Archives de catégorie : Mes lectures

Passé imparfait plus que parfait…

Julian Fellowes, né en 1949, est un touche-à-tout des médias. Le nouveau septuagénaire s’est essayé à beaucoup de choses, notamment le métier d’acteur, de scénariste et de romancier. Avant de remporter un beau succès avec Gosford Park dont on a fait un film, puis surtout de Downton Abbey qui fut un succès planétaire. Le scénariste chéri des plateaux n’a pas oublié d’écrire, et son roman « Passé imparfait » est son troisième livre. Un livre dans la veine de Downton Abbey, mais peut-être plus profond car sociologiquement très piquant.

L’histoire est savoureuse. Un sexagénaire célibataire, romancier à ses heures perdues, reçoit une invitation étrange à venir le voir d’un vieux copain de jeunesse, Damian, dont il s’était séparé violemment au point de le considérer comme un ennemi. Après toutes ces années, que lui voulait-il ? Continuer la lecture de Passé imparfait plus que parfait…

Dans la peau du tueur…

Grâce à Babelio, j’ai pu rencontrer Jacques Expert, auteur de polars que je ne connaissais pas. Un homme du monde des médias qui utilise ses expériences passées de journaliste de faits divers comme d’actes de guerre au service de son imagination qu’il a fertile. Il estime avoir au cours de ses pérégrinations professionnelles si bien côtoyé l’humain dans tous ses aspects, les lumineux comme les sombres, que l’écriture est devenue son activité principale. « Le jour de ma mort » est, si ma mémoire est bonne, son onzième roman.

Jacques Expert a un style d’écriture étonnant pour un auteur de polar. Il commence ses histoires sans savoir où il va. Il nous dit vivre avec ses personnages, et les laisse vivre, avant d’espérer retomber sur ses pattes dans la construction de l’intrigue. Continuer la lecture de Dans la peau du tueur…

« L’Alchimiste », littérature en apesanteur…

Le voilà ce livre magique qui a été un incroyable succès d’édition dans le monde entier. J’ai mis longtemps à céder à son appel. Folle indépendance ou stupide esprit de résistance face à la « vox populi ». J’avais tort. Ce livre est un merveilleux voyage.

C’est un roman, paraît-il. Allons-donc, c’est plus que cela. Et si le livre a eu un tel succès au point de mettre son auteur à l’abri du besoin pendant quelques siècles, c’est bien parce que le livre parle à chacun. Comme une parabole de la Bible, ou du nouveau Testament qui viendrait irriguer le monde de ses principes de vie. Ce livre a une dimension spirituelle lumineuse, comme un guide de vie pour homme ordinaire, afin de l’inciter à trouver sa légende personnelle. Autrement dit, le destin que lui réserve la Providence s’il sait être à l’écoute de celle-ci.

« L’Alchimiste » vaut mieux que tous les manuels d’accomplissement personnel. Continuer la lecture de « L’Alchimiste », littérature en apesanteur…

Rufin au service des oubliés de l’Histoire

Prendre un livre de Jean Christophe Rufin, c’est à coup sûr rentrer dans un monde riche, foisonnant, romanesque à souhait. Et dans une langue simple merveilleusement agencée au service de son histoire. Le style de Ruffin est, pour ainsi dire, aisément reconnaissable : court, nerveux, sans fioritures, mais doucement vallonné, comme pour épouser les courbes de son intrigue. Lire du Rufin, c’est s’enfoncer avec volupté dans l’Histoire avec un grand « H », une histoire toujours teintée de nationalisme car notre auteur-diplomate est farouchement français. Il aime mettre en exergue tous nos compatriotes obscurs qui ont fait la France, même si la postérité ne leur a jamais rendu grâce. Des aventuriers inconnus dont il aime à rappeler les rêves, les faits de gloire et les échecs.

