Archives de catégorie : Litterature

L’auteur de tous les mots…

Sacha Guitry. Voilà un bonhomme incroyable qui aura marqué son époque. Il a traversé le vingtième siècle avec une double passion : celle du théâtre et celle des femmes. 124 pièces de théâtre créées pour mettre souvent en valeur l’une de ses cinq épouses, toutes comédiennes. Une telle gourmandise de la vie est rare…

Pourtant que savons-nous de lui aujourd’hui? Presque rien… Nos contemporains sont bien en peine de citer le titre d’une de ses pièces. Seuls ses aphorismes ont traversé le temps. On se les répète avec connivence, en faisant semblant d’adhérer au machisme et à la misogynie qu’ils traduisent. Ce faisant, Continuer la lecture de L’auteur de tous les mots…

Aurelie, combattante pour la planète

5 romans en 5 ans : Aurelie Valognes est une « serial writer » d’histoires intimistes, nourries à l’expérience de sa propre vie. J’avais aimé l’audace de son premier « Mémé dans les orties » qui évoquait un sujet hard : le quatrième âge, toutes ces personnes qu’on relègue le plus souvent dans des maisons de retraite pour ne plus les voir. Son personnage grognon et misanthrope de Ferdinand m’avait réjoui. Son vieillard était un vrai résistant.

Aurelie Valognes aborde un autre âge avec « la Cerise sur le gâteau », à savoir la soixante et le début d’une retraite mal préparée. Un âge qui suscite de nombreuses questions et remises en question. Un âge qui interpelle et inquiète en même temps. De quoi broder joliment une histoire aux fils blancs apparents. Avec l’assurance d’une identification immédiate du lecteur. Continuer la lecture de Aurelie, combattante pour la planète

Salinger, écrivain sur-estimé ?

Le voilà ce fameux chef d’oeuvre d’un écrivain maudit, Jerome David Salinger. Un écrivain mystérieux qui n’a écrit quasiment qu’un livre, « l’attrape-coeurs », avant de s’enfermer dans un anonymat de misanthrope endurci. Un livre que dans les écoles américaines, on lit consciencieusement. Les jeunes Américains grandissent avec ce livre. C’est une brique majeure du monument de la littérature américaine. Avec une telle réputation qui le précède, la déception n’en a été que plus forte !…

Ce livre est très pénible à lire. Son écriture parlée, avec une grammaire à la-va-comme-je-te-pousse, est très irritante pour un lecteur français, habitué des belles lettres. Certes, Continuer la lecture de Salinger, écrivain sur-estimé ?

Mort (d’un amour) à Venise

On savait depuis Lucchino Visconti que Venise n’était pas uniquement la ville des amoureux, et pouvait être aussi la ville nostalgique des amours contrariées. Laurence Vivares, pour son premier roman, exploite cette même veine avec « le vie a parfois un goût de ristretto ». L’histoire de Lucie, honteusement plaquée par son compagnon, qui se réfugie seule dans la ville de l’amour pour oublier son chagrin et exorciser une relation qui la possède encore.

Intimiste, ce livre l’est assurément. C’est surtout un exercice délicat où une femme s’abandonne à l’influence de Venise, tout en luttant contre un passé proche qui lui fait mal. Un roman très léger où il ne se passe pas grand chose, sinon le cheminement psychologique de l’héroïne. Une femme dynamique Continuer la lecture de Mort (d’un amour) à Venise

L’Histoire à la 1ere personne du singulier…

Est-il possible de tomber amoureux d’une femme morte il y a 550 ans ? En dehors d’un voyage dans le passé, cela paraît bien improbable. C’est à un tel voyage que nous convie Jean-Christophe Rufin avec « Le Grand Coeur », récit romancé de la vie de Jacques Coeur, le grand argentier de Charles VII. Un récit qui, entre autre, fait la part belle à Agnès Sorel, maîtresse du Roi, mais aussi femme libre avant l’heure. Une femme dont on ne connaît qu’un portrait dans un tableau de Fouquet.

