Archives de catégorie : Mes lectures

Murena, BD d’anthologie….

Les Français aiment les histoires se passant dans la Rome Antique. D’ailleurs, nous allons bientôt avoir droit au cinéma à un « Gladiator 2 », près de 24 ans après le premier. Les combats des légions romaines, les luttes de gladiateurs, les débats musclés au sein du Sénat romain, les jeux du cirque, les jeux de pouvoir, les assauts de la tyrannie contre une des premières démocraties modernes : tout y est pour faire des intrigues de l’époque des récits épiques et haletants. De « Spartacus » à « Ben Hur », de « Quo Vadis » à « La Chute de l’Empire Romain », les films abondent pour décrire cette époque fertile.

Dans ce panorama global, un autre genre a trouvé sa place : la bande dessinée. Bien sûr, il y a le fameux Asterix le Gaulois dont les aventures permettent de rendre compte d’une certaine facette de l’occupation romaine. Dans un registre plus adulte, la série Murena apparaît comme un vrai chef d’oeuvre. Les auteurs Jean Dufaux et Philippe Delaby nous racontent l’histoire de Rome avec des dessins d’un fort réalisme et avec des histoires très charpentées.

Lucius Murena, leur héros, est un homme droit qui construit sa route dans une époque, les années 50 après JC, qui sont très mouvementées. Rome est déjà une ville viciée par les ambitions humaines et les luttes d’influence violentes. Les empereurs romains sont corrompus, le pouvoir pervertit et l’assassinat est élevé au premier rang des réponses à toute opposition politique. Cela bruisse de bruit et de fureur, comme dans les films qui nous ont fait vibrer sur cette période.

La série est une pleine réussite. Les auteurs ont fait un gros travail de recherche pour être dans le ton. Les récits sont très proches de la réalité historique, et s’éloignent aussi des réputations façonnées par les siècles. Ainsi Neron, empereur qui est passé dans l’histoire comme un des pires despotes, se révèle plus nuancé, avec un début de règne marqué sous le sceau d’une certaine popularité.

Cette période d’apogée de Rome est stupéfiante de brutalité. Et les femmes ne sont pas en reste, avec Poppée la grande manipulatrice et Agrippine l’intrigante. Le tout baigné dans des dessins où la ville est reconstituée dans ses moindres détails. Le lecteur apprend plein de choses, au travers de nombreux renvois où les auteurs apportent des détails sur les événements et les personnages.

Murena est assurément une des BD les plus abouties pour s’approcher un peu d’une des grandes ères de notre Histoire.

Mon coeur a déménagé, du Bussi au coeur tendre

Michel Bussi est un des meilleurs tricoteurs d’histoires du moment. Il a un vrai talent pour nous emmener avec lui dans des histoires subtiles où les rapports humains sont le sel du récit. Ses personnages suscitent le plus souvent l’empathie et l’adhésion des lecteurs.

Ce nouveau roman est un peu différent des autres. D’abord parce qu’il se passe quasi exclusivement à Rouen, ville bien connue de l’auteur. Mais aussi parce qu’il parle de personnes modestes, une famille de banlieue, qui se bat pour survivre, et n’a pas la vie trépidante des milieux favorisés auxquels l’auteur nous avait habitués. Un quotidien terne arrivera-t-il à capter l’attention du lecteur jusqu’au bout ? Quel scénario alambiqué, cher à l’auteur, va bien pouvoir résulter de la triste condition d’une femme battue par son mari alcoolique ? Elle meurt en début d’histoire poursuivie par cette brute… 

Bussi a, toutefois, plus d’un tour dans son sac, et il s’attache à la fille du couple Ophelie qui s’acharne à donner à ce meurtre une autre interprétation, contre toute logique. Une fille qui grandit dans un sentiment de vengeance et souffre d’une maladie de notre époque hélas trop répandue chez des jeunes biberonnés aux réseaux sociaux, appelée par les psychologues le « biais de confirmation ». Autrement dit, la capacité de croire seulement en ce qu’on croit préalablement, et exclure toute opinion contradictoire.

Cette jeune Ophélie, révoltée et profondément humaine dans l’attachement au souvenir de sa mère, suscite, malgré tout, l’empathie du lecteur. Il suit ses aventures Don Quichottesques avec indulgence et bienveillance. Les années passent, et le combat ne cesse pas, malgré les échecs. Bussi finit par ponctuer le récit de quelques indices étonnants qui commencent à nous faire douter. Cette gentille folle n’aurait-elle pas un peu raison ?

