Quel plaisir de lire ce deuxième opus des Mémoires de la grande Catherine, après le premier qui m’avait beaucoup excité !… J’y avais retrouvé les combats politiques de ma jeunesse et la violence des joutes de l’époque. Ce second livre est plus contemporain. Il parle de politiques qui nous sont plus proches, Chirac, Jospin, Sarkozy, Seguin, Hollande, Macron… Récit incroyable ! Alors que la politique a tendance à ennuyer les Français, Catherine Nay nous raconte la chose comme un roman. Des détails invraisemblables, des anecdotes, des passions humaines qui donnent à l’intrigue des ressorts quasi balzaciens, tout s’enchaîne aisément sous la plume très honnête d’une journaliste certes engagée, mais pas militante. Surtout, c’est la femme la mieux informée du monde politique ( une vraie mine d’or ) et on comprend beaucoup de choses au prisme de ses confidences.
Non-nécessaire, mais admirable. Daté et désuet, mais très moderne dans son propos. Superflu et redondant, mais déjà indispensable… Les pensées ambivalentes s’entrechoquent à la sortie du nouveau West Side Story. C’est a priori une mission impossible de vouloir refaire un chef d’oeuvre. C’est comme suivre l’empreinte de géants, avec nos pieds de nabots contemporains. Sauf quand il y a Steven Spielberg aux manettes… Le magicien d’Hollywood a encore frappé. Son film est époustouflant…
Spielberg a été assez malin pour ne pas faire une version contemporaine de ce récit mythique. Il a préféré le laisser dans son jus, en recollant parfaitement à l’esprit des années 50. Il a ainsi calqué la poésie du modèle, tout en montrant que les combats pour l’identité et l’appartenance, sont toujours diablement d’actualité. Pour le spectateur Européen, c’est un vrai bonheur de relire les sous-titres des chansons de ce ballet de rues. Quelle puissance ! Et au vu des débats qui déchirent actuellement la société américaine, on comprend que Spielberg ait trouvé opportun d’astiquer l’éclat de ce film mythique. Les décors de rue et les couleurs vives des costumes sont un enchantement. Les jeunes comédiens sont épatants et d’une aisance folle devant la caméra. La chorégraphie est enfin envoutante et aérienne. Bref, Spielberg réussit le tour de force de quasi éclipser l’original. Le spectateur repart avec les mélodies des choeurs du film qui résonnent dans les têtes et dans les coeurs. Cela change du bruit force 8 et des boum boum des bandes annonces qui l’ont précédé. Merci Steven…
Les Téméraires » est un gros pavé historique qui peut effrayer le lecteur de passage. Oui, mais il traite d’une partie de l’Histoire de France méconnue, le Duché de Bourgogne qui s’est heurté à la France pendant près d’un siècle, en prenant un moment le parti de l’Angleterre durant la Guerre de 100 ans. Nous avons tous entendu parler de Charles le Téméraire, adversaire de Louis XI, mais qui sait que la Bourgogne recouvrait alors une large partie de la Belgique et des Pays Bas pour faire un état semblable à ce qui avait prévalu du temps de Charlemagne ?
C’est un auteur hollandais qui nous raconte cette histoire dans sa langue, traduite en français. Il le fait avec une érudition remarquable, parfois un peu confuse, notamment dans sa première partie qui essaye d’enraciner la Bourgogne dans une histoire très ancienne. Il a tendance aussi à tirer un peu trop la couverture du récit vers le pays batave, mais force est de lui reconnaître qu’il a d’abord entrepris un gros travail de recherche sur ses origines nationales. L’histoire de la Bourgogne n’est pas que française…
Les Primaires sont un drôle d’exercice. Un vote avant l’heure pour choisir son candidat ou sa candidate parmi tous les impétrants au poste de Président. Le job est le plus dur et le plus ingrat qui soit. Et pourtant, ils sont nombreux à le briguer. Envie d’en découdre vraiment ? Ou plutôt goût immodéré pour le pouvoir et tous ses attributs ?… J’ai été éberlué par les Chirac, Hollande ou Macron qui ont conquis le pouvoir de haute lutte pour ne pas en faire grand chose après. Gérer la chose publique, c’est assurément prendre des décisions fortes, jouer collectif, expliquer, convaincre, fixer des horizons. Vaste programme ! comme aurait dit le Général…
Ce film ne va pas révolutionner le genre, il est très convenu dans son histoire, et utilise les grosses ficelles pour susciter l’empathie. Je comprends qu’on puisse ne pas aimer cette débauche de bons sentiments. « Si on chantait » surfe sur la vague de l’émission-vedette « N’oubliez pas les paroles » qui a fait du chant un facteur de cohésion inter-générationnelle. Le film dégage une telle énergie qu’on ne peut s’empêcher de vibrer à cette histoire de pieds nickelés du chant qui essayent de se sortir du marasme d’une région en crise. Le chant comme exutoire des soucis du quotidien, comment ne pas adhérer à la chose ?
