Tous les articles par Bernard

La douce musique de l’Afrique

L’écriture est un art difficile. C’est difficile de trouver le bon tempo d’une histoire. Il faut que la musique de la langue s’harmonise avec le rythme d’un récit. Il faut raconter une histoire qui soit universelle. Et laisser les mots trouver leur chemin…

Parfois, de manière exceptionnelle, c’est une forme de lumière qui jaillit au bout de l’exercice. L’histoire se transforme en conte intemporel et aspire à briller au firmament de la littérature. Un peu comme « le Petit Prince » de Saint Exupery, ou « l’Alchimiste » de Paul Coelho… « Le fils-récompense » se rapproche de ces grands aînés.

Pourquoi pourtant ce livre est-il si mal connu ?

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La charge de Nay

Catherine Nay est une journaliste qui ne m’a jamais fait vibrer. Je la trouve froide, hautaine, distante, tellement peu chaleureuse qu’on peut la suspecter de misanthropie… Mais il est vrai qu’elle a évolué depuis le milieu des années 60 dans le milieu le plus macho qui soit, celui de la politique dont les acteurs – quasi tous des hommes – sont tiraillés par une libido délirante. Il y a donc dans la retenue de cette journaliste sûrement de l’auto-défense car elle a côtoyé de sacrés cocos.

Son livre de souvenirs est passionnant. Surtout quand son récit correspond aux années où l’on a soi-même éveillé sa conscience politique au contact de l’actualité des années 70 et 80. Le livre nous replonge dans ces années-là avec une aisance incroyable. le récit est fluide, instructif, amusant. Il fourmille d’anecdotes. Mme Nay était au coeur de l’actualité qui se faisait au quotidien, très proche de la droite notamment, puisqu’elle s’était partagé l’échiquier politique avec Michelle Cotta qui couvrait davantage la gauche dans les équipes de l’Express, puis d’Europe n°1.

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Les couleurs du succès…

Quel beau conteur que ce Lemaître ! J’avais adoré « Au revoir là-haut ». Sa suite « les Couleurs de l’incendie » reprend les mêmes personnages, sur la même trame. Celle de la vengeance… « Au revoir là haut » était une géniale opération de rancoeur recuite d’un soldat défiguré à la guerre pour se venger d’une société belliciste. « Les Couleurs de l’incendie » nous raconte les péripéties de sa soeur Madeleine soumise à une bande de hyènes qui la spolie de son héritage. Mais on ne s’attaque pas impunément à un rejeton de la famille Pericourt, et la vengeance sera terrible.

Depuis toujours, les lecteurs adorent les histoires de vengeance. Le rebond des victimes et le châtiment des injustes est un ressort sans fin de la littérature. Ici l’histoire vous happe d’autant plus facilement que la victime est une femme éduquée pour jouer les faire-valoir, une femme qui fait confiance, après avoir perdu son mari ( en prison ) et son père ( décédé ), une femme qui, comme beaucoup à son époque, se cantonne à être une mère, et à jouer les utilités pour le reste. Son fils est handicapé et elle se trouve quasiment sans le sou. Comment ce Monte Cristo au féminin va-t-elle se dépasser pour attaquer ses adversaires sur leur propre terrain ? 

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Déréliction

Amusant… Voilà un mot qui est victime de son propre état. Un état d’abandon et d’isolement dans la langue française. La déréliction est accablée d’être ainsi à l’écart de notre usage courant. Il sonne pourtant bien. Un quidam qui souffre de déréliction est autrement plus valorisé que celui qui doit confesser être seul et abandonné. Alors, donnons à ce mot une autre vie. Il est savant et joliment élégant…

