Archives de catégorie : Mes lectures

Souvenirs d’Indochine

Ce livre fut pour moi l’occasion de découvrir Graham Greene, cet écrivain anglais francophile, ayant été espion dans ses jeunes années. « Un américain bien tranquille » a capté mon attention par ce choix de raconter l’Indochine des années de guerre. On parle si peu de cette période, en dehors du désastre de Dien Bien Phu. 

Le roman est très déroutant. Si l’auteur arrive à camper merveilleusement bien le contexte historique et l’ambiance d’un pays qui se désagrège lentement sous les effets de la guerre civile, la trame de l’histoire est futile, voire anecdotique. Deux étrangers, Fowler, un reporter anglais cynique et désabusé et Pyle, un espion américain plein d’illusions, se disputent les faveurs d’une femme indochinoise Phuong, d’une grande beauté, mais personnage un peu falot qui semble ne chercher que le confort de vie qu’offre la compagnie d’un occidental. Une femme désirable qui offre du plaisir et sait bien préparer les pipes d’opium avec lesquels Fowler aime s’enfoncer dans les paradis artificiels. Des évasions virtuelles pour ne pas avoir à envisager un retour au pays auquel l’anglais ne peut se résoudre.

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Huit montagnes bien attachantes

Quels sont les moteurs de succès en littérature ? Voilà une question bien audacieuse. Ils sont innombrables, sans doute. Point de recette, cela serait trop facile. L’aléa merveilleux d’un livre trouvant son public en serait amoindri. Il y a là de l’ordre du mystère, de l’inconnu, de l’inattendu… Du non-quantifiable. Et c’est très bien comme cela. 

Enfin… pour se risquer à une hypothèse… si on pouvait détecter un seul point de convergence, l’authenticité serait sans doute la pépite commune à tous les écrits qui plaisent. Bien enfouie dans le creux d’une histoire, c’est elle qui renvoie le lecteur à ses rêves. C’est elle qui rend le lecteur accroc à la musique d’une histoire. Même quand les caractères des personnages ne lui parlent pas.

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Di Fulvio sur les traces de Leone

« Le gang des rêves », titre mystérieux et poétique, est le meilleur qui soit pour définir ce roman italien un peu roublard qui a bien trouvé son public, en Italie et en Europe. Il raconte un nouvel épisode du rêve américain chez des migrants italiens sans le sou. Une mère et son jeune fils, Natale, devenu par le jeu de l’américanisation à marche forcée « Christmas ». Un « nom de nègre », comme il le déplore lui-même, qui ne va pas empêcher le jeune garçon de faire son trou dans la grande pomme. En flirtant avec une vie de gangster qu’il vivra davantage en rêve que dans la réalité. Ce qui va accessoirement le sauver…

Pour écrire ce beau roman, Luca di Fulvio ( une consonance parfaite pour un patronyme dont on se souvient ) s’est inspiré assurément de « Il était une fois en Amérique », somptueusement mis en image par son compatriote Sergio Leone. Continuer la lecture de Di Fulvio sur les traces de Leone

« Monte Cristo », vénéré des Ouzbeks…

Quand la lecture appelle la lecture… Ma dernière critique portait sur un merveilleux récit de voyage de Philippe Valery, parti à pied jusqu’en Chine. Là, au coeur de l’Ouzbékistan, il avait rencontré un quidam interrogé sur ce que représentait la France pour lui : « le Comte de Monte Cristo ! » fut sa réponse… Peut-on ne pas bien connaître une oeuvre littéraire qui représente son pays au bout du monde ? Non bien sûr… Et de m’enfiler avec gourmandise ce gros pavé de notre littérature.

