Quelle belle idée que ce livre, passionnant de bout en bout, qui célèbre la mémoire de deux monstres sacrés de notre littérature. Deux hommes, Joseph Kessel et Maurice Druon qui étaient apparentés – je l’ai découvert – oncle et neveu avec vingt ans d’écart, mais très proches l’un de l’autre jusqu’au décès du plus âgé. Deux hommes que la guerre a réunis dans une même lutte, dans le camp de la France libre, et qui les a conduits un jour du printemps 1943 à composer ensemble « le chant des partisans » qui est quasi un deuxième hymne national.
L’académicienne Dominique Bona raconte avec passion et beaucoup de bienveillance le destin hors-norme de ces deux apatrides d’origine russe qui deviendront Français pur sucre. Kessel l’aventurier globe-trotter, alter-mondialiste avant l’heure, auteur de romans souvent flambloyants d’exotisme, fidèle à ses origines juives et sensible à l’avenir d’Israel. Druon qui a adopté le nom de son beau-père et avec lui la religion catholique, esthète de la langue française qui a construit un parcours académique plus classique en magnifiant superbement l’Histoire de France jusqu’à devenir un ministre de la culture sous Pompidou.
Quel beau récit !… Dominique Bona nous emporte d’une plume légère, fourmillant de détails sur l’époque. Ces deux complices sont des bêtes de course, chacun dans sa spécialité, qui savent se réunir autour de grandes causes : le gaullisme et la fidélité au Général, puis plus tard, l’Académie Française qui leur donnera un nouvel uniforme pour hisser haut les couleurs de la France.
On les aimait déjà tous les deux. Les « Rois Maudits » de Maurice Druon sont sans doute un de mes plus grands souvenirs de littérature. Quant à Kessel, il est entré déjà dans la Pléiade. « Le Lion » est dans toutes les mémoires, mais j’ai pour ma part aussi beaucoup vibré pour « les Mains du miracle » ( voir ma critique ici ) où Kessel, l’homme, rend justice à un homme mal-traité par l’histoire. Ces deux hommes assurément ont marqué leur temps et sont l’incarnation d’honnêtes hommes par excellence.
Dominique Bona a également la bonne idée d’ajouter un troisième personnage haut-en-couleurs, une femme, Germaine Sablon, maîtresse de Kessel, qui fut un personnage à la hauteur de ces deux héros. Une combattante de la première heure, une chanteuse qui fut la première interprète du chant des partisans, et une femme au parcours insolite qui méritait assurément d’être rappelée au souvenir de nos contemporains.
La vie de ce trio fut vraiment pleine. L’auteur sait parfaitement restituer le tissu sociétal de l’époque. Le lecteur dévore leurs aventures avec tendresse. Les deux hommes n’ont eu aucun enfant. Mais ils ont laissé à la postérité une descendance autrement plus précieuse. L’intelligence de l’esprit, l’ouverture sur les autres, et la passion pour la France qu’on aimerait célébrer aussi bien. Cela méritait bien une messe à leur mémoire. Le livre de Dominique Bona est cela, et bien plus encore…