Archives de catégorie : Litterature

Un Goncourt anachronique…

Un Goncourt de 150 pages au petit format. Voilà le rêve du lecteur moderne, économe de son temps… Mais cet atout de principe est gommé par le choix du sujet, une analyse critique de la montée du nazisme. Un sujet qui n’est pas consensuel, et qui aura sans doute détourné de nombreux lecteurs n’ayant pas pu « rentrer dans l’histoire ». D’ailleurs, il vaut mieux parler en l’occurrence d’Histoire car ce livre n’est pas un roman, mais un récit. Un récit au vitriol, porté par un style court, fort, percutant. Des mots sulfuriques pour dénoncer le manque de courage et de clairvoyance de quelques caciques face à l’extension malfaisante de la pieuvre nazie. Fort bien !… Il se trouve que je suis un passionné de cette époque, au point de m’être souvent posé la question : « qu’aurais-je fait si j’avais vécu à ce moment là ? ». Une question à laquelle, à 55 ans, je n’ai pas encore trouvé de réponse. Enfin, j’entends, de réponse objective et honnête.

Eric Vuillard n’a lui aucun doute. Continuer la lecture de Un Goncourt anachronique…

Le Capitaine Fracasse, cet inconnu

Il est de ces personnages de roman que nous croyons connaître. Des héros de cape et d’épée que nous connaissons par les films des années 50-60 en noir et blanc, avec le plus souvent, André Hunnebelle à la réalisation et Jean Marais dans le premier rôle. Mais nous mélangeons tout entre le Bossu, le Capitan, le Capitaine Fracasse, Cartouche, Scaramouche… Avant d’être un film, le Capitaine Fracasse était un livre. Un livre de Théophile Gauthier, un écrivain connu pour ce seul roman qu’il mit une vingtaine d’années à écrire. Un roman pour la jeunesse, dit-on. Est-ce vraiment le cas ? Combien de jeunes l’ont réellement lu ?

Cela faisait longtemps que j’avais envie de le lire car le nom de Fracasse avait sa part d’aventure, ce petit goût d’authentique qui tient une place dans notre imaginaire, comme un lien vers l’enfance. Encore fallait-il avoir le courage de plonger dans une oeuvre de 700 pages plutôt dense ? Continuer la lecture de Le Capitaine Fracasse, cet inconnu

Le dernier Asterix : vers une renaissance ?

C’est un fait bien étrange. Une chose qui interpellerait tout extra-terrestre découvrant notre planète. L’être humain achète ses yaourts et ses petits pois dans un supermarché. Il trouve là tout ce qui est mangeable. Mais il arrive que le bipède faisant ses courses s’arrête devant une tête de gondole pour ajouter à son caddie, au milieu de ses victuailles, une bande dessinée probablement non comestible : le dernier « Asterix ».

C’est un achat d’impulsion qu’on fait par fidélité à ses plaisirs d’enfant, même si les deux derniers albums n’ont guère été emballants. Les distributeurs l’ont bien compris qui placent l’album dans des lieux inattendus. On achète le dernier Asterix comme on cède à un besoin pressant. Continuer la lecture de Le dernier Asterix : vers une renaissance ?

« L’Enigme de la Diane », dans le bain de la Royale

Je suis toujours impressionné quand un auteur arrive à marier deux talents : le talent du raconteur d’histoire avec celui de l’historien. Ecrire sur une période qui n’est pas la sienne n’est pas un exercice mineur. Il faut préalablement se rebaigner dans l’époque, collecter des informations, lire des écrits de l’époque, retrouver l’esprit du moment, et parfois aussi la langue. Tout en trouvant une trame qui puisse capter l’attention du lecteur contemporain. Un sacré défi…

Nicolas Grondin, breton d’origine, passionné de livres, s’est attelé à la tâche en 2010 avec un roman visant à ressusciter la Marine Royale de Louis XVI, « L’Enigme de la Diane ». L’histoire d’un jeune garçon, embarqué de force dans une frégate royale en mission pour les Antilles, qui va découvrir la vie de marin sur un navire de guerre où la vie humaine ne pèse pas lourd, mais qui sait faire naître une incroyable solidarité.

Ce livre est incroyable Continuer la lecture de « L’Enigme de la Diane », dans le bain de la Royale

Robert Merle ( 1908 – 2004 )

On me demande parfois quel écrivain m’a incité à écrire, quel est mon modèle en littérature. C’est difficile de faire un choix car nous sommes tous le fruit de nombreuses lectures depuis le plus jeune âge. Mais il y a un nom qui me vient souvent à l’esprit : Robert Merle.