Monte Cristo est le roman de la vengeance. Un sujet qui parle à tous, surtout quand il s’enrobe d’une narration foisonnante, riche de péripéties et de digressions où le kaléidoscope tourne abondamment avant de composer une trame romanesque. Continuer la lecture de « Monte Cristo », vénéré des Ouzbeks…

Un voyage complètement fou…

Les passions humaines sont parfois folles. Mais quand elles se conjuguent avec une froide détermination, cela peut conduire au sublime. Au dépassement de soi, poussé à l’extrême, qui suscite admiration et émerveillement, et en même temps, soulève des questions métaphysiques. Pourquoi se faire mal et se mettre en danger pour mener à bien un rêve impossible ? Il faut être, en effet, bien « frappé » pour envisager de rejoindre la Chine à pied, à partir de Marseille. C’est pourtant ce qu’a fait mon ami Philippe Valery d’août 1998 à octobre 2000. Il l’a raconté dans un livre qu’il m’a offert. Une lecture que j’ai différée pour être dans l’esprit de cette aventure quasi spirituelle. Le confinement dû au coronavirus m’a enfin offert la disponibilité et la maîtrise du temps pour être en phase avec le détachement des contingences propice à une telle lecture. Ce fut un grand et majestueux voyage… Continuer la lecture de Un voyage complètement fou…

La foi selon Kersauson

Extrait du livre d’Olivier de Kersauson « De l’urgent, du presque rien et du rien du tout » . C’est un ABCDaire synthétisant toutes les pensées du navigateur. Un homme libre, fin, subtil, d’une sincérité confondante qui en fait un vers luisant dans la masse grouillante de notre humanité.

Son article « Catholique » m’a parlé… Comme une évidence, un éclair de lucidité… Comme s’il prêtait des mots à mon propre sentiment d’appartenance. Merci à l’amiral  ( son surnom aux Grosses Têtes ) pour ce texte limpide que j’ai réduit pour les besoins de l’exercice, mais que je vous invite à trouver in extenso dans son très beau livre. Continuer la lecture de La foi selon Kersauson

Quand le bonheur se laisse désirer…

Découverte permise par le site Babelio, « Il faut savoir perdre de vue le rivage » est un roman en psychologie positive, écrit par une experte de la chose qui a décidé de se moquer d’elle-même. C’est le récit d’une prophète du bonheur en état de perdition affective. Un récit, paraît-il, largement autobiographique… Au siècle de l’introspection maximale et de la littérature foisonnante sur le concept du bonheur, l’idée fait sourire. Les donneurs de leçon ne seraient pas les mieux lotis ? Tiens, donc…

Dans un style au dialogues omniprésents, Sophie Machot nous convie à sa propre analyse psy, teintée d’humour, d’ironie et d’auto-dérision. C’est d’autant plus riche et ancré dans le réel que l’héroïne Rose n’est qu’un clone de l’auteur. Elle se débat comme une araignée prise dans sa propre toile. Continuer la lecture de Quand le bonheur se laisse désirer…

Houellebecq au mieux de sa (mé)forme…

Houellebecq est un affreux… Un affreux cynique et provocateur qui poursuit son aventure littéraire toujours sur la ligne de crête de la bienséance. Un affreux qu’on n’arrive pas à détester, tellement il a du talent.

« Serotonine » est la lente glissade d’un homme qui se coupe du monde pour s’enfoncer dans une profonde dépression. Une trajectoire acceptée, réalisée avec détachement et indifférence qui donne lieu à quelques développements fulgurants sur les maux de notre société. Comme un sociologue passif, Houellebecq nous rend compte de ce qui ne va pas, avec la sécheresse de celui qui ne croit plus en rien, et se met en mode survie. Autant dire qu’il ne faut pas être déprimé pour s’attaquer à cette lecture.

Mais derrière ce constat peu engageant, Continuer la lecture de Houellebecq au mieux de sa (mé)forme…

Puissant comme le malheur….

Un livre coup de poing qui se complaît dans un misérabilisme social d’une grande noirceur, tel m’a paru « Né d’aucune femme ». Les critiques dithyrambiques de Babelio avaient éveillé ma curiosité. Cette lecture a été éprouvante…

Tout au long du livre, j’ai pensé à un autre chef d’oeuvre contemporain « My absolute Darling » qui évoquait l’inceste avec complaisance. Ici c’est la vente d’une fille par son père et le viol d’une gamine de quatorze ans, racontés sans temps mort dans un style court, puissant et aussi déprimant que son récit. Certes, je sais que le bonheur ne se raconte pas et ne fait pas recette en littérature, mais je ne peux m’empêcher de me demander quel besoin de différenciation et d’innovation pousse nos auteurs à se repaître ainsi dans le sordide, pour emmener leurs lecteurs jusqu’aux frontières de leur tolérance émotionnelle. L’art se révèle-t-il nécessairement dans le malheur ? Vous avez trois heures pour rendre vos copies… Continuer la lecture de Puissant comme le malheur….

