Il faut être un peu gonflé(e) pour se mettre devant une feuille blanche et décider de ré-écrire, en toute simplicité, « l’Iliade » d’Homère. C’est pourtant ce à quoi s’est attelée l’universitaire américaine Madeline Miller, avec cet ouvrage, « le Chant d’Achille » qui est plébiscité par les lecteurs de Babelio. Assurément, de quoi susciter la curiosité…
J’ai lu ce livre avec plaisir, mais avec l’esprit perverti par l’image de Brad Pitt en Achille bellâtre et bodybuildé. Une certaine forme de pollution cinématographique qui se révèle pénalisante pour entrer dans la personnalité que nous présente Madeline Miller assez différente de celle du film. L’auteur nous délivre un Achille, plus subtil, bagarreur certes, mais aussi homosexuel, amateur de chant, de lyre et de danse, qui ira jusqu’à se cacher en femme parmi un groupe de danseuses pour échapper à l’enrôlement pour la guerre de Troie.
L’Iliade que j’ai relue pour l’occasion, est, il est vrai, un récit plein de trous.
Stefan Zweig que j’ai entrepris de découvrir dans sa globalité, est un auteur prolixe qui sait nous amener parfois là où l’on ne l’attend pas. Ce « chandelier enterré » est un bon contre-pied littéraire, avec un récit pétri d’humanité judaïque qui se passe à une époque hautement improbable : la mise à sac de Rome par les Vandales en l’an 455, des barbares pas si dégénérés que cela, au demeurant, puisqu’ils étaient pétris de cette civilisation latine qui dominaient le monde depuis plusieurs siècles. D’ailleurs, les plus dégénérés étaient davantage ces Romains, un peuple à bout de souffle, qui décide d’abandonner sans combat sa ville aux envahisseurs, laissant la porte ouverte au pillage le plus orchestré qui n’ait jamais été : le déménagement en quelques semaines de toutes les richesses accumulées par des siècles de domination du monde. Voilà assurément une période intéressante de notre histoire…
La France n’aime pas les échecs. En général, on préfère les cacher sous le tapis, les dissimuler comme une maladie honteuse. Le monde professionnel aime les succès aux trajectoires simples. Orientées exclusivement vers le Nord-Est. Tout cela est très différent de la vision de Winston Churchill, selon lequel le succès c’est « aller d’échecs en échecs sans perdre son enthousiasme ». Alors, quand un entrepreneur français prend la plume pour parler de la faillite de sa boite, on ne peut que le féliciter. Voilà un homme qui joue la transparence, qui assume et qui veut tirer des enseignements d’une expérience douloureuse. Un exercice de corde raide, qui se révèle, au final, absolument passionnant…
Le monde de l’entreprise est souvent mal-connu. Celui des chefs d’entreprises est souvent l’objet de raccourcis réducteurs. L’image du patron fumant un gros cigare chez Plantu n’est pas loin. Il est donc précieux de voir que gérer une entreprise est d’abord une aventure collective et humaine. Celle d’un homme qui consacre toute son énergie à un projet. Celle d’une famille qui le soutient, de collaborateurs qui l’entourent, de salariés qui s’impliquent… Tout peut fonctionner à merveille, au plus grand bénéfice de tous. Jusqu’à ce qu’un gros grain de sable vienne gripper la machine, en l’occurrence la faillite de la Banque Lehmann en 2008 qui a entraîné une forte dépression internationale qui n’a épargné personne. Surtout dans le domaine du recrutement où oeuvrait Solic. Les salariés étant traditionnellement une variable d’ajustement, en cas de crise, les recrutements sont stoppés net. Ce fut le drame de Solic et de son sympathique dirigeant Nicolas Doucerain.
C’est l’histoire d’un mec. Un mec normal, veule, égocentrique. Le genre de mec qui range les autres dans des boites. Un de ceux qui vomissent la famille, tout en restant une espèce de Tanguy à la maison. Un mec qui a une vie intérieure, et se garde bien d’afficher ce qu’il est à l’extérieur. Un mec peu communicant, en somme, et quasiment autiste sur le terrain des sentiments. Un mec qui fait penser à plein d’autres. C’est là la force de ce film, il rentre en résonance avec moultes personnes de nos entourages, des générations de taiseux, et de fils détachés qui s’ennuient dans leur milieu familial.