A l’heure où l’on redécouvre la bataille de Dunkerque avec le beau film de Christopher Nolan, voilà un homme qui a justement combattu à Dunkerque. Il y a été fait prisonnier, et est resté trois ans prisonnier en Allemagne.

Une chance pour la littérature car cette longue inactivité lui a donné l’envie d’écrire. Et après la guerre, le professeur des écoles n’arrête pas d’écrire. Dès 1949, Continuer la lecture de Robert Merle ( 1908 – 2004 )

Tom Sharpe, Attila de l’humour anglais…

Vous souvenez-vous d’avoir ri aux éclats à la lecture d’un livre ? Je parle d’un rire irrépressible qui vous secoue dans le lit au risque de réveiller votre conjoint… Un seul livre m’a accordé cette grâce : « le bâtard récalcitrant » de Tom Sharpe.

J’ai découvert ce livre, il y a déjà plusieurs années, sur les conseils de mon amie Brigitte G. C’est un excellent souvenir de lecture. Mais, après plusieurs années, est-ce que le livre se prête à une seconde fois ? Continuer la lecture de Tom Sharpe, Attila de l’humour anglais…

Une blonde qui atteint sa cible…

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« Le dernier des nôtres » : voilà un titre emballant. Si l’on ne m’avait pas offert ce livre pour Noël, il est bien possible que je l’aurais acheté de moi-même. Grand Prix du Roman de l’Académie Française, en plus. On est déjà dans le succès d’édition. Même si son auteur, la jolie blonde Adélaïde de Clermont-Tonnerre n’est pas une célébrité…

Ce roman réussit le tour de force de passionner le lecteur dès les deux premiers chapitres. Deux chapitres fort différents au demeurant. Le premier parle d’un coup de foudre, ressenti par un homme pour une femme rencontrée dans un restaurant. Werner Zilch, un beau gosse new-yorkais craque totalement pour Rebecca, une jeune femme inconnue qu’il va tout faire pour séduire. Ce qui donne lieu – sous la plume d’Adélaïde – à une série savoureuse de quatre règles élémentaires à respecter pour faire tomber une fille. Reconnaissons que le conseil fait sourire, tant il est inhabituel venant de la gente féminine. Continuer la lecture de Une blonde qui atteint sa cible…

Ode au grand Schmitt ( 3 )

« L’homme qui voyait à travers les visages » : il y a quelques centaines d’années, ce livre aurait valu à son auteur le bûcher. Et on croise les doigts pour que nos amis musulmans ne lui fassent pas de misère. Mais quel livre !

C’est la troisième fois, en moins d’un an, que je parle d’Eric-Emmanuel Schmitt. Cela tourne à l’obsession. Mais, que voulez-vous, l’homme est tellement prolifique. Il écrit les bouquins à la chaîne, au point sans doute qu’il arrivera bientôt à égaler Victor Hugo dans sa riche bibliographie. D’ailleurs, dans ce livre, Schmitt nous donne la raison très étonnante pourquoi il écrit autant.

Ce nouveau roman est assurément son oeuvre ( à ce jour ) la plus personnelle. Continuer la lecture de Ode au grand Schmitt ( 3 )

L’incroyable Histoire de Wheeler Burden…

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Quel livre étrange !… Un livre déroutant et en même temps passionnant. Surtout une vraie gageure d’écriture car l’histoire s’enchevêtre entre passé et présent à un point tel qu’on est à la limite de décrocher. L’auteur nous emmène dans une ronde insensée où les personnages tourbillonnent dans le manège du temps.

Car cette histoire est d’abord celle d’un retour vers le passé. Celle d’un homme, Franck Standish Burden, dit Wheeler, troisième du nom, cinquante années environ qui, sans raison, se retrouve projeté dans le passé, c’est à dire dans la Vienne de 1897. Une ville qu’il a appris à connaître et aimer grâce à l’enseignement d’un vieux professeur émérite. Wheeler va y découvrir Continuer la lecture de L’incroyable Histoire de Wheeler Burden…

L’apôtre français du Sage d’Omaha

Le monde de la gestion financière est anglo-saxon. C’est en effet en Grande Bretagne et aux Etats Unis qu’est née dans les années 60-70 une nouvelle forme de religion qui a maintenant dans le monde entier, ses adorateurs et ses prosélytes : la gestion d’actions « Value »…

