« Les Heures sombres », forges d’un destin

Winston Churchill est vénéré dans son pays, considéré comme le plus illustre anglais dans toute l’histoire de l’Angleterre. Un homme politique sans équivalent qui a marqué le siècle de son génie, de son sens politique et de sa capacité à anticiper les événements. Surtout de sa formidable capacité à rester fidèle à lui-même, fut-ce au prix d’un isolement prolongé. On rit encore de ses citations savoureuses, tant il avait le sens de la répartie et de la formule à l’emporte-pièce. Une personnalité dont on rêverait pour gouverner nos pays aujourd’hui encore.

Oui, mais un tel destin est fragile. Il se construit sur quelques heures. Des heures tragiques où celui qui préside à l’avenir d’un pays se trouve confronté à une pression maximale. Des heures atroces qui révèlent la vraie personnalité d’un dirigeant. Des heures où se forgent un destin. Ce sont ces quelques heures dont parle le film « Les Heures sombres ». Les heures qui auront propulsé Churchill au firmament de la gouvernance politique.

C’est assurément le film à ne pas louper pour tous les amateurs d’histoire. La reconstitution des années 40 est sympa, mais juste esquissée. Economies de moyens ou plutôt concentration sur l’essentiel : les formidables jeux de pouvoir au sein de l’Etat britannique au début de la guerre. Gary Oldman fait une prestation incroyable en Sir Winston.

Mais, reconnaissons-le, le début du film laisse un peu indifférent, comme un jeu de marionnettes sans âme. La béchamel ne prend pas, sans qu’on puisse juger pourquoi, car tous les bons ingrédients sont bien là. Mais heureusement la pression monte avec un début de guerre catastrophique de l’Angleterre. Les ennuis tombent sur le Premier Ministre comme à Gravelotte. Et tout d’un coup, l’étincelle s’allume. La magie du cinéma opère. On est enfin au coeur de l’action…

« Les Heures sombres » est un film sur la solitude du dirigeant politique. La plus forte pression sans doute qui se soit exercée sur un homme dans l’histoire de l’humanité. La caméra réussit à capter le stress avec les lieux confinés de la war room en sous-sol. Mais aussi avec un champ visuel réduit comme dans ce formidable coup de fil à Roosevelt où l’on sent couler la peur dans les veines du dirigeant aux abois.

Le film retranscrit bien le supplice de la décision et la tentation de céder à la facilité, facilité portée par les acteurs jouant le rôle de Lord Halifax et de Neville Chamberlain, presque aussi vrais que les vrais. Et puis, tout d’un coup, Churchill retrouve la magie du verve et « Malgrouh s’en va t’en guerre » comme son ancêtre le duc de Marlborough… Comme dit Halifax dépité, le vieux a mobilisé tous les mots de la langue anglaise au service de son combat.

« Les Heures sombres » sont à voir pour comprendre notre histoire. Mais aussi pour réaliser que la facilité n’est jamais bonne conseillère en politique. Une leçon à méditer qui est toujours valable aujourd’hui. Mais nos dirigeants ont-ils l’étoffe d’un Churchill qui a accepté, par deux fois dans sa carrière politique, de connaître une longue traversée du désert pour ne pas avoir à déroger à ses convictions ?

A noter qu’il faut impérativement voir le remarquable « secret d’Histoire » tourné par Stéphane Bern sur Winston Churchill. A voir ou revoir en streaming pour rendre grâce à celui qui a su peser sur notre avenir comme jamais.