Paris-Mantes, Oui-Oui chez les barjots…

C’est une course qui date de près de quatre-vingt dix ans, le Paris-Mantes à la marche, de nuit. En fait, il s’agit plus du Versailles-Mantes, car le circuit a été raccourci en 2013. Une épreuve mythique à laquelle je me suis joint, sans vraie préparation, du fait de mon appétence à arpenter les chemins de France.

Une grosse étape des Chemins de St Jacques, c’est 30 kilomètres de marche dans la journée. Alors, que penser de 54 kms, soit 75% de rab, sinon que c’est un peu dément de soumettre son corps à une telle épreuve ?… Autant le dire tout de suite, je ne suis pas allé au bout. J’ai calé au 39ème kilomètres, soit avec les deux kilomètres entrepris de nuit pour aller à la gare RER, une marche sur 41 kilomètres. Mon record personnel…

C’est assurément une expérience. 5000 personnes qui s’élancent par une nuit froide proche des zéro avec des tenues fluorescentes et des loupiotes au front, deux conditions impératives pour participer. C’est visuellement très beau que cette longue chenille humaine lumineuse cheminant au plus profond de la forêt de Marly. Des femmes et des hommes de tous horizons, majoritairement jeunes, avec de belles conditions physiques, car le rythme donné par le groupe est très soutenu. Au départ de Versailles, alors que je suis bon marcheur, ils sont des milliers à nous dépasser, des garçons tendus comme des arcs vers l’objectif, des filles qui cavalent d’un pas loin d’être menu, mais aussi des vieux remontés comme des horloges, des couples qui se donnent la main, des copines qui papotent, tout ce petit monde poursuivant un train d’enfer. Qui veut aller loin, ménage sa monture, pense-t-on au fond de soi pour se consoler, tout en découvrant que cette marche est avant tout une course. L’idée est d’arriver au bout de neuf heures de marche, si possible avec un meilleur score que l’année précédente.

Un univers assez lointain de mon horizon de marcheur hédoniste appréciant les paysages et peu hostiles aux haltes permettant la récupération. Des étapes, l’organisation en dispense trois, durant le parcours, avec des boissons, du pain d’épice et du chocolat. Mais, malgré les muscles qui crient souffrance et les courbatures qui se cramponnent, point question de s’attarder. Les camionnettes de la sécurité civile qui circulent, le bus ramasse-faibles qui patiente, et la dictature du collectif abrègent toute compassion pour soi-même. On est là pour en baver, pour ne pas dire plus…

Le froid est intense et la nuit pleine d’étoiles. Mais le chemin est monotone dans des kilomètres de chemins forestiers rectilignes. Et puis, c’est ensuite le bitume sur des petites routes sans grand charme. Ce parcours est déprimant, et les lignes droites où l’on aperçoit, quelque kilomètre devant, la longue file éclairée des marcheurs qui vous précèdent n’aident pas au moral.

Au bout de la trentaine de kilomètres, la fatigue est là, bien ancrée. Les muscles se font lourds, les mollets crient de douleur. Le pas est devenu celui d’un automate. Le seuil de l’endurance est dépassé et il y a encore 19 kms devant soi pour remporter cette victoire sur soi, et pouvoir pavaner le lendemain au bureau, tout en marchant en canard avec une semaine de récupération, comme le déclarent les habitués de l’épreuve. Qu’est-on venu faire dans cette galère ?

La finition est affaire de mental. Mais aussi de préparation… Une nourriture idoine avant l’épreuve semble un must. Quant à l’hydratation, elle est indispensable, alors que le froid fait que la soif ne se fait pas sentir. Ma gourde est restée pleine pourtant !… Erreurs de débutant. Au-delà de ce manque de préparation, mon mental n’est pas clairement celui de ce genre d’épreuves. Pourquoi mettre son corps à ses limites pour atteindre un objectif sans grand intérêt ? Rejoindre un pic argenté ou un col alpestre, cela vaut de mettre ses tripes sur la table. Mais la cité riante de Mantes la Jolie n’est pas de ces objectifs qui font rêver… Et j’ai trop de respect pour ma charpente de chair et d’os pour la mettre en danger, si bien que je suis, par exemple, toujours resté à l’écart de la mode des marathons, alors que j’aime courir.

Se mettre minable pour le plaisir de l’accomplissement personnel n’est pas dans mon ADN. La compétition non plus, à vrai dire… Pour autant, ce fut une belle expérience. Le collectif est toujours une belle aventure. Merci à Manu de m’avoir convié à l’épreuve avec ses potes. J’ai fait bonne figure sur les trois quarts de l’épreuve… C’est déjà bien…