Après Nicolas de Villegagnon ( « Rouge Brésil » ) et Jacques Coeur ( « Le Grand Coeur », livre que j’ai encensé sur ce site ), voici un autre aventurier mis à l’honneur, Auguste Benjowski, avec ce livre dont le titre paraît peu sérieux : « Le tour du monde du roi Zibeline ». Continuer la lecture de Rufin au service des oubliés de l’Histoire

Littérature dolorosa…

« My absolute Darling » : derrière un joli titre se cache un livre qui ne vous épargnera pas. Un livre coup de poing qui traite d’un dernier tabou, l’inceste. « My Absolute Darling » est un grand succès d’édition. C’est un grand livre, à n’en pas douter… Mais quelle douleur de poursuivre cette lecture ! Jamais je n’ai suivi le pourcentage de lecture de mon E-Book avec tant d’attention. J’étais pressé d’en finir, et en même temps, je ne pouvais pas en lire plus de quelques pages par session. Une vraie douleur…

L’histoire de Turtle, cette jeune ado, est pénible. Elle vit seule avec son père dans une maison déglinguée en rase campagne, près du bord de mer. Son grand-père vit lui dans un mobil home un peu plus loin. Le père est un salaud qui abuse de sa fille, tout en maintenant sur elle une emprise psychologique terrible. Turtle ne peut sortir de ses griffes, partagée entre un dégoût de ce qu’il lui impose et des vieux relents d’amour filial. Continuer la lecture de Littérature dolorosa…

L’auteur de tous les mots…

Sacha Guitry. Voilà un bonhomme incroyable qui aura marqué son époque. Il a traversé le vingtième siècle avec une double passion : celle du théâtre et celle des femmes. 124 pièces de théâtre créées pour mettre souvent en valeur l’une de ses cinq épouses, toutes comédiennes. Une telle gourmandise de la vie est rare…

Pourtant que savons-nous de lui aujourd’hui? Presque rien… Nos contemporains sont bien en peine de citer le titre d’une de ses pièces. Seuls ses aphorismes ont traversé le temps. On se les répète avec connivence, en faisant semblant d’adhérer au machisme et à la misogynie qu’ils traduisent. Ce faisant, Continuer la lecture de L’auteur de tous les mots…

Aurelie, combattante pour la planète

5 romans en 5 ans : Aurelie Valognes est une « serial writer » d’histoires intimistes, nourries à l’expérience de sa propre vie. J’avais aimé l’audace de son premier « Mémé dans les orties » qui évoquait un sujet hard : le quatrième âge, toutes ces personnes qu’on relègue le plus souvent dans des maisons de retraite pour ne plus les voir. Son personnage grognon et misanthrope de Ferdinand m’avait réjoui. Son vieillard était un vrai résistant.

Aurelie Valognes aborde un autre âge avec « la Cerise sur le gâteau », à savoir la soixante et le début d’une retraite mal préparée. Un âge qui suscite de nombreuses questions et remises en question. Un âge qui interpelle et inquiète en même temps. De quoi broder joliment une histoire aux fils blancs apparents. Avec l’assurance d’une identification immédiate du lecteur. Continuer la lecture de Aurelie, combattante pour la planète

Salinger, écrivain sur-estimé ?

Le voilà ce fameux chef d’oeuvre d’un écrivain maudit, Jerome David Salinger. Un écrivain mystérieux qui n’a écrit quasiment qu’un livre, « l’attrape-coeurs », avant de s’enfermer dans un anonymat de misanthrope endurci. Un livre que dans les écoles américaines, on lit consciencieusement. Les jeunes Américains grandissent avec ce livre. C’est une brique majeure du monument de la littérature américaine. Avec une telle réputation qui le précède, la déception n’en a été que plus forte !…

Ce livre est très pénible à lire. Son écriture parlée, avec une grammaire à la-va-comme-je-te-pousse, est très irritante pour un lecteur français, habitué des belles lettres. Certes, Continuer la lecture de Salinger, écrivain sur-estimé ?

Mort (d’un amour) à Venise

On savait depuis Lucchino Visconti que Venise n’était pas uniquement la ville des amoureux, et pouvait être aussi la ville nostalgique des amours contrariées. Laurence Vivares, pour son premier roman, exploite cette même veine avec « le vie a parfois un goût de ristretto ». L’histoire de Lucie, honteusement plaquée par son compagnon, qui se réfugie seule dans la ville de l’amour pour oublier son chagrin et exorciser une relation qui la possède encore.

