Quand la grande muette parle

L’affaire de la lettre des militaires dans Valeur Actuelle fait grand bruit. Une première lettre d’Officiers d’active et de militaires en retraite a provoqué des sanctions auprès des signataires. Et le magazine diffuse à nouveau un second appel, anonyme cette fois-ci, de militaires du rang pour que la France se ressaisisse.

De quoi s’agit-il ? Des militaires ne reconnaissent plus leur pays pour lequel ils se sont engagés, et pour lequel ils sont prêts à mourir, comme c’est hélas trop souvent le cas au Mali. Ils ont mal à la France, cette France qu’ils ont porté tout en haut de leur échelle de valeurs. Ils reprochent aux politiques de ne pas défendre nos valeurs, notre histoire, notre modèle de société… La France ne se ferait plus respecter, elle serait en permanence dans la repentance, elle se ferait bafouer, elle connaîtrait un grave délitement…

Ces deux appels ont provoqué une levée de boucliers de tous les bords de la société. Parfois pour défendre les militaires, mais le plus souvent pour dénoncer l’initiative, en la jugeant « politique » « manipulée », et pout tout dire malsaine. Ce n’est pas nouveau de juger sur des intentions cachées plutôt que sur le discours en lui-même. Il faut donc revenir au texte. L’appel initial des généraux est marqué sociologiquement, mais il n’est pas condamnable en soi. Beaucoup de Français se retrouvent dans les craintes exprimées. D’ailleurs, faire référence au quarteron de généraux du putsch en Algérie ou plus vieux encore au Général Boulanger pourfendeur de la République, semble déplacé. L’Armée est définitivement ancrée dans la République. Mais il n’est pas sans intérêt d’écouter ce que la Grande Muette a à dire, car elle s’exprime rarement.

On peut comprendre que ces hommes et femmes qui mettent leur vie en jeu au service d’un idéal, souffrent de le voir perverti. La perte d’une identité commune et le manque d’adhésion à une aventure collective rendent le sacrifice du militaire moins « naturel ». Le malaise est perceptible, surtout quand les forces de l’ordre de l’intérieur ( gendarmes, policiers, pompiers ) censés protéger les familles des militaires en mission, sont elles-mêmes sous pression d’un « ennemi de l’intérieur ».

Au lieu de chercher la démarche politique sous-jacente derrière l’initiative des militaires, pourquoi ne pas essayer de comprendre ses motivations psychologiques ? Pourquoi se faire tuer pour une France qui ne s’aime plus, et s’auto-flagelle en permanence, en se faisant l’otage de minorités agissantes. Avant d’être le bras agissant de la nation, l’Armée en est son ciment. Et le ciment ne sert à rien si les pierres angulaires de la communauté nationale ont tendance à s’effriter, voire à se faire la malle.

Ce n’est pas faire le jeu du Rassemblement National que de se ranger du côté de ces militaires. La France et ses valeurs transcendent toutes les couches de la société. Le délitement de l’autorité se constate partout. A l’école, dans les entreprises, dans les banlieues, dans les tribunaux… Comme si un pays entier refusait de se faire respecter, et d’appliquer les propres lois qu’il s’est donnés à lui-même. La culture de l’indulgence et des circonstances atténuantes à tous les étages tourne à la faiblesse généralisée.

L’Armée qui a réussi brillamment la meilleure assimilation d’individus de toutes origines dans une communauté de destin avec la Légion étrangère, est en droit de poser des questions à tous nos dirigeants. Cela ne me choque pas. Et je considère que ce serait une faute que de laisser à Marine Le Pen et à tous ses affiliés le soin de répondre au malaise de nos forces armées. Dieu nous en préserve !….

Une réflexion sur « Quand la grande muette parle »

  1. Honte à nos politiques qui n’ont pas de mots assez durs pour dénoncer les signataires de ce texte. Pourtant, ce sont nos militaires qui se battent pour défendre notre civilisation et ses valeurs, partout où on les envoie. Ils méritent à ce titre respect et reconnaissance. Et ce qu’ils nous disent est empreint de bon sens, ce qui bien sûr déplaît à nos dirigeants si férus de discours politiquement corrects. Qu’ils ne s’étonnent pas du rejet croissant de la politique par nos compatriotes. Ceux-ci perçoivent très bien l’hypocrisie et le double langage.

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