Quand Cannes se fait piéger…

Une palme d’or consensuelle, voilà qui est rare !… Je crois que la dernière fois, c’était pour « la Vie d’Adèle » en 2013, si ma mémoire est bonne. Il est vrai que cette fois-ci, Cannes a touché juste avec « Parasite » comme Palme d’or. Ce film est non seulement déroutant, il est surtout inclassable… Cela part dans tous les sens ! Le spectateur se fait balloter par un scénario en montagnes russes qui est de ceux qui font aimer le cinéma.

Une famille de pieds nickelés, chômeurs tendance « paresseux comme des loutres » trouve le moyen de vivre ( bien ) au crochet d’une riche famille un peu crédule. Tous ces « parasites » s’inventent des compétences diverses et variées pour servir chaque membre de la famille selon ses attentes. Pas vraiment de quête de nouveaux départs chez ces quatre zozos. C’est plutôt la vénération du veau d’or qui motive cette famille de joyeux arnaqueurs. Jusqu’au jour où ils se retrouvent tous dans la superbe propriété d’architecte de leurs nouveaux patrons, en l’absence de leurs occupants, pour fêter leur belle supercherie. Mais ils vont faire quelques découvertes surprenantes…

Le mélange des genres est une réussite quand cela prend le spectateur par surprise. Le réalisateur coréen a donc parfaitement réussi son affaire. Son film part comme un petit film d’auteur, misérabiliste dans son propos, avant d’obliquer vers la satire sociale, puis une once de suspense, et un final à l’américaine pour séduire le public occidental vers lequel « Parasite » lorgne ostensiblement. Et en épilogue, le retour à une certaine forme de point de départ qui rappelle, de loin, « Gone Girl », lui-même merveille de scénario…

Un tour de force du réalisateur Bong Joon Ho, qui se révèle retors et presque aussi arnaqueur que ses personnages. Le film est donc un succès… Certains spectateurs sur Allo-Ciné appuient leur adhésion pour ce film par la critique sociale entre happy few et rejetés du système. C’est vrai que la juxtaposition des deux mondes est bien campée. Mais je n’ai pas vu dans ce film une charge « à la Ken Loach ». Le réalisateur s’amuse plutôt en en rajoutant dans la confrontation avec des considérations olfactives choquantes. N’est-ce pas là simplement une ruse de plus pour déstabiliser son public, et l’amener tout doucement au dénouement dantesque du film ? Une façon d’assumer son immoralité ?…

Quoi qu’il en soit, j’ai aimé ce film, car il ne rentre dans aucune case. Le Festival de Cannes s’est fait ainsi joliment piéger, donnant sa palme à un film qui plaît au public. Un film « commercial », quel mot horrible !…