Ma vie politique au sein de Nous Citoyens me rend réceptif aux écrits de quelques politiques. Voici un joli exemple, percutant à souhait. Son auteur est Jean-Pierre Gorges, député-maire de Chartres qui envisage de se lancer lui-aussi aux présidentielles. Le propos est particulièrement savoureux car criant de vérité :
Au retour des vacances, la marée de l’opinion n’a pas encore recouvert les châteaux de sable des multiples candidats à la candidature présidentielle. Sans se préoccuper un instant de la vague de rejet populaire qui menace nos professionnels de la politique, ceux-ci tentent vaille que vaille de mettre en place chacun dans sa petite cuisine la recette à succès de la ratatouille des primaires.
Mais celles-ci sont en train de tuer l’élection présidentielle, de lui ôter son sens, d’affaiblir la légitimité du prochain élu. Les primaires se répandent d’ailleurs comme des métastases. Des primaires partout ! A gauche, même le chef de l’Etat a dû s’y résoudre, du fait de son impopularité persistante. Il n’a pas d’autre choix que de gagner du temps et d’espérer que ses rivaux de gauche et de droite s’entretuent devant l’opinion. D’autres socialistes (leurs noms sont dans vos journaux) l’avaient précédé, au moins pour l’y forcer. A côté d’eux, ou plutôt contre eux, l’extrême gauche rêve d’avoir la sienne, Mélenchon mis à part, qui leur a brûlé la politesse. Et Macron sort du bain, au moins sur papier glacé… par temps de canicule.
Les Verts évidemment auront la leur, façon groupusculaire, devoir d’exister probablement.
Même les partis-citoyens s’y sont mis. Funeste erreur : personne n’en parle plus. Normal, ils se prétendaient différents, ils montrent qu’ils sont comme les autres, avant probablement de se rallier à eux.
Montebourg a senti le danger. Réflexion faite, il a compris trop tard qu’il s’était fait avoir lors des primaires socialistes de 2011: il croyait avoir couronné François Hollande. Le même l’a viré trois ans plus tard…
Les primaires apparaissent de plus en plus pour ce qu’elles sont : une confiscation de l’élection présidentielle par des partis en perte d’adhérents mais en regain d’ambitions personnelles.
Un jour après l’autre, chacun comprend mieux que les conditions imposées pour être candidat à la primaire de la droite (et du centre) aboutissent à un seul résultat certain : la reconduction des mêmes. Ceux qui ont gouverné, et qui ont échoué, l’ancien Président, les anciens Premiers Ministres, les anciens Ministres désavoués en 2012, à quelques exceptions près.
Partout, revoilà donc ceux qui essayent de nous vendre « qu’ils ont appris de leurs échecs passés » ou en cours, ceux qui ont « manqué de bol ». Mais cette fois-ci vous allez voir ce que vous allez voir, « regardez mon nouveau catalogue ». Reconditionnés sous la burka de leurs programmes opaques et coûteux, ils nous apprennent qu’en temps de crise on espère toujours faire du neuf avec du vieux.
A droite, nos impétrants ne jouent pas tous dans la même division. Certains ont déjà leur quota de parlementaires. Je ne les nommerai pas, vous les connaissez : depuis le temps, ils ont su se constituer un fonds de commerce. Les autres rament. Et vous allez voir se passer ce que je vous avais déjà écrit qu’il se passerait : en échange de signature de parlementaires inféodés à un candidat de première division déjà pourvu, les candidats de deuxième division négocient manifestement leur ralliement à l’un ou l’autre des « parrains » lors du second tour de la primaire. Par exemple, il se murmure qu’AJ (Alain Juppé) soustraiterait à NKM (Nathalie Kociusko-Morizet) les signatures qui manquent à cette dernière. Histoire sans doute de ne pas rester seul à gauche de la droite au premier tour, avant de se rajeunir pour le second, via un ralliement façon lifting.
De son côté NS (Nicolas Sarkozy) sort un deuxième livre, preuve déjà que le premier ne suffisait pas. Président des Républicains, il avait pourtant fait adopter à grands sons de trompette un programme détaillé… Pour sortir le sien propre deux mois plus tard… Mais sur les réseaux sociaux, ce ne sont pas ses propositions qui font débat, mais bien la diffusion en boucle de son interview de 2012 où, président sortant et candidat, il affirmait avec la détermination qu’on lui connaît qu’il prendrait sa retraite politique s’il était battu… Car le fond du problème est là : en France, et à la différence de toutes les démocraties occidentales, quand un candidat même sortant perd, cela devient paradoxalement un gage de sa longévité politique…
Je n’écris pas cela pour vous montrer combien je connais les petits secrets de ce petit monde. Bien au contraire, je souhaite que le spectacle que vous allez contempler dans les trois prochains mois ne vous conduise pas à la résignation, à l’abstention ou à la révolte. Les dés sont pipés, renversons la table ! Ne les laissons pas confisquer l’élection de 2017. La société civile, les Français comme vous et moi, ceux qui ont travaillé un jour dans la vraie vie, celle où l’on est viré si l’on n’a pas de résultats, doivent se rebiffer contre le mauvais film que l’on vous annonce comme inéluctable : le même plateau qu’en 2012, et une victoire qui apparaît promise à un candidat (qui aura déjà échoué une fois) sur une candidate-épouvantail. La France mérite mieux que ce mauvais jeu de rôles.
Pour ma part, je vais m’y employer.