Intimiste, ce livre l’est assurément. C’est surtout un exercice délicat où une femme s’abandonne à l’influence de Venise, tout en luttant contre un passé proche qui lui fait mal. Un roman très léger où il ne se passe pas grand chose, sinon le cheminement psychologique de l’héroïne. Une femme dynamique Continuer la lecture de Mort (d’un amour) à Venise

L’Histoire à la 1ere personne du singulier…

Est-il possible de tomber amoureux d’une femme morte il y a 550 ans ? En dehors d’un voyage dans le passé, cela paraît bien improbable. C’est à un tel voyage que nous convie Jean-Christophe Rufin avec « Le Grand Coeur », récit romancé de la vie de Jacques Coeur, le grand argentier de Charles VII. Un récit qui, entre autre, fait la part belle à Agnès Sorel, maîtresse du Roi, mais aussi femme libre avant l’heure. Une femme dont on ne connaît qu’un portrait dans un tableau de Fouquet.

Jean Christophe Rufin a eu la fameuse idée de sortir des oubliettes de notre passé le financier Jacques Coeur, qui a eu un parcours exceptionnel pour son époque, le milieu du XVème siècle. Un entrepreneur pionnier qui a construit une très belle fortune par le jeu du négoce et des échanges de marchandises.

Rufin a un lien particulier avec lui Continuer la lecture de L’Histoire à la 1ere personne du singulier…

Nicolas Beuglet, Harlan Coben français…

Pour mon incursion régulière dans le monde du polar, j’ai choisi « le Cri » de Nicolas Beuglet. Un roman perdu dans le froid norvégien, mais écrit par un Français, scénariste de télévision bien rodé à l’exercice de scénarios alambiqués.

Bingo !… Le roman commence sur les chapeaux de roue par un suicide bizarre dans un asile psychiatrique près d’Oslo qui entraîne l’enquête tenace d’une inspectrice un peu zombie, Sarah Gueringën. Une femme abandonnée par son compagnon qui va s’accrocher comme une sangsue à cette enquête étrange pour ne pas sombrer.

Dès les premières pages, le récit s’accélère et garde un rythme fou jusqu’au bout des 550 pages Continuer la lecture de Nicolas Beuglet, Harlan Coben français…

Schmitt en plein rêve hitlérien…

Eric Emmanuel Schmitt est sans doute l’auteur le plus brillant de sa génération. Je crois que nous avons avec lui un bon candidat à un futur Nobel de littérature. Sa bibliographie est riche et pleine de pépites. Un auteur prolixe qui étonne par ses choix artistiques éminemment personnels. Certes, il est l’auteur de nombreux romans, des fictions imaginatives toujours bien ficelées. Mais derrière chacune de ses oeuvres se cachent les interrogations humaines et métaphysiques de l’homme. Par ce besoin de réflexion et d’hauteur spirituelle, Eric Emmanuel Schmitt est certainement l’auteur le plus français du moment.

L’aisance dans l’écriture de l’auteur est telle qu’il semble, en plus, chercher des challenges à relever. Comme si la fiction romanesque ne suffisait pas à combler sa soif de bien faire. Il faut que ses livres relèvent du tour de force : faire de Jésus son héros de roman à la première personne du singulier ( l’époustouflant « Evangile selon Pilate » ); raconter sa rencontre personnelle avec Dieu-himself ( la très lyrique « Nuit de Feu » )… Et pourquoi pas rentrer dans l’intimité d’Hitler ? C’est l’objectif audacieux de « la Part de l’autre ». Continuer la lecture de Schmitt en plein rêve hitlérien…

Plongée dans le néant…

Il y a peu de livres que je conseillerais à mes deux fils et à ma fille de lire impérativement, durant les quelques décennies de leur présence sur terre. « Si c’est un homme » de Primo Levi en ferait assurément partie. Cette lecture est quasi un devoir moral, une obligation de perpétuation du souvenir. Un livre si puissant qu’il vous donne un coup de poing dans l’estomac et vous laisse pantelant.

