Le Dernier Duel a un grand mérite : placer son action au Moyen Age, en 1386 sous le règne de Charles VI dit le Fou, qui était encore tout jeune au moment des faits. Car l’histoire qui nous est racontée est une histoire vraie, une histoire de duel entre deux seigneurs dont l’un Jacques Le Gris a déshonoré la femme de l’autre, Jean de Carrouges. Un duel sauvage a lieu, au final, qui met un terme à un procès dégradant pour la jeune épouse, où celle-ci remet finalement son destin ( et sa vie ) aux aléas d’un combat singulier entre les deux protagonistes. Face au doute des Hommes, Dieu montrera la vérité !…
Le côté barbare des enjeux de ce duel est un beau baromètre de la violence d’une époque où les femmes ne pesaient rien, et les hommes n’avaient pas d’autre ambitions que de guerroyer et de détrousser des filles. Le film rend bien compte de l’époque, avec une belle photo qui imprègne la rétine assez durablement pour mettre le spectateur mal à l’aise. Tout vibrillonne de manière forte, des combats sanglants , des disputes autour de terres, des échanges tout en tension…
Même le héros – joué par un Matt Damon enlaidi à faire peur – est un homme rustre, revendicatif, analphabète et au commerce peu sympathique. Son adversaire est un homme plus cultivé, mais un lutineur et un débauché qui partouze avec son Seigneur. Le tableau est posé, celui d’une France sauvageonne et brutale qui n’est guère magnifiée par Rydley Scott, un réalisateur qui reste, en l’espèce, bien britannique dans sa vision d’un peuple de grenouilles des bas marais. C’est donc dans ce marigot bien saumâtre qu’émerge comme une pépite une femme magnifique ( parfaite tresse de cheveux ! ) qui attire les regards et suscite toutes les concupiscences.
L’histoire est racontée en trois tableaux, chacun des trois protagonistes étant chacun à son tour le personnage central. C’est un choix scénariste intéressant pour raconter un récit selon trois angles de vision, comme s’il y avait des doutes sur l’intrigue. Mais hélas ce n’est pas le cas, et le procédé n’évite pas la redite, tout en allongeant l’histoire plus que de raison. Si j’ai adoré le contexte historique brutal, j’ai déploré, en revanche, un manque d’émotion dans ces images. Cela ne tient pas aux acteurs qui sont tous excellents, notamment la jeune Jodie Comer, mais plutôt à une trame du récit qui se révèle peu fluide. Rydley Scott s’est emberlificoté dans une fausse bonne idée.
Cela dit, le film mérite assurément le déplacement. Il s’aventure dans une expérience « en costumes » qui coûte si cher et attire si peu les spectateurs. Il plonge le spectateur dans une époque comme dans un bain de plomb. Et surtout, il nous montre, pour rester dans l’air du temps, une des première expressions de révolte féministe, ou tout le moins, le soubresaut téméraire d’un sexe sous le boisseau qui luttait pour gagner un peu de dignité. Bientôt, la Renaissance allait poindre, mais quel rude chemin pour arriver là…