. Il a, à mes yeux, parfaitement raison… Au delà des emprunts à l’étranger qui font partie de l’évolution naturelle d’une langue, notre français est envahi par ce qu’il appelle « l’angloglobal » qui vise à se substituer à notre langue par l’invasion de mots qui font plus branchés, plus dans le coup et éclipse gentiment nos propres mots. Ainsi en est-il de « booster » « positive attitude » »low cost » « selfie » « silver economy » « spoiler »… La mondialisation est passée par là et sa conséquence naturelle, la colonisation de l’anglais dans les milieux économiques. Hélas, elle s’élargit aux autres sphères de la société comme une encre noire sur un buvard tendre.

Les tentatives de résistance sont faibles ( « courriel » pour désigner un mail ) car, à l’inverse de nos amis canadiens, nous n’avons pas la passion de notre langue chevillée au corps. Continuer la lecture de Des mots pour le dire…

Oripeaux…

Ce joli mot est toujours au pluriel. Rare et élégant, ce mot désigne des vêtements usagés qui conservent un certain éclat. Des guenilles de riche, en somme, témoins fidèles d’un temps glorieux qui n’est plus…

Claude Nougaro dans sa chanson « Armstrong » l’utilise avec ironie. Les oripeaux sont dans sa bouche les moyens futiles des hommes de se hausser du col. Dans la chanson, au delà des oripeaux, blancs ou noirs de peau se retrouvent frères dans leurs os ivoires…

Les oripeaux sont aussi la marque d’une aristocratie ruinée à qui il ne reste de richesse que sa particule. Le mot est alors charmant par sa forte dose de nostalgie…