« Si c’est un homme » est le livre ultime sur l’expérience d’un camp de concentration pendant les dernières années de guerre. Un chef d’oeuvre écrit par un survivant dans un style sec, nerveux et sans artifice. Une réflexion abyssale sur la condition humaine qui, comme le dit Frederic Beigbeder, s’apparente à une bible à l’envers qui montre, dans le détail d’infimes actes de survie, la déchéance de l’homme. Comme si le Diable s’était ingénié, tel une Pénélope malveillante, à détricoter au quotidien tous les ressorts de la condition humaine. Pour détruire ce qui fait notre humanité.

Primo Levi, mort en 1987, était juif, chimiste et italien. Continuer la lecture de Plongée dans le néant…

« Le Cavalier suédois », onirique et envoûtant…

Leo Perutz est un juif autrichien assez malin pour avoir quitté son pays à temps en 1938. C’est aussi un auteur prolifique qui a écrit de nombreux romans. Il est le maître d’un genre bien à lui, à savoir l’historique-fantastique, à savoir un récit qui flirte avec le fantastique dans un contexte historique bien campé. « Le Cavalier suédois » est jugé comme son chef d’oeuvre. A raison, me semble-t-il, même si je n’ai pas encore lu « le Marquis de Bolibar » qui a aussi marqué les esprits…

« Le Cavalier suédois » parle d’une femme âgée rédigeant ses mémoires. Elle y parle de son père, surnommé « le cavalier suédois » qui est mort à la guerre, quand elle était enfant. Ce même père s’est couvert de gloire sur les champs de bataille. Mais, dans le même temps, chaque soir, il venait la voir dans son lit, à l’insu de la maisonnée. A des milliers de kilomètres de ses champs de bataille… Elle n’a pas rêvé, elle en est sûre… Et un jour, Continuer la lecture de « Le Cavalier suédois », onirique et envoûtant…

La drague au XVIème siècle…

C’est une petite merveille d’écriture !… Un extrait de « la Violente Amour » de Robert Merle ( collection Fortune de France ). Le récit tout en finesse de ce qu’on qualifierait aujourd’hui de « proposition malhonnête » entre deux amants putatifs. Texte très amusant car il est à rebours des pratiques courantes qui veulent que ce soit toujours l’homme qui prenne l’initiative…

Le texte est dans son jus. Pas de fautes, ni d’erreurs de frappe. C’est du vieux français, avec des mots parfois inconnus qu’on devine plutôt que les comprendre. Mais la musicalité de la langue est merveilleuse. Les circonvolutions de la pensée sont traduites avec une acuité formidable; les jeux de posture de chaque sexe subtilement rendus; l’humour est affleurant… Je me délecte à cette lecture. Jamais la beauté de notre langue n’est jamais aussi magnifiée que dans les livres de Robert Merle. Mais faites votre propre jugement avec cet extrait : Continuer la lecture de La drague au XVIème siècle…

Peau-au-feu à la lyonnaise…

En matière de polar, vous savez tout de suite quand vous en tenez un bon : vous ne pouvez plus le lâcher… Vous êtes entré dans l’histoire; vous adhérez aux personnages; vous prisez l’intrigue; vous goûtez au style; vous savourez le suspense… C’est du caviar !

Mais ajoutez un peu de sel avec une action qui se passe dans votre ville natale, Lyon, Lugdunum, la cité des Gaules et de Guignol, et vous voilà parti dans une lecture mariant palpitation et nostalgie.

« L’inconnu de la Tête d’Or » est la cinquième aventure du Commissaire Abel Severac. Continuer la lecture de Peau-au-feu à la lyonnaise…

Quotidien putride de l’Occupation…

Le livre a remporté un joli succès d’estime. Le prix du meilleur polar décerné par le cercle du Point. Avec comme personnage principal, un anti-héros ordinaire, un flic des Renseignements Généraux pendant l’occupation allemande. Un salopard, collaborateur zélé et antisémite farouche qui a juste quelques très rares éclairs d’humanité. « L’affaire Leon Sadorski » est un livre qui déménage… De la littérature qui n’épargne pas ses lecteurs par le récit minutieux des puanteurs de la Collaboration. Le roman a eu droit pourtant à une suite un an plus tard.

On ne peut parler de ce livre sans évoquer le remarquable travail d’historien de l’auteur, Roman Slocombe qui replace son action dans le contexte précis des années noires de l’occupation. Continuer la lecture de Quotidien putride de l’Occupation…