Jean Christophe Rufin a eu la fameuse idée de sortir des oubliettes de notre passé le financier Jacques Coeur, qui a eu un parcours exceptionnel pour son époque, le milieu du XVème siècle. Un entrepreneur pionnier qui a construit une très belle fortune par le jeu du négoce et des échanges de marchandises.

Rufin a un lien particulier avec lui Continuer la lecture de L’Histoire à la 1ere personne du singulier…

Nicolas Beuglet, Harlan Coben français…

Pour mon incursion régulière dans le monde du polar, j’ai choisi « le Cri » de Nicolas Beuglet. Un roman perdu dans le froid norvégien, mais écrit par un Français, scénariste de télévision bien rodé à l’exercice de scénarios alambiqués.

Bingo !… Le roman commence sur les chapeaux de roue par un suicide bizarre dans un asile psychiatrique près d’Oslo qui entraîne l’enquête tenace d’une inspectrice un peu zombie, Sarah Gueringën. Une femme abandonnée par son compagnon qui va s’accrocher comme une sangsue à cette enquête étrange pour ne pas sombrer.

Dès les premières pages, le récit s’accélère et garde un rythme fou jusqu’au bout des 550 pages Continuer la lecture de Nicolas Beuglet, Harlan Coben français…

Schmitt en plein rêve hitlérien…

Eric Emmanuel Schmitt est sans doute l’auteur le plus brillant de sa génération. Je crois que nous avons avec lui un bon candidat à un futur Nobel de littérature. Sa bibliographie est riche et pleine de pépites. Un auteur prolixe qui étonne par ses choix artistiques éminemment personnels. Certes, il est l’auteur de nombreux romans, des fictions imaginatives toujours bien ficelées. Mais derrière chacune de ses oeuvres se cachent les interrogations humaines et métaphysiques de l’homme. Par ce besoin de réflexion et d’hauteur spirituelle, Eric Emmanuel Schmitt est certainement l’auteur le plus français du moment.

L’aisance dans l’écriture de l’auteur est telle qu’il semble, en plus, chercher des challenges à relever. Comme si la fiction romanesque ne suffisait pas à combler sa soif de bien faire. Il faut que ses livres relèvent du tour de force : faire de Jésus son héros de roman à la première personne du singulier ( l’époustouflant « Evangile selon Pilate » ); raconter sa rencontre personnelle avec Dieu-himself ( la très lyrique « Nuit de Feu » )… Et pourquoi pas rentrer dans l’intimité d’Hitler ? C’est l’objectif audacieux de « la Part de l’autre ». Continuer la lecture de Schmitt en plein rêve hitlérien…

Plongée dans le néant…

Il y a peu de livres que je conseillerais à mes deux fils et à ma fille de lire impérativement, durant les quelques décennies de leur présence sur terre. « Si c’est un homme » de Primo Levi en ferait assurément partie. Cette lecture est quasi un devoir moral, une obligation de perpétuation du souvenir. Un livre si puissant qu’il vous donne un coup de poing dans l’estomac et vous laisse pantelant.

« Si c’est un homme » est le livre ultime sur l’expérience d’un camp de concentration pendant les dernières années de guerre. Un chef d’oeuvre écrit par un survivant dans un style sec, nerveux et sans artifice. Une réflexion abyssale sur la condition humaine qui, comme le dit Frederic Beigbeder, s’apparente à une bible à l’envers qui montre, dans le détail d’infimes actes de survie, la déchéance de l’homme. Comme si le Diable s’était ingénié, tel une Pénélope malveillante, à détricoter au quotidien tous les ressorts de la condition humaine. Pour détruire ce qui fait notre humanité.