« Le Discours » est un film dans l’air du temps. Il parle de notre époque. De notre difficulté à enlever le masque du cynisme et de l’indifférence. De notre peur d’user du positif pour exprimer ce qu’on prend pour de l’angélisme. De ce faux confort qu’offre la carapace des non-dits. Ce jeune homme va être mis face au miroir de sa vie, par la décision de sa copine de « faire une pause » dans leur relation. Une décision inattendue qui ne rentre pas dans son plan de vol personnel. Qu’a-t-il fait pour en arriver là ?
Il faut de l’audace et une bonne dose d’humanité pour raconter au cinéma ce qu’on préfère en général cacher : les troubles du 4ème âge, la perte de contrôle et la fin de vie. La déchéance physique et intellectuelle n’est assurément pas un sujet qui fédère. Tout l’inverse de ce que recherche en général le cinéma…
Pourtant, paradoxalement, il nous parle à tous, car il trouve des résonances dans nos vies. Il nous met face à nos responsabilités de fils et filles, ayant été dès la naissance maternés d’amour, et qui doivent rendre cet amour à des vieux parents diminués, redevenus des enfants, sans buts et sans repères. Le sujet est aride, mais Florian Zeller a su le traiter avec délicatesse, en s’appuyant sur la présence hors-norme d’un acteur d’exception, Antony Hopkins.
Musarder sur les routes de France, c’est à coup sûr découvrir des pans entiers de notre Histoire. Les remparts de la vieille cité de Provins qui datent du XIIIème siècle, en sont une jolie illustration. Ces remparts sont joliment conservés dans la partie Ouest de la ville ; ils continuent à ceindre la petite cité médiévale offrant une protection contre d’improbables invasions de brigands, de hors-la-loi ou de pillards. Ce qui est unique, est l’absence de toutes constructions au delà des remparts. Le regard se porte loin sur des champs cultivés, donnant au défenseur de la ville sur son promontoire une position toujours stratégique. Provins est resté dans son jus…
Mais il est possible de remonter davantage dans le temps. Nous l’avons fait, au hasard d’une messe dominicale de Pentecôte dans l’église de Saint Ayoul, en plein centre de la vieille ville. Cette église qui date du XIème siècle fut bâtie sur la sépulture d’un Saint, retrouvée en 996. Un homme d’église pieux qui était mort 322 ans plus tôt sur les Iles de Lerins au large de Cannes. Comment ses restes sont-ils parvenus à Provins près de trois siècles plus tard ? Cela reste un mystère…. Voilà quand même une histoire étonnante de célébration à double détente, une église vieille de 900 ans, pour célébrer un Saint mort en 675. Qui dira que la France n’est pas un vieux pays bien enraciné dans son Histoire ?
L’affaire de la lettre des militaires dans Valeur Actuelle fait grand bruit. Une première lettre d’Officiers d’active et de militaires en retraite a provoqué des sanctions auprès des signataires. Et le magazine diffuse à nouveau un second appel, anonyme cette fois-ci, de militaires du rang pour que la France se ressaisisse.
De quoi s’agit-il ? Des militaires ne reconnaissent plus leur pays pour lequel ils se sont engagés, et pour lequel ils sont prêts à mourir, comme c’est hélas trop souvent le cas au Mali. Ils ont mal à la France, cette France qu’ils ont porté tout en haut de leur échelle de valeurs. Ils reprochent aux politiques de ne pas défendre nos valeurs, notre histoire, notre modèle de société… La France ne se ferait plus respecter, elle serait en permanence dans la repentance, elle se ferait bafouer, elle connaîtrait un grave délitement…
La Peur est une série de six nouvelles, tellement achevées qu’elle m’a donné l’envie de passer le reste de ma vie à lire tous les écrits de Stefan Zweig. Oui assurément, c’est le plus grand écrivain mondial. Celui qui reproduit les états d’âme et les pensées secrètes dans une précision des mots qui touche au sublime. J’ai été touché au coeur par la pureté de sa langue, le caractère millimétré de ses intentions, l’éclat de mots inattendus qui s’insèrent parfaitement dans l’intrigue, des entre chocs sémantiques qui vous campent une situation plus vraie que nature. Zweig est l’ambassadeur unique de l’intime, du fugace, de l’instantané…
Les six histoires sont de qualité égale. Mais deux récits m’ont totalement captivé.