Le tour de force de ce roman est finalement de nous faire languir 410 pages sur une histoire toute simple. Il y a là du génie, c’est sûr, mais aussi une maitrise parfaite des relations humaines. On adhère à l’histoire avec ses rebondissements et son dénouement évident, perlé de justice et de préservation de l’avenir. Un joli travail d’artisan… Bussi nous rappelle aussi avec beaucoup d’intérêt les combats des étudiants contre les Lois Juppé de l’automne 1995. Une autre forme de lutte aux ressorts psychologiques également un peu névrotiques. Mais celle-là, on ne peut que regretter son issue. Une victoire à la Pyrrhus qui s’est révélée, bien plus tard, assez négative pour une jeunesse qui défendait des avantages qui ne la concernaient pas. 

Catalogue de l’étrange…

Ce livre m’a fait penser aux histoires extraordinaires de Pierre Bellemare. Des histoires étonnantes de tueurs précoces ou de disparitions mystérieuses qui éveillent la curiosité du lecteur; il est vrai que le crime et les enquêtes non-élucidées font partie des ressorts de l’intérêt public. Il suffit de voir l’intérêt que suscitent les grandes histoires criminelles, de l’affaire Dominici à l’histoire du petit Gregory. Ou plus récemment la disparition du petit Emile…

L’auteur Esther Hervy a pris le parti d’évoquer des histoires moins connues, mais tout aussi troublantes, du début du XXème siècle jusqu’à nos jours. Des enfants qui assassinent, des personnes ordinaires qui pètent les plombs, des disparitions incompréhensibles… On le savait, l’homme est capable du pire, mais parfois il dépasse les bornes de l’entendement et de l’horreur. Certaines histoires rendent mal à l’aise.

Le début du livre m’a déplu par un côté un peu racoleur. Mais au fil du récit, on comprend mieux l’objectif de l’auteur, de raconter non pas seulement les péripéties des drames et des enquêtes qui s’éternisent parfois sur plusieurs années, mais aussi de donner des clefs de compréhension au lecteur qui peuvent être, selon les cas, juridiques, psychologiques, sociétales, ou autres. Après chaque cas, Esther Hervy prend un peu de hauteur pour expliquer comment un tel enchaînement des faits a pu être possible, et quelles conséquences cela a eu sur la société. Une approche intéressante qui s’éloigne totalement du côté glauque de la presse populaire du type « Détective »…

Les affaires Brandon Swanson, de Yuba City et de Lars Mittank sont particulièrement incroyables. On réalise que même à notre époque, des personnes peuvent se volatiliser, sans laisser de trace. Ou mourir dans des conditions mystérieuses très loin de toute rationalité. 

Une lecture plaisante, même s’il manque la voix chaude de Pierre Bellemare que j’aimais écouter enfant à la radio. C’était un redoutable raconteur d’histoires…

Prenez-moi pour une conne…

Rencontré au Salon du Livre de Boulogne, l’auteur a réussi à me convaincre que son livre valait le détour. Déjà son titre provocateur m’avait fait de l’oeil au milieu de tous les livres présents. Le récit d’une bourgeoise dans la force de l’âge, abandonnée pour une plus jeune par son mari volage et qui se venge de manière machiavélique avait un côté particulièrement réjouissant. On aime tous bien les histoires de vengeance depuis Monte-Cristo. 

Mais tout ici est un peu retors, le lecteur prend le parti de la criminelle qui semble une petite souris entre les pattes de matous policiers plutôt coriaces. Cette femme tranquille se laisse convaincre lentement par l’idée d’un crime, alors qu’elle a une réputation de petit oiseau sans cervelle. Pourquoi ne pas profiter de cette image de sotte embéguinée pour commettre un crime parfait contre un ex-conjoint détestable et odieux ? 

Le défi est de taille… Car tout est nouveau. Il faut se préparer lentement à l’exercice et penser à tout. Le récit est un vrai manuel de toutes les ficelles policières pour coincer un coupable. Mais sous le couvert d’une image de femme sans imagination, tout est finalement possible. D’autant que l’idée à la base du meurtre est géniale. Un petit travail de chimiste pour constituer une bombe à retardement qui permet de se constituer un alibi de cristal. Sauf qu’une femme fraîchement et salement divorcée est une coupable naturelle dans un meurtre. La futée Orane de Lavallière saura-t-elle résister à la pression et aux pièges nombreux qu’on lui tend ? 

