Son nom fait penser à une base spatiale de la guerre des étoiles. C’est un lieu excentré de la capitale, derrière la gare d’Austerlitz, autant dire aux confins du monde habité. Il y a là bien quelques peuplades du 13ème district, mais point de banquiers, ni de business men dans toute la galaxie alentour. Carrément la zone ! Cela ressemble aux faubourgs désolés de Pluton la lointaine…
Pour y aller, j’ai dû prendre un engin propulsé par une puissante onde électrique, mon Riese & Mueller Delite45, pour m’amarrer sous une pluie battante à la « Station F », le nouveau centre de l’économie 2.0 créé en juin dernier par Xavier Niel. Autrement dit, le temple des start-ups puisque le lieu y rassemble 1200 sociétés nouvelles sous la bienveillante supervision d’incubateurs et d’investisseurs en capital-risque.
Le lieu est futuriste dans une structure de métal et de béton, fin comme de la dentelle, infiniment plus beau que les plateformes orbitales de l’Empire du grand Sam. Station F comme « Freycinet », un ingénieur du temps jadis, bâtisseur d’une époque archaïque où l’internet n’existait pas. Bel hommage à la pré-histoire…
On rentre dans la base par un sasse où le visiteur des autres galaxies doit scanner son téléphone préalablement muni d’un QR Code. Sans ce sésame ou sans smart phone, le visiteur extérieur est irrémédiablement refoulé dans le sous-monde des gnomes incurables. Le cerbère se fait capricieux, il hésite à donner l’accès, puis finalement se soumet en émettant un long bip sonore de dépit, histoire d’attirer l’attention sur l’étranger galactique, possible menace pour la communauté.
Une fois dans l’arène, c’est l’étonnement. Une ruche bourdonnante avec 34.000 mètres carrés, répartis sur trois stations. La station principale accueille tous les services communs : un auditorium, un fab-lab pour travailler sur des maquettes, un coin où des financiers amoureux du genre humain viennent offrir leur bon argent contre du papier d’actions au capital… Même l’administration a ouvert un bureau pour donner aux jeunes entrepreneurs des coupes-coupes pour se frayer un chemin dans la jungle de l’Urssaf et des autres tentaculaires acronymes publics.
Dans la « Station F – Base 2 », le bonheur au travail est visible. Les jeunes entrepreneurs maternés sont heureux. Ils partagent les mêmes bureaux, se parlent, échangent leur expérience; ils sont clients de leurs propres voisins; ils sont parrainés par un incubateur spécialisé dans chacune des multiples ramifications du monde digital. Tous les grands sont là pour ouvrir leurs antennes sur le monde qui se crée sous l’impulsion de ces ingénieux frenchies : Facebook, Amazon et tout ce qui pèse lourd dans la galaxie digitale.
Tout est beau chez Xavier, grand gourou du monde qui bouge, dans une France jusqu’à présent un peu calcifiée. Ici on est free jusqu’au bout des ongles. Mais on reste en France. Les start-uppers déjeunent à midi et les restaurants alentour sont complets. Tout le monde attend avec impatience l’ouverture de la Base 3 qui sera davantage ouverte sur le public. Le plus grand restaurant de France, un Big Mamma, est programmé, avec une ouverture 24/24. Car ici, pour construire le monde de demain, on néglige de passer par la case sommeil.
Mais le temps passe vite, et il m’a fallu reprendre mon engin citadin pour quitter cette planète un peu folle. Mon bonheur fut complet, en croisant par hasard dans la pizzeria l’Empereur lui-même en personne, même pas entouré de Star Troopers : Xavier Niel… Il déjeunait tranquillement, comme un humanoïde basique. Je ne l’aurais jamais cru…
Dans la guerre des étoiles, le navire spatial France est entré dans la bataille. Cela va chauffer !…