Un film d’atmosphère… Il est rare d’avoir des histoires arides qui vous plongent à ce point dans une ambiance lourde, sans grande échappatoire. Les duels pour l’honneur sont, il est vrai, des moments de forte intensité émotionnelle. Un monde d’hommes où chacun fait assaut de testosterone pour défendre l’expression d’un égo exacerbé. L’outrage subi est souvent un prétexte pour s’étalonner dans le maniement de l’épée.
Mais, c’est aussi, nous dit le réalisateur Vincent Perez, une occasion d’essayer d’oublier l’humiliation de la défaite de 1870, en montrant par son courage que cette défaite est d’abord l’affaire des autres. A l’actif du film, il y a une reconstitution historique très léchée, notamment dans le jeu des lumières, les bougies et les lampes à pétrole prêtant aux images un côté crépusculaire. La France rumine sa défaite dans un engagement forcené lors d’entraînements à l’épée dans des clubs souvent rattachés, comme ici, à un journal. On affûte ses armes et son corps, tout en claironnant par voie de presse son patriotisme. Les ingrédients du cataclysme de 1914 se construisent lentement, près de trente ans avant les faits.
Un monde bien sûr où les femmes n’ont pas voie au chapitre. Elles sont quantité négligeable, mais cela ne les empêche pas de copier leurs compagnons en croisant le fer dans des salons plus mondains. Le personnage de Doria Tillier s’efforce de faire bouger les frontières, avec un féminisme d’avant-garde et provocateur. Mais c’est d’abord une affaire d’hommes, l’honneur masculin étant infiniment plus précieux que l’honneur des femmes.
Comme le dit un galonné, l’honneur était d’abord un actif au service du roi, mais depuis quelques décennies il est devenu essentiellement attaché à la personne. Surtout dans un pays affecté par la déroute contre les Prussiens. Hélas, ces hommes se laissent ronger par leur fierté, et un duel en appelle un autre. Dans un pays déshonoré, c’est le seul moyen de tenter d’émerger. Ce qui donne lieu à quatre duels, à l’épée, au pistolet et au sabre qui sont tous superbement chorégraphiés, avec parfois une vraie sauvagerie dans l’assaut. C’est intense, et les films de cape et d’épée à la Jean Marais apparaissent, en comparaison, comme d’aimables jeux d’enfant.
La tension est là, et le jeu intériorisé de Roschdy Zem rajoute à la chose. Un vrai film d’ambiance….