Pour raconter cette histoire, Guillaume Clicquot réussit brillamment à se mettre dans la peau d’une catho un peu coincée qui brise un plafond de verre. Son style est direct, imagé, avec quelques pensées pleines d’humour de la suspecte face aux policiers qui l’interrogent. L’humour est d’ailleurs à toutes les pages, notamment dans la prise de conscience par cette femme qu’elle a été conne, et que tout son entourage la perçoit comme telle. Ce qui est un bon stimulant pour se révolter, n’est-il pas ? Le récit est chaleureux et le scénario du crime parfait se révèle plein de chausse-trappes. On prend plaisir à la voir se défendre avec une finesse psychologique qui épate.

Bravo à Guillaume Clicquot pour ce livre original.

Le Chemin des Estives

D’où me vient cette passion pour la randonnée ? Après « Blanc » de Sylvain Tesson, me voici embarqué dans une nouvelle aventure, propice à l’apaisement de l’âme et de l’esprit, « le chemin des Estives » de Charles Wright. Un livre remarquable et lumineux !

Il est vrai que mon prochain départ sur les routes de St Jacques a pesé dans ce choix. Mais il y a une autre raison tout simple dans cette adhésion : le lavage de l’esprit qu’offre ce merveilleux livre, par petite lapée de lectures à haute teneur en réflexions et en spiritualité. Une spiritualité légère, non invasive, pleine de tact, d’humour et de profondeur. Ce livre vous embarque dans une folle aventure intérieure, à la suite de l’auteur et de son compagnon, partis dans presque 700 kms de randonnée, d’ouest en est, en plein massif central. Un parcours original, comme on peut le voir, qui les conduira d’Angoulême aux confins de l’Ardèche. Avec pour grande spécificité, un pari audacieux et puissant consistant à partir sans argent, ni victuailles pour vivre pendant un mois de la générosité d’autrui. Quel parcours initiatique !

Il faut une sacrée dose de foi dans l’homme pour user ainsi son corps sans certitude de manger, ni de se laver au terme de l’étape. C’est sans doute le stade ultime de la randonnée récréative et spirituelle qui attire de plus en plus de nos contemporains sur les chemins de pèlerinage de St Jacques. Autant le dire tout de suite, c’est un éblouissement total, un moment unique de grâce qui réveille les vieux ressorts rouillés et enfouis en nous du christianisme. Sans prosélytisme et avec la plus totale élégance. Ce livre est tout, sauf un manifeste religieux.

C’est au contraire la vie, l’insouciance, le crédo en la générosité de l’autre, l’abandon total aux faisceaux lumineux de sa bonne étoile. Le tout dans une nature forestière et rocailleuse, puissante et séductrice, dans la région la moins peuplée de France, souvent la moins connue… Le récit est celui de très belles rencontres avec des inconnus généreux qui partagent leur repas et se livrent le temps d’une soirée. Mais c’est celui aussi des rebuffades et des déconvenues auprès de personnes surprises dans leur confort et qui refusent d’ouvrir leur porte à l’étranger qui a faim. Quel stoïcisme il faut pour vivre une telle expérience !…

« Le Chemin des Estives » est bluffant tout au long de ses pages. Le lecteur connaît la même incertitude que ses deux héros sur la suite de l’aventure. C’est une randonnée qui se partage totalement… En plus, l’auteur Charles Wright y fait preuve d’une grande culture, avec de multiples références culturelles. L’ossature du récit repose sur les émotions de deux grands voyageurs du passé, Arthur Rimbaud, le poète en quête d’ailleurs, et le religieux Charles de Foucauld qui se frottera plus que tout autre à la différence. Assurément de beaux prédécesseurs dans la quête de soi.

Charles Wright réussit le carnet de voyage absolument parfait. Il nous fait partager son esprit avec humour et modestie, tout en nous élevant dans la réflexion sur nous-mêmes. Un partage qui va jusque dans sa passion pour les vaches qu’il nous transmet de manière inattendue. Il est vrai qu’elles ont été les principales spectatrices de ses exploits. Des supportrices improbables qui ont vu passer ces deux pieds nickelés avec bienveillance, sans les juger. Je partage leur nonchalance pour dire que ce livre est un grand livre.