Quand, en plus, c’est fait par un artisan du cinéma qui humblement a voulu rendre hommage à sa région en crise et à la résilience de ses habitants, le spectateur aurait mauvaise grâce à contester l’authenticité du message. Il n’a donc pas d’autres choix que de se laisser porter par l’entrain de trois acteurs parfaitement en harmonie avec l’histoire, avec, en cadeau Bonux, la prestation étonnante d’un Clovis Cornillac en « looser » magnifique.
Le Dernier Duel a un grand mérite : placer son action au Moyen Age, en 1386 sous le règne de Charles VI dit le Fou, qui était encore tout jeune au moment des faits. Car l’histoire qui nous est racontée est une histoire vraie, une histoire de duel entre deux seigneurs dont l’un Jacques Le Gris a déshonoré la femme de l’autre, Jean de Carrouges. Un duel sauvage a lieu, au final, qui met un terme à un procès dégradant pour la jeune épouse, où celle-ci remet finalement son destin ( et sa vie ) aux aléas d’un combat singulier entre les deux protagonistes. Face au doute des Hommes, Dieu montrera la vérité !…
Le côté barbare des enjeux de ce duel est un beau baromètre de la violence d’une époque où les femmes ne pesaient rien, et les hommes n’avaient pas d’autre ambitions que de guerroyer et de détrousser des filles. Le film rend bien compte de l’époque, avec une belle photo qui imprègne la rétine assez durablement pour mettre le spectateur mal à l’aise. Tout vibrillonne de manière forte, des combats sanglants , des disputes autour de terres, des échanges tout en tension…
« Il devait cesser d’espérer et continuer à vivre », telle est la dernière phrase du film ( du livre ? ) et elle résume bien le caractère désenchanté et le jeu de faux semblant matiné de cynisme dans lequel nous plonge cette superbe évocation du roman de Balzac. Ah que ce roman est contemporain dans sa dénonciation d’un monde vain, qui ne s’attache qu’à l’écume des choses !… J’ai vraiment exulté à certains passages tant ils semblaient adaptés à notre monde contemporain. Rien ne bouge à travers les époques, et notamment la puissance de l’argent, la vacuité des êtres, la vanité, l’égocentrisme, l’absence de morale, le plaisir de salir et de tuer par les mots. Un joli melting-pot de tout ce qui fait la laideur de l’âme humaine, et que Balzac, grand contempteur des travers de son siècle, dénonce avec une volupté exubérante.
Un James Bond, reflet parfait de notre époque !… Voilà ce qui me vient à l’esprit à la sortie de ce film qui m’a désarçonné. Que peut-on attendre d’une société qui a abattu une statue de Napoleon pour y mettre celle de Gisèle Halimi ?… De poursuivre, bien sûr, le travail de sape commencé dans l’optique de déboulonner toutes les anciennes idoles… Bond, le coureur de jupons, rentre dans le rang et devient un homme fidèle, au point de prendre une décision ultime pour rester fidèle à cet amour. Il aspire à une vie bien tranquille, et le numéro d’agent du MI6 qui lui était dévolu, est maintenant détenu par une femme noire. Suprême outrage : l’agent le plus British qui soit, offre ses services à la CIA… Un dynamitage dans les règles !…
Disons-le clairement, nous ne sommes plus dans l’espionnite souriante et insouciante qui a marqué nos jeunes années, un homme fort et « unbeatable » dont nous suivions les aventures avec jouissance, sans vraiment y croire…
A quoi sert le cinéma, sinon nous procurer quelques moments furtifs de bonheur ? Des petits moments qui vous chatouillent tous les sens, et qui sont d’autant plus puissants qu’ils vous surprennent dans votre petite routine de spectateur blasé. Ah, ce que ce film fait du bien !… Je crois que je le reverrai avec plaisir, ne serait-ce que par le côté entraînant et hypnotique de quelques scènes. Ce « Tralala » est une petite musique, d’abord assez aride, qui n’emporte pas une adhésion immédiate. Mais elle se propage comme une mélopée pour vous entraîner dans une farandole improbable. C’est difficile de ne pas céder au charme des interprètes, Matthieu Almaric en tête, étonnant en hurluberlu hirsute, Josiane Balasko en mère portée sur la chansonnette mais aussi une révélation, Bertrand Belin à la voix rauque qui vous embarque….