Il y a eu d’abord le rédacteur du « Nouveau Testament », Benjamin Graham, un économiste anglais qui a posé les bases académiques du stock-picking, autrement dit de « l’art » de bien savoir choisir une action pour gagner de l’argent en bourse. Puis est apparu le prophète, Warren Buffett, un américain plein de bon sens qui a inscrit en lettres d’or les règles pour gagner en bourse. Des règles qu’il s’est appliqué à lui-même car il est aujourd’hui la troisième fortune américaine. Aujourd’hui, le vieux Warren ( surnommé « le Sage d’Omaha » ) est un Dieu, copié, imité et revendiqué par tous dans la profession de la gestion, y compris par ceux qui ne pratiquent pas son concept de gestion « value ».

Mais, n’en déplaise aux très arrogants gérants US, le premier apôtre est français Continuer la lecture de L’apôtre français du Sage d’Omaha

Pour redonner le goût d’être Français…

« Le Testament Français », prix Goncourt 1995, est de ces livres qu’on sait d’avance qu’on les aimera. C’est difficile à décrire, une sorte de pressentiment devant la qualité de l’auteur, un Russe écrivant en français et ayant choisi de vivre en France. Un titre également évocateur et plein de promesses; et enfin, un prix Goncourt obtenu chez Mercure de France, maison d’édition peu habituée aux prix littéraires. Un signe imparable que le roman est bon…

Mais il faut être dans de bonnes dispositions pour découvrir « le Testament français ». Il m’a semblé que la période troublée que nous vivons, où la France se cherche et où les Français ne s’aiment plus guère, était un moment opportun. Une quête de ressourcement, peut-être aussi…

Dans ce livre largement autobiographique, Andreï Makine raconte sa grand-mère, Charlotte Continuer la lecture de Pour redonner le goût d’être Français…

« Outre-Terre » : un rêve de Napoleon…

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L’écriture est un moment de grâce quand on arrive à faire partager aux lecteurs, non seulement ses centres d’intérêts, ses passions mais aussi ses lubies, ses fantasmes, cette petite part de soi-même qui est quelque peu irrationnelle, comme un goût de folie intime. Avec « Outre-Terre », Jean Paul Kauffmann nous entraîne dans une quête improbable, celle du souvenir de la bataille d’Eylau qui a eu lieu en février 1807 dans les neiges de la Prusse Orientale. Une bataille qui a failli mal tourner pour l’aigle impérial, le sort de la bataille n’ayant tenu qu’à une charge de cavalerie épique de Murat et de ses grenadiers. Sans doute la plus belle charge de cavalerie de l’histoire de l’humanité, dans un désert glacé et brumeux qui aura vu les couleurs flamboyantes des hussards s’engluer dans le noir et blanc d’un horizon sans fin.

A l’occasion du bicentenaire de la bataille, Continuer la lecture de « Outre-Terre » : un rêve de Napoleon…

Lusitania : une tragédie oubliée…

Tout le monde connaît l’histoire du naufrage du Titanic. Assurément le plus connu des naufrages. Superbement mis en image par James Cameron en 1997, le Titanic a su faire vibrer les foules. Mais déjà, bien avant Leonardo di Caprio et Kate Winslet, cette histoire passionnante avait suscité de nombreux films. Quasi tous les dix ans ( des films sont sortis en 1943, 1953, 1958 et 1979, pour ne citer que ceux-là ). Les producteurs du monde entier savaient qu’ils avaient, dans le naufrage du plus grand paquebot du début du siècle, le scénario le plus romanesque qui soit. Cette passion pour le Titanic ne se dément pas, plus de 100 ans après les faits…

Comment comprendre, dans ce contexte, la relative indifférence autour d’une autre tragédie maritime de la même époque : le naufrage du Lusitania, un jour de mai 1915. Coulé par un sous-marin allemand U-Boot qui a envoyé par le fond le plus grand paquebot de l’époque, avec près de 1.200 de ses passagers ( un score bien proche des 1.500 personnes du Titanic ). Continuer la lecture de Lusitania : une tragédie oubliée…

Bussi, orfèvre du Polar ?