Michel Bussi est un orfèvre des histoires à tiroirs. Et « Rien ne t’efface » s’ajoute à la longue liste de ses polars envoûtants. Il est vrai que choisir le thème de la réincarnation et flirter avec le fantastique a un petit côté stimulant pour le lecteur. Surtout quand on ramène l’histoire dans un village d’Auvergne, terre à terre, rural et rationnel que nous connaissons a priori bien, même si les anciens volcans, les grottes troglodytes et les sorcières revendiquées donnent une touche d’exotisme au lieu. Le récit capte au début l’attention du lecteur comme un champ de pistil pour une colonie d’abeilles. Quand l’étrange prend des dimensions pachydermiques, le lecteur en est tout émoustillé. Il avance dans la lecture avec le caractère béat d’un nouveau-né, pour mieux se réveiller quelques pages suivantes en se disant que ce brigand de Bussi est allé, cette fois-ci, trop loin, et qu’il lui sera difficile de retomber sur ses pattes. D’ailleurs, c’est le propre de ce type de littérature que de susciter les plus grandes questions sur le « comment ça va se finir ». Nous savons déjà en ouvrant le livre que nous allons être ballotés jusqu’au dénouement final, comme une coquille de noix dans un océan en furies de tensions et de surprises en tout genre. Avec cette patte particulière de Bussi de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, en faisant adhérer le lecteur à des postulats marqués du coin de l’évidence, et qui se révèlent des hypothèses totalement fausses au cours du récit. Il y a une dose d’imposture dans la prose bussienne.
Canal + refait l’actualité avec un reportage coup-de-poing sur le sexisme dans le sport avec un titre provocateur : « Je ne suis pas une salope, je suis journaliste ». Un documentaire qui vaut le déplacement et mérite d’être vu en replay par tous les abonnés Canal. Le milieu du journalisme sportif en prend plein les gencives…
Je ne suis pas grand amateur de sports, et avoue être passé à côté de la vague médiatique soulevée par une journaliste de France Télévision, Clementine Sarlat. Cette femme, après être partie en province et avoir changé de vie, a jeté un pavé dans la mare en dénonçant les harcèlements sexuels et professionnels que subissent les journalistes femmes du monde du sport. Son témoignage avait marqué les esprits. Quelque temps après, sa collègue de Canal+ Marie Portolano ose reprendre le flambeau avec ce reportage-brûlot qui décortique la chose, images et preuves à l’appui. C’est saisissant !…
Le cinéma français a perdu son héraut. Et son héros !… Oui, assurément, il était le plus cinéphile d’entre nous, une vraie encyclopédie… Il l’avait montré dans son documentaire en 2016 « Voyage à travers le cinéma français ». Un film passé quasi inaperçu, sauf dans la petite communauté des cinéphiles qui savaient communier avec leur pasteur. Les fous de cinoche l’avait très légitimement hissé sur un piédestal: un très grand réalisateur, mais aussi un exégète scrupuleux du travail d’autrui. Il savait donner de la vie, de la passion et de l’amour à raconter un film. Je suis tellement fier que le compte-rendu de ce moment d’émotion que j’avais reproduit sur Allo-Ciné dès ma sortie de salle apparaisse comme la critique-spectateur préférée du site. Cet homme a tellement marqué de son empreinte ma passion pour le cinéma…
J’ai grandi avec Tavernier. De mes 12 ans jusqu’à mes 54 et ce dernier Voyage en sa compagnie, il a rythmé ma découverte du plaisir procuré par les salles obscures.
L’écriture est un art difficile. C’est difficile de trouver le bon tempo d’une histoire. Il faut que la musique de la langue s’harmonise avec le rythme d’un récit. Il faut raconter une histoire qui soit universelle. Et laisser les mots trouver leur chemin…
Parfois, de manière exceptionnelle, c’est une forme de lumière qui jaillit au bout de l’exercice. L’histoire se transforme en conte intemporel et aspire à briller au firmament de la littérature. Un peu comme « le Petit Prince » de Saint Exupery, ou « l’Alchimiste » de Paul Coelho… « Le fils-récompense » se rapproche de ces grands aînés.
Catherine Nay est une journaliste qui ne m’a jamais fait vibrer. Je la trouve froide, hautaine, distante, tellement peu chaleureuse qu’on peut la suspecter de misanthropie… Mais il est vrai qu’elle a évolué depuis le milieu des années 60 dans le milieu le plus macho qui soit, celui de la politique dont les acteurs – quasi tous des hommes – sont tiraillés par une libido délirante. Il y a donc dans la retenue de cette journaliste sûrement de l’auto-défense car elle a côtoyé de sacrés cocos.