Je ne sais pas si l’auteur l’a fait exprès dans le choix de son titre, mais cet « été anglais » m’a fait penser à une autre été, « un été 42 » d’Hermann Raucher dont on a fait un film avec une superbe musique de Michel Legrand. Dans les deux cas, le récit d’un jeune garçon découvrant les mystères féminins auprès d’une femme plus âgée, chose très désirée dans l’un, plus subite dans l’autre. Faut-il que la société ait fortement évolué pour qu’à cinquante ans d’écart, cette même histoire passe du rite initiatique plein de sentiments à une relation passant pour de l’abus et une certaine forme de défloration de l’enfance !
Cette évolution de la société est incontestable, prenons-en acte. L’auteur nous tricote donc l’histoire de Fabrice, 15 ans, jeune garçon partant en Angleterre pour améliorer son anglais. Une situation qui évoque immanquablement des réminiscences chez le lecteur. L’idée sympathique est de transposer l’action dans l’Angleterre des Beatles, dans une famille de la gentry, plus anglaise que cela, tu meurs.
Le cinéma français s’émancipe… Il y a quelques années, personne n’aurait osé attaquer un film aussi ambitieux, et quand bien même, cela aurait été le cas, on l’aurait tourné en anglais et appelé « black box » pour faire plus sérieux… Ce film surprend donc, car il sort des rails balisés du film de chez nous, sans grands moyens. C’est un film « grand spectacle » à l’image du récent et excellent « Chant du Loup ».
Un krach d’avion est toujours un drame. Cela suscite plein de questions, pour savoir, pour comprendre, pour éviter que cela ne se reproduise. L’utilisateur occasionnel ou régulier d’avions de ligne veut se rassurer, tout en pensant à ces passagers infortunés qui ont vécu l’enfer. Aussi, approcher le problème sous l’angle du BEA, l’organisme de la sécurité aérienne qui audite les krachs, est une excellente idée. Il n’y a rien de plus fédérateur. Nous nous sommes toujours demandés ce que révèlent ces boites noires qui retranscrivent les derniers instants des pilotes.
Valerie Perrin, l’auteur de « Changer l’eau des fleurs » est la nouvelle compagne de Claude Lelouch. J’ai découvert la chose en toute fin de lecture de ce beau livre, et cela m’a paru lumineux. Ces deux-là se sont apparemment bien trouvés !… Leur narration est proche, leur style aussi riche dans la description de l’intime. Leurs retours en arrière similaires dans des flash-backs nourrissant la trame du récit. Ce livre est un mille-feuille, au sens qu’il superpose, par couches successives, des tranches de vie les unes sur les autres pour former une seule vie dans sa pleine dimension psychologique et affective, la vie de Violette.
Quelle science du récit ! Dès les premières lignes, le lecteur est captivé. Non pas par un scénario alambiqué, il ne se passe presque rien. Mais la sérénité qui se dégage du personnage emporte tout. Malgré une vie de chiotte, cette jeune femme prend la vie comme une offrande. Il se dégage d’elle un inaltérable optimisme. Contagieux aussi, car elle va fédérer autour d’elle toute une bande de laissés-pour-compte et d’écorchés de la vie. Et pourtant, cette femme est… garde-barrière à la SNCF, puis garde de cimetière !…
Qu’il est rafraîchissant de découvrir une personnalité accomplie qui a parfaitement réussi sa vie d’homme !… Olivier de Kersauson est un grand navigateur, un aventurier, un homme de la mer. Mais il est aussi un homme riche d’une érudition terrienne et maritime, un philosophe certes peu conceptuel, mais essentiellement pragmatique, un homme plein d’humour qui s’attache à « l’être » plutôt qu’au paraître, en bref, un homme qui est solide dans sa construction et qui projette sur l’existence le phare d’une intelligence de l’expérience.
Façonné par la mer qui lui a tout appris, le jeune Kersauson a aussi pris des partis audacieux dans sa jeunesse, en particulier celui de ne rien attendre des autres pour ne pas être déçu. Il a construit ainsi une personnalité chaleureuse, plus ouverte sur l’extérieur que ses choix primordiaux ne le laisseraient paraître. Il a suivi une éducation rigoureuse, et ne la rejette pas. Il sait tout ce qu’il lui doit.