Ce qui est bien pendant les vacances, c’est qu’on fait des choses qu’on ne fait pas d’ordinaire. Comme lire un polar, vite fait, bien fait, sous le parasol au bord de la piscine. Laisser vagabonder son esprit dans des pages futiles qu’on oubliera, sitôt le bouquin refermé. Le polar de vacances est fait pour cela…

Sauf que Michel Bussi, c’est un peu plus que cela. C’est un mécanicien du polar, un maître incontesté de l’histoire captivante. Capturante, pourrait-on même dire… Ouvrir un de ses livres c’est comme prendre place dans une Formule 1 pour une course endiablée contre le temps. Plus rien ne comptera, sinon de finir la course. Franchir le drapeau à damier du mot « fin ».

Son dernier livre « Le Temps est assassin » Continuer la lecture de Bussi, orfèvre du Polar ?

« Le Fleuve Guillotine » : Lyon ville martyre

J’ai découvert ce livre par hasard. Le résultat d’une rencontre à la journée du Livre de Talloires avec Antoine de Meaux. Un jeune écrivain qui a écrit un roman sur un siècle qui n’est pas le sien, c’est toujours intrigant. En plus, « le Fleuve Guillotine » parle des années sombres de la Révolution française, avec ces deux années charnières que furent 1792 et 1793. J’ai acheté le livre par curiosité…

Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que le principal personnage du livre est la ville de Lyon, ma bonne ville natale qui connut à l’été 1793 des événements tragiques avec le siège de la ville pendant pendant neuf semaines par les troupes jacobines de la Convention. Continuer la lecture de « Le Fleuve Guillotine » : Lyon ville martyre

Ma conception du bonheur…

« La journée avait été belle, de ces temps d’automne ensoleillés où l’air chargé d’ions vous insuffle une énergie stupéfiante. On goûtait à pleins poumons cette dernière resucée de l’été, si agréable pour l’épiderme. Le soleil jouait avec les ombres pour créer de délicieuses sensations de chaud-froid. Mais on sentait bien que c’était un combat d’arrière-garde. A chaque caresse du soleil répondait une brise dans laquelle perçaient les premières morsures du froid. Les éclaireurs de l’hiver étaient déjà là; ils marquaient en filigrane tout un paysage d’arbres et de feuilles flamboyantes d’où émergeaient des sommets saupoudrés de neige. A cette bataille entre la chaleur  et le froid répondait là-haut un dialogue subtil entre les couleurs éclatantes d’automne et le grand blanc immaculé. Le corps des hommes, soumis à ces sollicitations contraires, n’avaient d’autres choix qu’exulter d’un bonheur brut, comme seule la montagne sait vous en dispenser. »

Extrait de « L’Or du Paradis », mon second roman ( Editions AO )

« Le ciel s’est subitement découvert avec une éclaircie lumineuse, comme seule la Bretagne sait vous en faire l’offrande. Je sors de la voiture pour humer un peu plus une forte odeur de terre, de pluie et de feuilles mouillées. L’odeur d’un automne brut et austère. L’automne d’une terre bretonne lessivée qui exhale des vapeurs de cette minéralité rugueuse propre au pays celte. Après le grain, la lumière des cieux a repris ses droits sur les ténèbres. De fines particules de matière s’éparpillent sous la clarté d’un rayon de soleil perçant à travers une masse de nuages teigneuse. L’air chargé d’une lourde humidité est tellement dense qu’il en est palpable. Il remplit pleinement les poumons, les rafraîchissant d’une caresse voluptueuse qui vous fait sentir en vie, comme rarement. »

Extrait du « Collectionneur Amoureux », mon premier roman ( Editions Baudelaire )

 

Un autre Bernard amoureux des mots

C’est un magicien des mots, un homme médiatique qui s’est mis au service de notre langue de la plus belle des façons. Bernard Pivot est mon maître… Malgré ses 81 ans, il garde toute sa verve. C’est un excellent conteur et un esthète de l’orthographe. Il faut l’entendre parler de l’Académie Française pour déplorer que des mots ne soient pas introduits dans le dictionnaire, comme le savoureux mot africain « girafer » qui veut dire « copier sur son voisin ».

Et la réforme de l’orthographe ? Quelle ineptie… Vous imaginez le mot « coït » perdre son tréma pourtant si imagé ? Ou le féroce rhinocéros sans le « h » qui lui donne toute sa force ? Ou encore le mot femme devenir « fame », ce qui privera tous les petits garçons de cet avertissement sans frais comme quoi avec les femmes, les choses sont loin d’être simples ?

Non assurément, la voie de la paresse n’est pas la voie royale, Continuer la lecture de Un autre Bernard amoureux des mots