Son livre de souvenirs est passionnant. Surtout quand son récit correspond aux années où l’on a soi-même éveillé sa conscience politique au contact de l’actualité des années 70 et 80. Le livre nous replonge dans ces années-là avec une aisance incroyable. le récit est fluide, instructif, amusant. Il fourmille d’anecdotes. Mme Nay était au coeur de l’actualité qui se faisait au quotidien, très proche de la droite notamment, puisqu’elle s’était partagé l’échiquier politique avec Michelle Cotta qui couvrait davantage la gauche dans les équipes de l’Express, puis d’Europe n°1.
Quel beau conteur que ce Lemaître ! J’avais adoré « Au revoir là-haut ». Sa suite « les Couleurs de l’incendie » reprend les mêmes personnages, sur la même trame. Celle de la vengeance… « Au revoir là haut » était une géniale opération de rancoeur recuite d’un soldat défiguré à la guerre pour se venger d’une société belliciste. « Les Couleurs de l’incendie » nous raconte les péripéties de sa soeur Madeleine soumise à une bande de hyènes qui la spolie de son héritage. Mais on ne s’attaque pas impunément à un rejeton de la famille Pericourt, et la vengeance sera terrible.
Depuis toujours, les lecteurs adorent les histoires de vengeance. Le rebond des victimes et le châtiment des injustes est un ressort sans fin de la littérature. Ici l’histoire vous happe d’autant plus facilement que la victime est une femme éduquée pour jouer les faire-valoir, une femme qui fait confiance, après avoir perdu son mari ( en prison ) et son père ( décédé ), une femme qui, comme beaucoup à son époque, se cantonne à être une mère, et à jouer les utilités pour le reste. Son fils est handicapé et elle se trouve quasiment sans le sou. Comment ce Monte Cristo au féminin va-t-elle se dépasser pour attaquer ses adversaires sur leur propre terrain ?
Amusant… Voilà un mot qui est victime de son propre état. Un état d’abandon et d’isolement dans la langue française. La déréliction est accablée d’être ainsi à l’écart de notre usage courant. Il sonne pourtant bien. Un quidam qui souffre de déréliction est autrement plus valorisé que celui qui doit confesser être seul et abandonné. Alors, donnons à ce mot une autre vie. Il est savant et joliment élégant…
Contrairement aux nombreux chanteurs mis en selle par la Môme Piaf ( Yves Montand, Georges Moustaki, Charles Aznavour, etc… ), les Compagnons de la Chanson ne passent plus sur les ondes radio. Ce groupe de 9 voix harmonieuses parfaitement raccord a pourtant eu une carrière exceptionnelle de près de 40 ans. Ils ont rempli des salles de spectacle pendant des mois consécutifs. Un vrai succès national, bien lancé par la petite Edith Piaf qui ne sentait jamais aussi bien qu’entourée de ces neuf beaux messieurs…
Pourquoi sont-ils donc à ce point tombés dans l’oubli ? C’est un mystère… Les groupes choraux de l’époque ne sont plus en cour. C’est vrai aussi des Frères Jacques, des pros de la chanson à texte qui doublaient leurs chansons de gestuelles et mimiques sur scène comme des clowns de cirque. Des chanteurs passés de mode, dont les extravagances paraissent un peu surannées.
Ken Follett est un auteur prodigue. Ses romans sont tellement nombreux qu’il est difficile de choisir. En général, je suis toujours sur la défensive face aux « serial writers ». Un roman est d’abord une rencontre entre un écrivain et une histoire. Alors débiter des histoires comme des « petits pains », cela me crispe par principe. L’écriture n’est pas un métier, plutôt une grâce passagère…
Le « Code Rebecca » : j’ai pioché l’idée chez une Babeliote, fan de l’auteur. Un récit d’espionnage dans l’Egypte des années 40, quand Rommel et les troupes de l’Afrika-Korps menaçaient l’occupation anglaise, voilà un scénario qui fleure bon l’aventure. Et puis, c’est un livre dont on a fait un film ( pas une grande réussite au box-office ), signe que le récit était suffisamment riche. Bonne pioche !