Primo Levi, mort en 1987, était juif, chimiste et italien. Continuer la lecture de Plongée dans le néant…

« Le Cavalier suédois », onirique et envoûtant…

Leo Perutz est un juif autrichien assez malin pour avoir quitté son pays à temps en 1938. C’est aussi un auteur prolifique qui a écrit de nombreux romans. Il est le maître d’un genre bien à lui, à savoir l’historique-fantastique, à savoir un récit qui flirte avec le fantastique dans un contexte historique bien campé. « Le Cavalier suédois » est jugé comme son chef d’oeuvre. A raison, me semble-t-il, même si je n’ai pas encore lu « le Marquis de Bolibar » qui a aussi marqué les esprits…

« Le Cavalier suédois » parle d’une femme âgée rédigeant ses mémoires. Elle y parle de son père, surnommé « le cavalier suédois » qui est mort à la guerre, quand elle était enfant. Ce même père s’est couvert de gloire sur les champs de bataille. Mais, dans le même temps, chaque soir, il venait la voir dans son lit, à l’insu de la maisonnée. A des milliers de kilomètres de ses champs de bataille… Elle n’a pas rêvé, elle en est sûre… Et un jour, Continuer la lecture de « Le Cavalier suédois », onirique et envoûtant…

La drague au XVIème siècle…

C’est une petite merveille d’écriture !… Un extrait de « la Violente Amour » de Robert Merle ( collection Fortune de France ). Le récit tout en finesse de ce qu’on qualifierait aujourd’hui de « proposition malhonnête » entre deux amants putatifs. Texte très amusant car il est à rebours des pratiques courantes qui veulent que ce soit toujours l’homme qui prenne l’initiative…

Le texte est dans son jus. Pas de fautes, ni d’erreurs de frappe. C’est du vieux français, avec des mots parfois inconnus qu’on devine plutôt que les comprendre. Mais la musicalité de la langue est merveilleuse. Les circonvolutions de la pensée sont traduites avec une acuité formidable; les jeux de posture de chaque sexe subtilement rendus; l’humour est affleurant… Je me délecte à cette lecture. Jamais la beauté de notre langue n’est jamais aussi magnifiée que dans les livres de Robert Merle. Mais faites votre propre jugement avec cet extrait : Continuer la lecture de La drague au XVIème siècle…

Peau-au-feu à la lyonnaise…

En matière de polar, vous savez tout de suite quand vous en tenez un bon : vous ne pouvez plus le lâcher… Vous êtes entré dans l’histoire; vous adhérez aux personnages; vous prisez l’intrigue; vous goûtez au style; vous savourez le suspense… C’est du caviar !

Mais ajoutez un peu de sel avec une action qui se passe dans votre ville natale, Lyon, Lugdunum, la cité des Gaules et de Guignol, et vous voilà parti dans une lecture mariant palpitation et nostalgie.

« L’inconnu de la Tête d’Or » est la cinquième aventure du Commissaire Abel Severac. Continuer la lecture de Peau-au-feu à la lyonnaise…

Quotidien putride de l’Occupation…

Le livre a remporté un joli succès d’estime. Le prix du meilleur polar décerné par le cercle du Point. Avec comme personnage principal, un anti-héros ordinaire, un flic des Renseignements Généraux pendant l’occupation allemande. Un salopard, collaborateur zélé et antisémite farouche qui a juste quelques très rares éclairs d’humanité. « L’affaire Leon Sadorski » est un livre qui déménage… De la littérature qui n’épargne pas ses lecteurs par le récit minutieux des puanteurs de la Collaboration. Le roman a eu droit pourtant à une suite un an plus tard.

On ne peut parler de ce livre sans évoquer le remarquable travail d’historien de l’auteur, Roman Slocombe qui replace son action dans le contexte précis des années noires de l’occupation. Continuer la lecture de Quotidien putride de l’Occupation…

« Les loyautés », la dentelle de Delphine…

Un nouveau roman de Delphine de Vigan, cela interpelle. Forcément… Après deux  derniers romans étincelants, on reste en alerte. J’ai en mémoire « Rien ne s’oppose à la nuit », petit bijou d’analyse publique. Un roman très personnel. Mais ce petit dernier, « les Loyautés », semble différent. Un roman court, concis, qui s’éloigne visiblement de l’univers éditorial de l’auteur. Serait-ce un vrai récit inventé ?

Ce roman dénonce un mal public qui ronge notre société, à savoir l’indifférence. Un mal d’autant plus cruel quand il s’applique sur des adolescents perdus, en manque d’autorité parentale. Des ados qui essaient de donner le change et l’illusion de la normalité. Des ados pourtant sur la mauvaise pente si parents et éducateurs démissionnent de leurs responsabilités.

