Chronique d’une liaison passagere

Je suis fan d’Emmanuel Mouret. Ses précédents films Mademoiselle de Joncquieres et Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait m’ont convaincu qu’il était un expert du chassé-croisé amoureux. Je me suis donc laissé embarquer dans sa Chronique avec béatitude.

Cela tombe bien, le film commence sur les chapeaux de roues avec deux inconnus qui se déclarent leur flamme. Sauf que c’est la chronique d’un adultère entre une femme entreprenante qui n’a pas froid aux yeux ( merveilleuse Sandrine Kiberlain ) et un homme marié, pataud, maladroit, peu sûr de lui qui se laisse emporter presque à contre-coeur dans l’aventure ( Vincent Macaigne, si peu sexy, mais parfait dans le rôle ). Ces deux-là ont décidé de laisser parler leurs épidermes, indépendamment des sentiments et des conventions sociales. Une exultation des corps qui cherche à s’affranchir des émotions du coeur.

Un exercice somme toute périlleux, tant il est vrai qu’il est difficile de ne pas tomber amoureux dans des ébats intenses, ponctués d’échanges légers ou profonds où chacun se livre d’autant plus facilement que la relation est stipulée sans avenir. Une nouvelle fois, Mouret brille par l’éclat de ses dialogues. Nos deux bretteurs se font des confessions intimes où chacun, à tour de rôle, laisse des plumes. C’est une joie intense pour le spectateur qui se laisse séduire exclusivement par des mots, puisqu’aucune scène de sexe ne s’affiche.

Mais Mouret ne s’arrête pas là pour dynamiter le couple classique. Il imagine ses deux lascars en quête d’expériences se lancer dans un plan à trois avec une autre jeune femme découverte sur un réseau social. Scabreux, est-on tenté de penser. Mais non, la chose paraît presque naturelle, le désir est exprimé avec une telle franchise, une telle transparence que l’incartade apparaît presque logique. La scène où les trois s’apprivoisent avant de passer à l’acte est formidable de drôlerie. Bien sûr, on ne joue pas avec le feu très longtemps, et le retour de flamme va être brutal.

Vincent Macaigne, sorte de gros nounours sans grand charme, est absolument étonnant dans ce film. Il passe par toute la palette des émotions masculines face à une situation amoureuse qu’il subit plus qu’il ne la maîtrise : la crainte, l’hésitation, la vague de bonheur, la confiance, l’émotion, la résignation… Il est convaincant dans chaque étape, jusqu’à sa déclaration finale, très touchante. Le bonheur est-il une expérience recommandable quand il s’aventure sur des terrains qui le condamnent à être fugace ? Oui, répond sans hésitation Emmanuel Mouret qui nous dit qu’un coeur qui connait des grand huit est d’abord un coeur qui bat. Brillant !…