AMOUREUX DU JAPON

Les ouvrages de la collection des dictionnaires amoureux ne se valent pas tous. L’exercice est, il est vrai, une gageure. Un dictionnaire, par essence, prétend à l’exhaustivité et à l’universalité. Alors qu’une déclaration d’amour est éminemment personnelle et subjective. Difficile dans ces conditions de trouver le juste tempo qui satisfera d’autres amoureux. Mais dans le cas du Japon, j’ai plongé avec enthousiasme. Ma passion du pays est telle que j’étais sûr d’y trouver le plus petit commun dénominateur des aficionados du pays du Soleil Levant. Bingo !!!… En l’espèce, « le dictionnaire amoureux du Japon » est une encyclopédie, forte de 1266 pages, qui rend compte amoureusement de toute la densité d’un pays.

L’auteur Richard Collasse est un ancien dirigeant de Chanel au Japon. Il parle couramment japonais, a épousé une japonaise et grenouille au Japon depuis plus de cinquante ans. C’était assurément le mieux qualifié pour raconter un pays, d’autant qu’il le connaît bien. Sa passion pour son pays d’accueil va loin. Il connaît sa culture, son histoire, mais aussi ses coutumes et traditions, et peut raconter mille anecdotes de son parcours personnel. D’une certaine façon, il est entré dans l’âme du pays.

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La derniere charge de NAY

Quel plaisir de lire ce deuxième opus des Mémoires de la grande Catherine, après le premier qui m’avait beaucoup excité !… J’y avais retrouvé les combats politiques de ma jeunesse et la violence des joutes de l’époque. Ce second livre est plus contemporain. Il parle de politiques qui nous sont plus proches, Chirac, Jospin, Sarkozy, Seguin, Hollande, Macron… Récit incroyable ! Alors que la politique a tendance à ennuyer les Français, Catherine Nay  nous raconte la chose comme un roman. Des détails invraisemblables, des anecdotes, des passions humaines qui donnent à l’intrigue des ressorts quasi balzaciens, tout s’enchaîne aisément sous la plume très honnête d’une journaliste certes engagée, mais pas militante. Surtout, c’est la femme la mieux informée du monde politique ( une vraie mine d’or ) et on comprend beaucoup de choses au prisme de ses confidences.

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La mort apprivoisee

Valerie Perrin, l’auteur de « Changer l’eau des fleurs » est la nouvelle compagne de Claude Lelouch. J’ai découvert la chose en toute fin de lecture de ce beau livre, et cela m’a paru lumineux. Ces deux-là se sont apparemment bien trouvés !… Leur narration est proche, leur style aussi riche dans la description de l’intime. Leurs retours en arrière similaires dans des flash-backs nourrissant la trame du récit. Ce livre est un mille-feuille, au sens qu’il superpose, par couches successives, des tranches de vie les unes sur les autres pour former une seule vie dans sa pleine dimension psychologique et affective, la vie de Violette.

Quelle science du récit ! Dès les premières lignes, le lecteur est captivé. Non pas par un scénario alambiqué, il ne se passe presque rien. Mais la sérénité qui se dégage du personnage emporte tout. Malgré une vie de chiotte, cette jeune femme prend la vie comme une offrande. Il se dégage d’elle un inaltérable optimisme. Contagieux aussi, car elle va fédérer autour d’elle toute une bande de laissés-pour-compte et d’écorchés de la vie. Et pourtant, cette femme est… garde-barrière à la SNCF, puis garde de cimetière !… 

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Maximes du vieux Sage

Qu’il est rafraîchissant de découvrir une personnalité accomplie qui a parfaitement réussi sa vie d’homme !… Olivier de Kersauson est un grand navigateur, un aventurier, un homme de la mer. Mais il est aussi un homme riche d’une érudition terrienne et maritime, un philosophe certes peu conceptuel, mais essentiellement pragmatique, un homme plein d’humour qui s’attache à « l’être » plutôt qu’au paraître, en bref, un homme qui est solide dans sa construction et qui projette sur l’existence le phare d’une intelligence de l’expérience.

Façonné par la mer qui lui a tout appris, le jeune Kersauson a aussi pris des partis audacieux dans sa jeunesse, en particulier celui de ne rien attendre des autres pour ne pas être déçu. Il a construit ainsi une personnalité chaleureuse, plus ouverte sur l’extérieur que ses choix primordiaux ne le laisseraient paraître. Il a suivi une éducation rigoureuse, et ne la rejette pas. Il sait tout ce qu’il lui doit.