C’est l’histoire Continuer la lecture de « Les loyautés », la dentelle de Delphine…

« Où passe l’aiguille », ode à la vie…

« Où passe l’aiguille » : le titre m’a troublé; je n’arrivais pas à m’en souvenir; je n’en voyais pas la signification; je ne le trouvais pas très accrocheur… Jusqu’à ce que je lise la dernière page qui m’a donné la clef. La clef d’un récit subtil, écrit par une jeune femme, Veronique Mougin, qui y a mis tout son coeur.

Je n’ai pas lu la 4eme de couverture avant de lire ce livre, et cela a été donc une expérience. Expérience précieuse car le passionné d’histoire que je suis, y a trouvé son miel avec l’évocation de cette famille hongroise juive connaissant en 1943-1944 le rejet par ses voisins, la soumission aux autorités, l’espoir vain d’une rémission, puis l’enfer des camps de concentration. Plus j’avançais dans l’histoire, Continuer la lecture de « Où passe l’aiguille », ode à la vie…

Un Goncourt anachronique…

Un Goncourt de 150 pages au petit format. Voilà le rêve du lecteur moderne, économe de son temps… Mais cet atout de principe est gommé par le choix du sujet, une analyse critique de la montée du nazisme. Un sujet qui n’est pas consensuel, et qui aura sans doute détourné de nombreux lecteurs n’ayant pas pu « rentrer dans l’histoire ». D’ailleurs, il vaut mieux parler en l’occurrence d’Histoire car ce livre n’est pas un roman, mais un récit. Un récit au vitriol, porté par un style court, fort, percutant. Des mots sulfuriques pour dénoncer le manque de courage et de clairvoyance de quelques caciques face à l’extension malfaisante de la pieuvre nazie. Fort bien !… Il se trouve que je suis un passionné de cette époque, au point de m’être souvent posé la question : « qu’aurais-je fait si j’avais vécu à ce moment là ? ». Une question à laquelle, à 55 ans, je n’ai pas encore trouvé de réponse. Enfin, j’entends, de réponse objective et honnête.

Eric Vuillard n’a lui aucun doute. Continuer la lecture de Un Goncourt anachronique…

Le Capitaine Fracasse, cet inconnu

Il est de ces personnages de roman que nous croyons connaître. Des héros de cape et d’épée que nous connaissons par les films des années 50-60 en noir et blanc, avec le plus souvent, André Hunnebelle à la réalisation et Jean Marais dans le premier rôle. Mais nous mélangeons tout entre le Bossu, le Capitan, le Capitaine Fracasse, Cartouche, Scaramouche… Avant d’être un film, le Capitaine Fracasse était un livre. Un livre de Théophile Gauthier, un écrivain connu pour ce seul roman qu’il mit une vingtaine d’années à écrire. Un roman pour la jeunesse, dit-on. Est-ce vraiment le cas ? Combien de jeunes l’ont réellement lu ?

Cela faisait longtemps que j’avais envie de le lire car le nom de Fracasse avait sa part d’aventure, ce petit goût d’authentique qui tient une place dans notre imaginaire, comme un lien vers l’enfance. Encore fallait-il avoir le courage de plonger dans une oeuvre de 700 pages plutôt dense ? Continuer la lecture de Le Capitaine Fracasse, cet inconnu

Le dernier Asterix : vers une renaissance ?

C’est un fait bien étrange. Une chose qui interpellerait tout extra-terrestre découvrant notre planète. L’être humain achète ses yaourts et ses petits pois dans un supermarché. Il trouve là tout ce qui est mangeable. Mais il arrive que le bipède faisant ses courses s’arrête devant une tête de gondole pour ajouter à son caddie, au milieu de ses victuailles, une bande dessinée probablement non comestible : le dernier « Asterix ».

C’est un achat d’impulsion qu’on fait par fidélité à ses plaisirs d’enfant, même si les deux derniers albums n’ont guère été emballants. Les distributeurs l’ont bien compris qui placent l’album dans des lieux inattendus. On achète le dernier Asterix comme on cède à un besoin pressant. Continuer la lecture de Le dernier Asterix : vers une renaissance ?