Maximes du vieux Sage

Qu’il est rafraîchissant de découvrir une personnalité accomplie qui a parfaitement réussi sa vie d’homme !… Olivier de Kersauson est un grand navigateur, un aventurier, un homme de la mer. Mais il est aussi un homme riche d’une érudition terrienne et maritime, un philosophe certes peu conceptuel, mais essentiellement pragmatique, un homme plein d’humour qui s’attache à « l’être » plutôt qu’au paraître, en bref, un homme qui est solide dans sa construction et qui projette sur l’existence le phare d’une intelligence de l’expérience.

Façonné par la mer qui lui a tout appris, le jeune Kersauson a aussi pris des partis audacieux dans sa jeunesse, en particulier celui de ne rien attendre des autres pour ne pas être déçu. Il a construit ainsi une personnalité chaleureuse, plus ouverte sur l’extérieur que ses choix primordiaux ne le laisseraient paraître. Il a suivi une éducation rigoureuse, et ne la rejette pas. Il sait tout ce qu’il lui doit.

Son livret « Le Monde comme il me parle » est un recueil de ses pensées. Des aphorismes au soir d’une vie bien remplie où il estime avoir atteint tous ses objectifs. En particulier celui d’être heureux… Comment ne pas vibrer à la sagesse d’un homme accompli, qui jette sur le monde le regard ironique de celui qui n’en attend plus rien, et s’est affranchi depuis longtemps des derniers oripeaux de l’orgueil, de l’amour-propre et de l’égocentrisme ?

Voilà quelques extraits qui m’ont fait vibrer… Une sélection trop courte, hélas, car tout le livre se lit avec le sourire :

« Je me moque des objets. Pour moi, une maison est réussie dans la mesure où elle ressemble à un hôtel. Je suis de passage. D’ailleurs, nous sommes tous de passage. C’est pour cela que les bateaux sont intéressants, parce que ça passe, un bateau… Et le sillage qu’il produit dure quelques secondes. Enfin, la mer referme tout comme s’il ne s’était rien passé justement, comme si nous n’étions pas passés. Voici le reflet exact de ce que nous sommes dans notre monde de vanité : un point en déplacement qui blanchit l’eau devant en la poussant. Il n’y a pas d’éternité. Il n’y a d’éternité en rien. Il n’y a pas de durée non plus. Juste une série d’instants immédiats »

« L’argent est un outil. On ne peut pas brandir un outil. Il sert à faire quelque chose, pas à être quelqu’un. »

« Quelqu’un qui vous fait attendre est un voleur de temps, un voleur de vie. Quand j’ai rendez-vous et que les gens ne sont pas là, au-delà de dix minutes, je décroche. Je n’attends pas. Je n’ai jamais attendu. Personne ne va voler ma vie. Moi je ne fais pas attendre les autres. »

« Aucun mec sérieux ne révèle ses désirs. Le projet est toujours lié au secret. Le projet bavard est déjà mort – parce qu’il est soit copié, soit contrecarré. C’est ainsi que ça se passe. Il ne faut jamais baisser la garde, le monde n’est pas un jardin d’enfants. Je ne dors toujours que d’un oeil et j’ai le couteau à portée de main. Se déclarer fait de l’autre un ennemi. Plus je crée le silence et moins je crée d’ennemis. Le plaisir, de toutes façons, c’est de faire, pas de dire. Ceux qui prennent le plaisir de dire ont rarement celui de faire – d’après ce que j’ai compris. Celui qui dit va sur une route différente de celui qui fait. »

« Je suis un nomade exalté par la découverte. Voilà, découvrir sans cesse… C’est le seul moment où l’on peut supposer que va surgir le « merveilleux ». Fouiller le monde de tous les côtés, c’est exaltant. Je suis comme un chercheur d’or. Ce n’est pas tant l’or que je cherche que le moment magique quand je vais le découvrir. C’est toujours, au vrai, l’émotion que je cherche. Le nomadisme, c’est ça. »