Rufin va devenir un des romanciers auquel je suis le plus fidèle… Ce n’est pas un choix conscient, mais plutôt le résultat d’une convergence d’intérêt avec cet auteur : le sens de la grande Histoire, une haute idée de la France, un goût de l’aventure et des voyages… Et dans ce dernier roman « Les trois femmes du Consul », un parfum d’exotisme avec un récit se déroulant dans cette Afrique que notre écrivain-diplomate connaît bien. Rufin nous dévoile sa connaissance des milieux expatriés et des communautés autochtones dans un Mozambique qui est, pour la plupart d’entre nous, un pays largement inconnu. Bingo ! Il nous donne presque envie de l’ajouter dans la liste de nos destinations de voyages…
Certes, les amateurs de polars vont sans doute faire la moue. L’enquêteur tâtonne pendant une large partie du récit, avant d’avoir une illumination et de faire une révélation à la Hercule Poirot au dernier chapitre. Mais là n’est pas le plus important… Ce qui prime chez Ruffin, c’est son écriture finement ciselée et son regard très juste sur ses personnages. En premier lieu, l’obscur attaché au consulat, Aurel Timescu, personnage vil, sans panache, paresseux comme une loutre qui va s’émanciper de sa gangue de petit fonctionnaire sans ambition pour innocenter une femme accusée sans raison. Une métamorphose qui n’est même pas guidée par l’amour, car Aurel nourrit une espèce d’indifférence à ses congénères de l’espèce humaine, trouvant dans le piano sa seule vraie élévation spirituelle.
Avec un personnage aussi iconoclaste, la découverte des subtilités africaines se fait avec le sourire. Rufin connaît bien son sujet; sa description des milieux diplomatiques transpire de réalisme. Dans le même temps, il y a une grande bienveillance pour les Africains qui traversent le roman, sans jamais capter totalement les projecteurs du récit. C’est plutôt l’expression d’une réalité africaine dans son ensemble que nous rapporte notre académicien d’auteur, par petites touches précises qui constituent un tableau coloré d’un pays engoncé dans son passé colonial.
L’histoire est très légère ; elle se lit d’une traite. Cela restera une oeuvre mineure dans la bibliographie de l’auteur. Mais c’est une jolie évasion, un livre qui nous fait voyager dans notre fauteuil. En plus, en éveillant l’attention sur un pays oublié. Avec la très belle langue de Rufin… Que demander de plus ?