Valerie Perrin, l’auteur de « Changer l’eau des fleurs » est la nouvelle compagne de Claude Lelouch. J’ai découvert la chose en toute fin de lecture de ce beau livre, et cela m’a paru lumineux. Ces deux-là se sont apparemment bien trouvés !… Leur narration est proche, leur style aussi riche dans la description de l’intime. Leurs retours en arrière similaires dans des flash-backs nourrissant la trame du récit. Ce livre est un mille-feuille, au sens qu’il superpose, par couches successives, des tranches de vie les unes sur les autres pour former une seule vie dans sa pleine dimension psychologique et affective, la vie de Violette.
Quelle science du récit ! Dès les premières lignes, le lecteur est captivé. Non pas par un scénario alambiqué, il ne se passe presque rien. Mais la sérénité qui se dégage du personnage emporte tout. Malgré une vie de chiotte, cette jeune femme prend la vie comme une offrande. Il se dégage d’elle un inaltérable optimisme. Contagieux aussi, car elle va fédérer autour d’elle toute une bande de laissés-pour-compte et d’écorchés de la vie. Et pourtant, cette femme est… garde-barrière à la SNCF, puis garde de cimetière !…
L’essentiel de l’intrigue se passe donc dans un cimetière qui n’est perturbé que par les enterrements, et les passages furtifs de veuves éplorées. Tous les voisins de Violette sont définis par leurs patronymes et leurs dates de naissance et de mort. La date de fin de vie est connue, mais celle du souvenir joue les prolongations. De manière amusante parfois… Violette note tout cela, elle musarde et se fait l’observatrice de la mort chez les (sur)vivants, elle rend des menus services, en apprend un peu sur les disparus, voire beaucoup pour certains. Par delà la mort, les petites chicanes de la vie refont surface. L’enchantement de ce livre est d’avoir apprivoisé la mort pour en faire une étape démystifiée au bout du chemin. Avec la plus douce des accompagnatrices…
Comme Lelouch, Valerie Perrin aime bien le thème de la résilience. Son personnage de Violette survit à des mauvais traitements et à des drames. C’est l’interaction entre les différents personnages qui fait le sel de ce joli livre. Le récit est pris avec les yeux d’un personnage, puis quelques dizaines de pages plus tard, revu par un autre dans la même scène. Le présent et le passé s’enchevêtrent comme le flux et reflux des souvenirs. Tout se superpose pour rendre compte des multiples facettes de la vie. Personne n’est tout noir, ni tout blanc, sauf peut-être la belle-mère, mais est-ce vraiment une surprise…
L’intrigue, car il y en a une, sous-jacente derrière cet étalage de vie, est la découverte des circonstances d’un drame. Comme pour exorciser un passé douloureux, chacun s’efforce de comprendre, d’enquêter. Mais tout cela n’est rien face à l’appel de la vie, au besoin d’aimer, de cultiver son jardin et de faire des bons petits plats dans un fumet qui embaume la petite maison. Une version du bonheur, somme toute, qui n’est pas liée à la réussite professionnelle ou amoureuse, mais à la volonté d’entretenir la petite flamme au fond de soi. Violette excelle dans l’exercice…
Ce livre est un pur moment de bonheur. Le genre de livre que vous ré-ouvrez avec plaisir. Juste pour savoir quelles sont les dernières nouvelles du cimetière. Et puis derrière toutes ces plaques, tous ces noms, toutes ces photos figées se cachent des destins et des belles histoires. La prochaine fois, pensez y… Un cimetière est un joli lieu de vie !