Tombés dans l’oubli…

Contrairement aux nombreux chanteurs mis en selle par la Môme Piaf ( Yves Montand, Georges Moustaki, Charles Aznavour, etc… ), les Compagnons de la Chanson ne passent plus sur les ondes radio. Ce groupe de 9 voix harmonieuses parfaitement raccord a pourtant eu une carrière exceptionnelle de près de 40 ans. Ils ont rempli des salles de spectacle pendant des mois consécutifs. Un vrai succès national, bien lancé par la petite Edith Piaf qui ne sentait jamais aussi bien qu’entourée de ces neuf beaux messieurs…

Pourquoi sont-ils donc à ce point tombés dans l’oubli ? C’est un mystère… Les groupes choraux de l’époque ne sont plus en cour. C’est vrai aussi des Frères Jacques, des pros de la chanson à texte qui doublaient leurs chansons de gestuelles et mimiques sur scène comme des clowns de cirque. Des chanteurs passés de mode, dont les extravagances paraissent un peu surannées.

Mais les Compagnons étaient plus sobres.

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Rommel va-t-il gagner ?

Ken Follett est un auteur prodigue. Ses romans sont tellement nombreux qu’il est difficile de choisir. En général, je suis toujours sur la défensive face aux « serial writers ». Un roman est d’abord une rencontre entre un écrivain et une histoire. Alors débiter des histoires comme des « petits pains », cela me crispe par principe. L’écriture n’est pas un métier, plutôt une grâce passagère…

Le « Code Rebecca » : j’ai pioché l’idée chez une Babeliote, fan de l’auteur. Un récit d’espionnage dans l’Egypte des années 40, quand Rommel et les troupes de l’Afrika-Korps menaçaient l’occupation anglaise, voilà un scénario qui fleure bon l’aventure. Et puis, c’est un livre dont on a fait un film ( pas une grande réussite au box-office ), signe que le récit était suffisamment riche. Bonne pioche !

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Dans le jardin de l’Ogre…

Déstabilisant… C’est le ressenti immédiat face à ce livre. Une réaction instinctive parce qu’il parle d’une chose rare, presque tabou, à savoir l’addiction sexuelle chez une jeune femme qui cède aux avances, quand elle ne les provoque pas, de nombreux hommes de passage. Une femme esclave de ses pulsions que le vulgus pecus affuble d’adjectifs injurieux, alors que la version masculine de ces comportements suscite, plus souvent, des commentaires flatteurs, ou au pire, une certaine forme d’indulgence. Après tout, les femmes ont acquis leur indépendance, la liberté vis à vis des choses du sexe et la maîtrise de leur corps. Pourquoi ne seraient-elles pas aussi à l’affût du plaisir à l’état brut ?

Pourquoi se sent-on, malgré tout, un peu gêné par l’histoire d’Adèle ?

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La Vengeance du Pardon

Eric-Emmanuel Schmitt est un merveilleux conteur. En général, je ne suis pas très amateur de nouvelles, le lecteur ayant souvent la frustration d’une histoire qui se termine trop tôt. Mais cette fois-ci, les quatre histoires sont parfaitement équilibrées, et le plongeon dans l’histoire qui suit, est vite assez submersif pour oublier l’histoire précédente. Et quel joli cocktail d’histoires !… 

Notre auteur lyonnais qui ne cache pas son christianisme, a décidé en quatre merveilleuses histoires de raconter la force du pardon.

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Reticule

Voulez-vous faire plaisir à votre femme ? Dites-lui, « viens je vais t’acheter un réticule ». Il est à parier qu’elle se laisse entraîner sans comprendre. Pour adopter un sourire radieux devant le magasin Cartier ou Gucci.

Car un réticule est un petit sac à main de femme, souvent si petit qu’on le cantonne au rôle d’accessoire inutile, mais tellement tendance. Alors, même s’il est inutile, réhabilitons ce joli mot. C’est rare un mot qui fait sourire la gente féminine par la seule force de son concept.