Petit Rufin, bon bouquin quand même….

Rufin va devenir un des romanciers auquel je suis le plus fidèle… Ce n’est pas un choix conscient, mais plutôt le résultat d’une convergence d’intérêt avec cet auteur : le sens de la grande Histoire, une haute idée de la France, un goût de l’aventure et des voyages… Et dans ce dernier roman « Les trois femmes du Consul », un parfum d’exotisme avec un récit se déroulant dans cette Afrique que notre écrivain-diplomate connaît bien. Rufin nous dévoile sa connaissance des milieux expatriés et des communautés autochtones dans un Mozambique qui est, pour la plupart d’entre nous, un pays largement inconnu. Bingo ! Il nous donne presque envie de l’ajouter dans la liste de nos destinations de voyages…

Certes, les amateurs de polars vont sans doute faire la moue. L’enquêteur tâtonne pendant une large partie du récit, avant d’avoir une illumination et de faire une révélation à la Hercule Poirot au dernier chapitre. Continuer la lecture de Petit Rufin, bon bouquin quand même….

Une panthère qui nous relie à la nature

Ce livre est la plus belle des évasions. Presque une thérapie… Je l’ai lu dans une période professionnellement difficile, avec des insomnies en cascades où mon seul répit était Tesson et sa quête improbable de la panthère des neiges. Quelle belle aventure !… Comment mieux évacuer les tensions que de partir dans cette expédition tibétaine glacée pour guetter un animal presque disparu, et donc quasi mythique ? Comment mieux relativiser les tracas de l’existence que de voir un groupe d’humains partir très loin, endurer des conditions extrêmes, souffrir du froid et de la fatigue, et épuiser tout son temps à la pratique la plus futile qui soit : espérer voir quelques minutes un animal sauvage dans son environnement. Ce livre est le récit de cette traque, mais c’est bien plus encore. Difficile de le résumer en quelques mots; disons que c’est, entre autres, une fable philosophique sur le rapport homme-bête et une dénonciation de la tyrannie de l’homme sur son environnement. Continuer la lecture de Une panthère qui nous relie à la nature

« Surface », comme un caviar de polar…

Le site Babelio où je reproduis mes articles, me fait découvrir régulièrement de bons romans. La dernière découverte est une excellente pioche.

« Surface » est un polar écrit par un ancien policier qui en est à son quatrième opus. Un homme qui connaît la musique, et qui en est d’autant plus crédible dans la description du monde de la police. C’est déjà un point positif. Encore faut-il savoir raconter des histoires. Et là, en l’espèce, nous avons affaire à un orfèvre.

Dans un style concis, sans fioritures, Olivier Norek nous campe le décor avec beaucoup de talent. Il ne faut pas plus de quelques pages pour être totalement dans le bain. Après, vous n’avez pas envie d’en sortir. L’eau sera depuis longtemps froide que vous serez toujours absorbé dans le récit. Continuer la lecture de « Surface », comme un caviar de polar…

Ennui au pays des « sans-dents »

Cela faisait longtemps que ce Goncourt 2018 trainait sur ma table de chevet, une lecture qui s’imposait, mais à laquelle j’avais du mal à me résoudre. Un titre tellement banal qu’il n’imprimait pas dans ma mémoire. Un récit de jeunes ados qui m’était totalement étranger. Un misérabilisme social qui était loin de me captiver… J’ai dû me forcer à cette lecture, notamment au début du roman.

