C’est l’histoire d’un mec. Un mec normal, veule, égocentrique. Le genre de mec qui range les autres dans des boites. Un de ceux qui vomissent la famille, tout en restant une espèce de Tanguy à la maison. Un mec qui a une vie intérieure, et se garde bien d’afficher ce qu’il est à l’extérieur. Un mec peu communicant, en somme, et quasiment autiste sur le terrain des sentiments. Un mec qui fait penser à plein d’autres. C’est là la force de ce film, il rentre en résonance avec moultes personnes de nos entourages, des générations de taiseux, et de fils détachés qui s’ennuient dans leur milieu familial.
« Le Discours » est un film dans l’air du temps. Il parle de notre époque. De notre difficulté à enlever le masque du cynisme et de l’indifférence. De notre peur d’user du positif pour exprimer ce qu’on prend pour de l’angélisme. De ce faux confort qu’offre la carapace des non-dits. Ce jeune homme va être mis face au miroir de sa vie, par la décision de sa copine de « faire une pause » dans leur relation. Une décision inattendue qui ne rentre pas dans son plan de vol personnel. Qu’a-t-il fait pour en arriver là ?
Ce choc est exacerbé par la demande de son futur beau-frère de faire un discours lors du prochain mariage avec sa soeur. Lui qui déteste s’extérioriser…. Deux événements qui vont le forcer à sortir de sa coquille.
Une histoire qui nous parle assurément. Elle est parfaitement développée avec un sens de l’image exceptionnel du réalisateur Laurent Tirard. Il réussit ce tour de force de faire vivre ses personnages, en dévoilant les pensées de son personnage principal par des jeux de mise-en-scène incroyables. Le film est presque une thèse sur les méfaits du non-dit et du silence au sein d’une famille. Le spectateur est piqué au vif par cette pastiche à peine exagérée de réunions de famille qui tournent souvent au dialogue de sourds ( formidable scène des traducteurs dans leur boxe, comme à l’ONU ). La communication n’est pas là; c’est juste l’empilement de différents récitals personnels.
Alors, quand on demande un discours de mariage où il s’agit de parler positivement de l’autre ( des deux autres ), cela donne lieu à une formidable remise en question. Pour avoir écrit de nombreux discours de mariage, je sais à quel point l’exercice est périlleux. Cela valait bien, assurément, un film pour le raconter…
Benjamin Lavernhe donne, en plus, toute l’expression de son talent dans un rôle qu’il remplit intensément, avec tout l’abattage d’un vieux routier. Sara Girardeau promène un minois plein de charme qui constitue un puissant moteur aux états d’âme de notre héros. Et les quatre autres membres de la famille sont tous excellents dans leur registre. « Le Discours » est un film diablement intelligent qui invite tout à chacun à sortir de sa tanière. Fut-ce au moins’à l’occasion d’un discours de mariage, mais idéalement dans plein d’autres circonstances de la vie.