Goncourt à la Harlan Coben

Voilà un Goncourt bien étrange… Le plus original qui soit. Très différent de tous ceux qui l’ont précédé. Mais en même temps, ce livre est un travail si finement ciselé, comme un bijou de haute-couture, qu’il aurait été anormal de ne pas le distinguer.  Il se lit comme un polar « à l’américaine », avec une longue entrée en matière, fourmillante de personnages, dont on s’aperçoit bientôt qu’ils ont tous vécu un événement commun. Puis l’action se précipite, atteint un paroxysme inattendu, avant de laisser retomber la tension jusqu’au bout du roman. C’est puissant, captivant et déstabilisant… 

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Bal tragique au Conseil Constitutionnel : un mort…

Le titre irrévérencieux du Canard Enchaîné lors du décès de De Gaulle m’a inspiré… La mort de Giscard est un événement qui va faire couler beaucoup d’encre dans un pays qui se complaît dans les commémorations en tout genre. Tout le monde va se fendre d’un billet, d’un souvenir, d’un hommage appuyé au grand homme. Comment rester étranger à l’exercice ? Comment ne pas exprimer son ressenti devant le bilan d’un homme qui a été, sept années durant, le premier d’entre nous ?

Pourtant, alors que je suis un homme de droite, l’événement me laisse froid. Giscard était mort, à mes yeux, depuis longtemps. Non pas en 1981, sa courte défaite était compréhensible après la crise issue du choc pétrolier. Mais plutôt après, quand il n’a rien entrepris pour fédérer les siens, et qu’il a fini par agacer tout le monde par son arrogance et son hauteur de vue qui ne le rendait guère accessible. Les médias nous racontent l’histoire d’un homme aimant les petites gens et qui a cassé le sacre de la communication politique quelque peu empesée de ses deux prédécesseurs. Un homme moderne qui parlait à tous. Ce n’est pas faux, mais comment juger l’homme d’hier, sans intégrer celui qu’il a été après ?

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Kafka chez Fnac-Darty

Petite mésaventure d’un acheteur digital… 

Supposons que vous êtes un consommateur responsable qui ne veut pas passer par la pieuvre Amazon pour faire vos achats. Vous préférez opter pour un champion national qui paye ses impôts en France. Vous vous rengorgez de cet acte citoyen. Les GAFA ne passeront pas par vous… 

Vous achetez donc sur Fnac.com un bel aspirateur Dyson qui fait de l’oeil à toute la famille pour ses qualités remarquables. Tiens, tiens, la Fnac pratique des bons prix… Vous êtes heureux. Vous vous êtes adressé à l’enseigne qui cumule « le contrat de confiance » et la proximité d’un ex-groupement coopératif.

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Tir à vue contre Facebook & Consorts

Quand le journaliste demande à Tim Kendall, ancien responsable de la monétisation de Facebook et ex-directeur de Pinterest, ce qui l’inquiète le plus dans le développement exponentiel des réseaux sociaux, il soupire et réfléchit un bref instant avant de répondre. « A très court terme ? La guerre civile. »

Une réponse brutale qui prend un relief particulier, alors que Républicains et Démocrates sont aux Etats Unis à deux doigts de s’étriper, et que chez nous, les exactions d’Islamistes créent des tensions communautaires grandissantes. Comment deux pays aux racines démocratiques profondes ont-ils pu en arriver là ? La faute aux réseaux sociaux, nous dit ce reportage de Netflix, qui mérite à lui seul de s’abonner à la chaîne US ( ou faire comme moi, obtenir quelques heures les liens de connexions d’un abonné ). Sincèrement, cela vaut le déplacement… Jamais je n’avais vu des Américains issus du monde digital tirer, à ce point, à boulets rouges sur le monde qu’ils ont contribué à créer.

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Se perdre aux Marquises…

« Au Soleil Redouté », la référence à la chanson de Brel est explicite, une des ses plus belles, « Les Marquises ». Ces îles perdues du bout du monde dont le poète chanteur était tombé amoureux. Bussi nous y transporte dans un nouveau polar exotique et déroutant, qui s’approche de l’exercice de style.