« Des héros maltraités », tel pourrait être le titre de ce film choc, plutôt que ce « Bac Nord » un peu froid qui fait référence au jargon policier pour définir cette unité de police. Car ce film est puissant autant dans sa dimension psychologique que dans son action. Il y est question du ressenti de policiers face à la perception de leur métier. Un métier qu’on croit connaître en se gavant d’images d’enquêtes policières policées sur les chaînes grand public, mais qui se révèle être tout autre au quotidien, notamment dans les quartiers les plus chauds de Marseille. Là-bas, c’est une zone de non-droit, un no man’s land judiciaire, une république de la drogue et des combines… Le film, par son hyper-réalisme, donne une image effrayante de ces banlieues. Je suis resté abasourdi par ces scènes de guérilla urbaine, même si dans une volonté de non-stigmatisation d’une communauté, le réalisateur prend soin de ne pas faire « trop » parler les armes. Quoi qu’il en soit, est-ce bien là ce qu’est devenu le pays de Marcel Pagnol ?…
Il est vrai que le film repose sur une histoire vraie, avec des policiers révoqués en 2012 pour des pratiques contraires à la Loi.
Il faut être un peu gonflé(e) pour se mettre devant une feuille blanche et décider de ré-écrire, en toute simplicité, « l’Iliade » d’Homère. C’est pourtant ce à quoi s’est attelée l’universitaire américaine Madeline Miller, avec cet ouvrage, « le Chant d’Achille » qui est plébiscité par les lecteurs de Babelio. Assurément, de quoi susciter la curiosité…
J’ai lu ce livre avec plaisir, mais avec l’esprit perverti par l’image de Brad Pitt en Achille bellâtre et bodybuildé. Une certaine forme de pollution cinématographique qui se révèle pénalisante pour entrer dans la personnalité que nous présente Madeline Miller assez différente de celle du film. L’auteur nous délivre un Achille, plus subtil, bagarreur certes, mais aussi homosexuel, amateur de chant, de lyre et de danse, qui ira jusqu’à se cacher en femme parmi un groupe de danseuses pour échapper à l’enrôlement pour la guerre de Troie.
L’Iliade que j’ai relue pour l’occasion, est, il est vrai, un récit plein de trous.
Stefan Zweig que j’ai entrepris de découvrir dans sa globalité, est un auteur prolixe qui sait nous amener parfois là où l’on ne l’attend pas. Ce « chandelier enterré » est un bon contre-pied littéraire, avec un récit pétri d’humanité judaïque qui se passe à une époque hautement improbable : la mise à sac de Rome par les Vandales en l’an 455, des barbares pas si dégénérés que cela, au demeurant, puisqu’ils étaient pétris de cette civilisation latine qui dominaient le monde depuis plusieurs siècles. D’ailleurs, les plus dégénérés étaient davantage ces Romains, un peuple à bout de souffle, qui décide d’abandonner sans combat sa ville aux envahisseurs, laissant la porte ouverte au pillage le plus orchestré qui n’ait jamais été : le déménagement en quelques semaines de toutes les richesses accumulées par des siècles de domination du monde. Voilà assurément une période intéressante de notre histoire…
La France n’aime pas les échecs. En général, on préfère les cacher sous le tapis, les dissimuler comme une maladie honteuse. Le monde professionnel aime les succès aux trajectoires simples. Orientées exclusivement vers le Nord-Est. Tout cela est très différent de la vision de Winston Churchill, selon lequel le succès c’est « aller d’échecs en échecs sans perdre son enthousiasme ». Alors, quand un entrepreneur français prend la plume pour parler de la faillite de sa boite, on ne peut que le féliciter. Voilà un homme qui joue la transparence, qui assume et qui veut tirer des enseignements d’une expérience douloureuse. Un exercice de corde raide, qui se révèle, au final, absolument passionnant…
Le monde de l’entreprise est souvent mal-connu. Celui des chefs d’entreprises est souvent l’objet de raccourcis réducteurs. L’image du patron fumant un gros cigare chez Plantu n’est pas loin. Il est donc précieux de voir que gérer une entreprise est d’abord une aventure collective et humaine. Celle d’un homme qui consacre toute son énergie à un projet. Celle d’une famille qui le soutient, de collaborateurs qui l’entourent, de salariés qui s’impliquent… Tout peut fonctionner à merveille, au plus grand bénéfice de tous. Jusqu’à ce qu’un gros grain de sable vienne gripper la machine, en l’occurrence la faillite de la Banque Lehmann en 2008 qui a entraîné une forte dépression internationale qui n’a épargné personne. Surtout dans le domaine du recrutement où oeuvrait Solic. Les salariés étant traditionnellement une variable d’ajustement, en cas de crise, les recrutements sont stoppés net. Ce fut le drame de Solic et de son sympathique dirigeant Nicolas Doucerain.