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L’echec qui stimule…

La France n’aime pas les échecs. En général, on préfère les cacher sous le tapis, les dissimuler comme une maladie honteuse. Le monde professionnel aime les succès aux trajectoires simples. Orientées exclusivement vers le Nord-Est. Tout cela est très différent de la vision de Winston Churchill, selon lequel le succès c’est « aller d’échecs en échecs sans perdre son enthousiasme ». Alors, quand un entrepreneur français prend la plume pour parler de la faillite de sa boite, on ne peut que le féliciter. Voilà un homme qui joue la transparence, qui assume et qui veut tirer des enseignements d’une expérience douloureuse. Un exercice de corde raide, qui se révèle, au final, absolument passionnant… 

Le monde de l’entreprise est souvent mal-connu. Celui des chefs d’entreprises est souvent l’objet de raccourcis réducteurs. L’image du patron fumant un gros cigare chez Plantu n’est pas loin. Il est donc précieux de voir que gérer une entreprise est d’abord une aventure collective et humaine. Celle d’un homme qui consacre toute son énergie à un projet. Celle d’une famille qui le soutient, de collaborateurs qui l’entourent, de salariés qui s’impliquent… Tout peut fonctionner à merveille, au plus grand bénéfice de tous. Jusqu’à ce qu’un gros grain de sable vienne gripper la machine, en l’occurrence la faillite de la Banque Lehmann en 2008 qui a entraîné une forte dépression internationale qui n’a épargné personne. Surtout dans le domaine du recrutement où oeuvrait Solic. Les salariés étant traditionnellement une variable d’ajustement, en cas de crise, les recrutements sont stoppés net. Ce fut le drame de Solic et de son sympathique dirigeant Nicolas Doucerain.

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La Peur, un grand moteur…

La Peur est une série de six nouvelles, tellement achevées qu’elle m’a donné l’envie de passer le reste de ma vie à lire tous les écrits de Stefan Zweig. Oui assurément, c’est le plus grand écrivain mondial. Celui qui reproduit les états d’âme et les pensées secrètes dans une précision des mots qui touche au sublime. J’ai été touché au coeur par la pureté de sa langue, le caractère millimétré de ses intentions, l’éclat de mots inattendus qui s’insèrent parfaitement dans l’intrigue, des entre chocs sémantiques qui vous campent une situation plus vraie que nature. Zweig est l’ambassadeur unique de l’intime, du fugace, de l’instantané…

Les six histoires sont de qualité égale. Mais deux récits m’ont totalement captivé.

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Le magicien de l’intrigue

Michel Bussi est un orfèvre des histoires à tiroirs. Et « Rien ne t’efface » s’ajoute à la longue liste de ses polars envoûtants. Il est vrai que choisir le thème de la réincarnation et flirter avec le fantastique a un petit côté stimulant pour le lecteur. Surtout quand on ramène l’histoire dans un village d’Auvergne, terre à terre, rural et rationnel que nous connaissons a priori bien, même si les anciens volcans, les grottes troglodytes et les sorcières revendiquées donnent une touche d’exotisme au lieu. Le récit capte au début l’attention du lecteur comme un champ de pistil pour une colonie d’abeilles. Quand l’étrange prend des dimensions pachydermiques, le lecteur en est tout émoustillé. Il avance dans la lecture avec le caractère béat d’un nouveau-né, pour mieux se réveiller quelques pages suivantes en se disant que ce brigand de Bussi est allé, cette fois-ci, trop loin, et qu’il lui sera difficile de retomber sur ses pattes. D’ailleurs, c’est le propre de ce type de littérature que de susciter les plus grandes questions sur le « comment ça va se finir ». Nous savons déjà en ouvrant le livre que nous allons être ballotés jusqu’au dénouement final, comme une coquille de noix dans un océan en furies de tensions et de surprises en tout genre. Avec cette patte particulière de Bussi de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, en faisant adhérer le lecteur à des postulats marqués du coin de l’évidence, et qui se révèlent des hypothèses totalement fausses au cours du récit. Il y a une dose d’imposture dans la prose bussienne.

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La douce musique de l’Afrique

L’écriture est un art difficile. C’est difficile de trouver le bon tempo d’une histoire. Il faut que la musique de la langue s’harmonise avec le rythme d’un récit. Il faut raconter une histoire qui soit universelle. Et laisser les mots trouver leur chemin…

Parfois, de manière exceptionnelle, c’est une forme de lumière qui jaillit au bout de l’exercice. L’histoire se transforme en conte intemporel et aspire à briller au firmament de la littérature. Un peu comme « le Petit Prince » de Saint Exupery, ou « l’Alchimiste » de Paul Coelho… « Le fils-récompense » se rapproche de ces grands aînés.