Beaucoup y ont trouvé des références à Agatha Christie et ses « 10 petits nègres ». Certes, mais je trouve plus pertinent le rapprochement avec « le crime de l’Orient Express » : une même unité de lieu; un confinement géographique; des personnages pris dans la nasse, sans échappatoire; des ramifications souterraines entre les protagonistes; un inspecteur parmi les voyageurs qui enquête…

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L’Histoire qui fait pleurer…

Il y a bien longtemps que je n’avais autant vibré à une série télévisée ! J’ai même été ému aux larmes à certaine scènes intimistes qui transcendent la personnalité du grand Homme.

France 2 porte, en effet, très haut les couleurs du service public avec la fiction sur de Gaulle passée hier au soir ( « de Gaulle, l’éclat et le secret » ). Des images d’une grande puissance émotionnelle… J’en tremble encore… François Velle, le réalisateur, a su si bien saisir la texture du personnage, le personnage public que l’on connaît, mais aussi l’homme privé, tellement discret que la découverte n’en est que plus sublime.

Le réalisateur, flanqué de deux scénaristes qu’il faut remercier, a extrait de la vie foisonnante du Général quelques moments intenses. Il se concentre sur l’essentiel pour montrer l’homme de coeur dans ses rapports avec sa fille handicapée, le patriote dans ses rapports parfois houleux avec Churchill, le juste qui sous-pèse l’action des collabos lors de l’épuration, le démocrate qui refuse de rétablir une République qui n’avait, à ses yeux, jamais continué d’exister, l’homme de principe qui se retire du pouvoir après la guerre pour s’exclure des petits jeux politiciens, l’homme seul qui se tient à l’écart, en espérant trouver son heure dans un avenir incertain… Et puis, aussi celui qui montre indulgence et tendresse pour les femmes, toutes les femmes, porteuses de l’humanité et des futures lignées.

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« Adieu les cons », Dupontel en lévitation…

Au fil des films, ce garçon prend de la consistance… L’épaisseur d’un réalisateur qui a sa griffe, reconnaissable entre toutes, comme avant lui Hitchcock ou Truffeau. Assurément, Dupontel se bonifie lentement; comme un bon vin bien charpenté, je dirai un Cahors qui vous secoue les papilles de manière inattendue. Il y a là une dose puissante d’euphorisant, un soupçon de cynisme, une belle texture de folie et de poésie. Avec « Adieu les cons » le rationnel s’évanouit pour nous laisser entrer dans un monde parallèle.Tout y est possible, si vous acceptez le lâcher-prise de départ. Cela tourne vite à la fable qui égratigne l’époque avec férocité. La scène du métro qui défile lentement avec un jeu d’ombres et de lumières où une foule dense n’est éclairée que par les éclats des téléphones portables de chacun, voilà une scène d’anthologie….

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Doux comme de la soie… lyonnaise

Dans la région lyonnaise, les aventures du commissaire Abel Severac commencent à être un vrai succès d’édition. Pensez-donc, six romans publiés à ce jour chez les Editions AO, qui se passent chacun dans des arrondissements différents de la ville de Lyon. Cela nous promet donc encore trois opus, et c’est une excellente nouvelle…

Rouge Vaise est le second livre que je découvre après « L’inconnu de la Tête d’Or » que j’avais adoré. Il est vrai, je suis Lyonnais, attaché à ma ville de naissance et suis flatté que l’auteur, Jacques Morize, un Parisien exilé en bord du Rhone, de Saone et du Beaujolais se soit entiché de ma ville de coeur au point de délicatement la magnifier dans chacun de ses romans. Avant d’être des polars délicatement ciselés, les romans de Jacques Morize sont une vraie déclaration d’amour à la ville de Lyon, célèbre pour ses chefs en cuisine, sa rosette, ses grattons et ses bords de fleuve où il fait bon flâner, les yeux rivés sur la basilique de Fourvière.

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