« Des héros maltraités », tel pourrait être le titre de ce film choc, plutôt que ce « Bac Nord » un peu froid qui fait référence au jargon policier pour définir cette unité de police. Car ce film est puissant autant dans sa dimension psychologique que dans son action. Il y est question du ressenti de policiers face à la perception de leur métier. Un métier qu’on croit connaître en se gavant d’images d’enquêtes policières policées sur les chaînes grand public, mais qui se révèle être tout autre au quotidien, notamment dans les quartiers les plus chauds de Marseille. Là-bas, c’est une zone de non-droit, un no man’s land judiciaire, une république de la drogue et des combines… Le film, par son hyper-réalisme, donne une image effrayante de ces banlieues. Je suis resté abasourdi par ces scènes de guérilla urbaine, même si dans une volonté de non-stigmatisation d’une communauté, le réalisateur prend soin de ne pas faire « trop » parler les armes. Quoi qu’il en soit, est-ce bien là ce qu’est devenu le pays de Marcel Pagnol ?…
Il est vrai que le film repose sur une histoire vraie, avec des policiers révoqués en 2012 pour des pratiques contraires à la Loi.
« Bac Nord » qui est un film qui se revendique « pro-flic » nous démontre, images prenantes à l’appui, qu’il n’y avait sans doute guère d’autres moyens pour arriver à des résultats. Le film réhabilite donc ces trois hommes, en leur donnant les traits de trois excellents acteurs ( Lellouche, Civil et la belle découverte Karim Leklou ), avec une dimension intérieure pour chacun qui en fait des hommes attachants. C’est très loin de récents films prenant parti contre l’institution policière et ses bavures. Quels héros !… Oui, assurément, personne ne les envie dans leurs fonctions. Après de telles images, les vocations ne vont sûrement pas flamber. Surtout que l’autorité policière et les politiques dans leur ensemble sont à l’inverse – et avec raison – bien stigmatisés pour leur capacité à abandonner leurs troupes au moindre coup de tonnerre. Comment gagner une guerre, avec des armées démotivées et lâchées par leurs arrières ?… C’est ce qui fait le succès de ce film, plein de tensions, avec ces trois pieds nickelés qui partent au front, malgré tout, avec le sourire pour défendre une société à bout de souffle. Mention à Gilles Lellouche, exceptionnel de violence contenue et qui gagne là ses galons de très grand acteur.