Pourquoi pourtant ce livre est-il si mal connu ?

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La charge de Nay

Catherine Nay est une journaliste qui ne m’a jamais fait vibrer. Je la trouve froide, hautaine, distante, tellement peu chaleureuse qu’on peut la suspecter de misanthropie… Mais il est vrai qu’elle a évolué depuis le milieu des années 60 dans le milieu le plus macho qui soit, celui de la politique dont les acteurs – quasi tous des hommes – sont tiraillés par une libido délirante. Il y a donc dans la retenue de cette journaliste sûrement de l’auto-défense car elle a côtoyé de sacrés cocos.

Son livre de souvenirs est passionnant. Surtout quand son récit correspond aux années où l’on a soi-même éveillé sa conscience politique au contact de l’actualité des années 70 et 80. Le livre nous replonge dans ces années-là avec une aisance incroyable. le récit est fluide, instructif, amusant. Il fourmille d’anecdotes. Mme Nay était au coeur de l’actualité qui se faisait au quotidien, très proche de la droite notamment, puisqu’elle s’était partagé l’échiquier politique avec Michelle Cotta qui couvrait davantage la gauche dans les équipes de l’Express, puis d’Europe n°1.

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Les couleurs du succès…

Quel beau conteur que ce Lemaître ! J’avais adoré « Au revoir là-haut ». Sa suite « les Couleurs de l’incendie » reprend les mêmes personnages, sur la même trame. Celle de la vengeance… « Au revoir là haut » était une géniale opération de rancoeur recuite d’un soldat défiguré à la guerre pour se venger d’une société belliciste. « Les Couleurs de l’incendie » nous raconte les péripéties de sa soeur Madeleine soumise à une bande de hyènes qui la spolie de son héritage. Mais on ne s’attaque pas impunément à un rejeton de la famille Pericourt, et la vengeance sera terrible.

Depuis toujours, les lecteurs adorent les histoires de vengeance. Le rebond des victimes et le châtiment des injustes est un ressort sans fin de la littérature. Ici l’histoire vous happe d’autant plus facilement que la victime est une femme éduquée pour jouer les faire-valoir, une femme qui fait confiance, après avoir perdu son mari ( en prison ) et son père ( décédé ), une femme qui, comme beaucoup à son époque, se cantonne à être une mère, et à jouer les utilités pour le reste. Son fils est handicapé et elle se trouve quasiment sans le sou. Comment ce Monte Cristo au féminin va-t-elle se dépasser pour attaquer ses adversaires sur leur propre terrain ? 

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Rommel va-t-il gagner ?

Ken Follett est un auteur prodigue. Ses romans sont tellement nombreux qu’il est difficile de choisir. En général, je suis toujours sur la défensive face aux « serial writers ». Un roman est d’abord une rencontre entre un écrivain et une histoire. Alors débiter des histoires comme des « petits pains », cela me crispe par principe. L’écriture n’est pas un métier, plutôt une grâce passagère…

Le « Code Rebecca » : j’ai pioché l’idée chez une Babeliote, fan de l’auteur. Un récit d’espionnage dans l’Egypte des années 40, quand Rommel et les troupes de l’Afrika-Korps menaçaient l’occupation anglaise, voilà un scénario qui fleure bon l’aventure. Et puis, c’est un livre dont on a fait un film ( pas une grande réussite au box-office ), signe que le récit était suffisamment riche. Bonne pioche !

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Dans le jardin de l’Ogre…

Déstabilisant… C’est le ressenti immédiat face à ce livre. Une réaction instinctive parce qu’il parle d’une chose rare, presque tabou, à savoir l’addiction sexuelle chez une jeune femme qui cède aux avances, quand elle ne les provoque pas, de nombreux hommes de passage. Une femme esclave de ses pulsions que le vulgus pecus affuble d’adjectifs injurieux, alors que la version masculine de ces comportements suscite, plus souvent, des commentaires flatteurs, ou au pire, une certaine forme d’indulgence. Après tout, les femmes ont acquis leur indépendance, la liberté vis à vis des choses du sexe et la maîtrise de leur corps. Pourquoi ne seraient-elles pas aussi à l’affût du plaisir à l’état brut ?

Pourquoi se sent-on, malgré tout, un peu gêné par l’histoire d’Adèle ?

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