Lecture faite, je suis toujours sur la réserve, mais je suis content de l’avoir lu. C’est assurément une grande oeuvre. Une chronique du quotidien, pleine de détails insignifiants, qui donnent au texte une authenticité unique. le récit est linéaire, sans faits d’armes autres que deux vols de motos. Les personnages vivent sous nos yeux, comme dans un film de Ken Loach. Je m’attendais à tout moment à un drame; tout concourait à un dénouement violent. Continuer la lecture de Ennui au pays des « sans-dents »

Loopings de lecture avec Musso…

Trop de polars nuit à la santé… C’est pourquoi je m’abstiens le plus souvent, préférant la grande littérature. Et puis, je ne suis pas très fan du trio Levy-Musso-Bussi qui squatte tous les linéaires avec leurs romans qui s’enchaînent comme des produits de consommation et sont dévorés comme des petits pains. Ils ont du talent, c’est certain, pour nous trousser des histoires, mais le suspense écoulé, que reste-t-il au lecteur ? Cela dit, si Bussi a quand même mes préférences, j’ai opté récemment pour le dernier Musso, « la vie secrète des écrivains » qu’on m’avait conseillé. Voilà un titre intrigant qui ne pouvait qu’éveiller ma curiosité.

Ce qui m’intéressait le plus, c’était le processus d’écriture d’un auteur à succès. Allait-on en savoir plus sur la genèse de ses best-sellers ?

Autant le dire tout de suite, Continuer la lecture de Loopings de lecture avec Musso…

Schmitt en mode mineur…

Plutôt que le journal d’un amour perdu, ce livre mériterait davantage le titre « autopsie d’un deuil ». Eric-Emmanuel Schmitt décortique, en effet, dans le détail les sentiments et la détresse que lui ont inspiré la disparition de sa mère. C’est extrêmement personnel, presque un peu trop, et l’auteur n’échappe pas totalement aux critiques d’un déballage un peu impudique. Même s’il le fait, en préservant l’anonymat de ses proches, qui ne sont cités que par leurs prénoms, sans que le lecteur puisse identifier les uns et les autres. Cela donne au récit un côté hors-sol, comme une bulle de conscience psychologique, détachée de tout son environnement. Un tête à tête avec soi-même, une confession sur le divan, totalement axée autour de la relation exclusive entre un monstre de notre littérature ( accessoirement mon écrivain préféré ) et sa mère adorée. Continuer la lecture de Schmitt en mode mineur…

Un ragout d’Histoire bien mitonné

Franz-Olivier Giesbert est un malin. Il écrit chaque semaine de beaux éditoriaux, très profonds, dans le Point. Mais tout le monde ne lit pas ce magazine. Aussi, pour s’adresser au plus grand nombre, rien ne vaut un beau roman, romanesque et historique. « La Cuisinière d’Himmler » étonne déjà avec ce titre inattendu. C’est une histoire fictive, mais qui s’inscrit dans son siècle, avec de nombreux personnages historiques comme protagonistes du récit. L’occasion de revisiter l’Histoire de manière légère, en compagnie d’un personnage attachant, Rose, une femme d’origine arménienne dont on va suivre toute la vie au cours des 360 pages du roman. Et quelle vie !…

Giesbert lui a inventé un destin aux petits oignons. Continuer la lecture de Un ragout d’Histoire bien mitonné

« L’été des quatre Rois »

« L’Eté des Quatre rois » se dit un roman. Coquetterie de style de l’auteur, car il s’agit bien là d’une chronique historique. Une excellente même, si vous voulez mon avis, tant on a l’impression de lire un quotidien de l’époque relatant dans le détail les événements de l’actualité. L’actualité d’une quinzaine de jours de l’été 1830 qui ont constitué ce qu’on a appelé plus tard « la révolution de juillet ». Une période assez méconnue, cette révolution-là étant moins riche que celle de 1789 et donc un peu négligée dans les cours d’histoire. C’est pourtant le second coup de boutoir de la République contre la royauté, et le début d’une grande confusion chez les royalistes entre légitimistes et orléanistes, antagonisme qui subsiste toujours près de deux cents ans plus tard. Voilà donc une bonne occasion de replonger dans notre Histoire, d’autant que l’épisode des Gilets Jaunes a montré la propension de notre peuple à s’échauffer très vite. Comme en cette année 1830, révolution-éclair qui n’a pas duré plus d’un mois…

Camille Pascal que j’ai eu la chance de rencontrer, Continuer la lecture de « L’été des quatre Rois »