Les leçons du débat

Nous étions des millions à visionner ce grand déballage médiatique entre les 5 principaux impétrants de la Présidentielle. Pour avoir échangé dans la journée avec quelques personnes, je me suis rendu compte que nous n’avions pas vu la même chose…

Les perceptions sont nécessairement différentes. Nous sommes sensibles à la dialectique de certains candidats et, à l’inverse, plus fermés vis à vis d’autres. Nous écoutons, mais n’entendons pas toujours. Les peurs, les préjugés et les haines recuites nous rendent parfois un peu autistes. Et comme toujours dans le débat politique en France, nous nous attachons parfois plus à la forme qu’au fond. Alors, nécessairement, il ne peut y avoir de vainqueurs. Juste l’expression de nos propres ressentis. Mon avis n’a donc aucune valeur particulière. Ce n’est rien d’autre qu’une sensibilité personnelle qui n’influera nullement celle des millions d’autres. La chose étant dite, voilà quand même ce que j’ai vu….

S’il y a un vainqueur du débat, je pense que Marine n’est pas loin de remporter la palme. Elle a été redoutable d’efficacité. C’est un rouleau-compresseur qui ne fait pas grand cas du sablier lors de ses interventions. Elle assène ses vérités de roman de gare, dans des mots simples, directs, facilement compréhensibles. Son scénario a  certes l’épaisseur du papier à cigarette, mais qu’importe : le lecteur doit tout de suite comprendre que le coupable de son histoire policière est le biquot, le négro ou le niakoué et que la commissaire Marine saura tous les coffrer à double tour. Et pour s’assurer que son message est bien passé, elle invoque les paysans, les militaires, les autistes, et toute cette France qui souffre trop de l’Euro. Cette chevalière en armure et en bas de contorsion ose même vanter l’ennemi héréditaire, la perfide Albion, qui a su rompre avec le maléfice de l’Euro. Viva Theresa ! Cette monnaie dans laquelle tous les petits épargnants ont placé leurs économies, n’est pas assez bien pour eux. Il leur faut une monnaie de singe pour cacher la misère d’un vieux pays perclus de dettes. On saute de joie à ce programme excitant !

En face, Mélenchon nous a fait un vrai numéro de soliste. L’homme sait manier le verbe et il cabotine avec aisance. Ses supporters derrière lui étaient hilares. Trop contents que leur champion dame le pion aux suppôts du grand capital. L’homme use de ses talents d’orateurs au service d’idées qui ont le goût et l’odeur du Canada Dry. Il avance masqué et se dissimule derrière des écrans de fumée. Comme cette 6ème République et cette assemblée constituante dont on finit par se dire : pourquoi pas ? Mélenchon arrive à nous faire oublier que son modèle de société est un modèle qui n’a marché nulle part. Il lorgne du côté du Vénézuela et de Cuba avec la gouaille d’un Coluche patelin et bienveillant. Jusqu’à ce qu’il nous assène une grosse connerie qui nous réveille brutalement. « L’Allemagne et ses neufs millions de travailleurs pauvres » nous assène-t-il avec la foi brûlante d’un Torquemada traquant l’hérésie libérale. On ouvre les yeux et on réalise soudain qu’on a devant soi une espèce très rare, quasi en voie de disparition : un dirigeant communiste. Ouf, on avait failli y croire ! Le bonhomme est sympathique; il faut le conserver dans du formol au musée. Pas à l’Elysée, ce serait gâcher. Plutôt au Jardin des Plantes….

Le citoyen Hamon est lui fidèle à son mentor Robespierre. Il fend, il pourfend, et transperce. Non pas ses adversaires, mais le concept-même de réalité. Pour lui, le monde est simplement séparé entre le bien et le mal. Son monde s’est arrêté en 1905, avec cette loi « formidable » de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Tout était dit en 1905. Le monde n’a pas évolué depuis… Pour venir en aide aux Français, il faut simplement les payer pour « vivre ». Comment n’y avait-on pas pensé plus tôt ? Toute respiration mérite salaire…

Macron est lui un pure-sang alezan, fougueux et impétueux qui se cabre avec panache. « Un cavalier qui s’enfonce dans la nuit et qui signe d’un M qui veut dire… Macron, Macron, Macron… » On reste médusé par sa jeunesse et ses réponses formulées à 100 à l’heure qui laissent l’interrogateur au bord du chemin, seul avec ses questions. L’ai-je bien vu ou c’était un rêve ? Mais que fera-t-il face à Poutine ou Trump, ce garçon ? Il va se faire réduire en steak haché chevalin. Il promène son air de premier communiant avec la tranquille assurance d’être aimé pour ce qu’il est : un homme neuf qui s’appuie sur l’équipe très nouvelle du très pubère Alain Minc, de Segolène Royal à peine nubile et du très moderne François Bayrou. Avec un jeune premier dans le métier, Jacques Attali… Avec ses pots-là, il est sûr que la confiture ne peut être qu’un elixir ! La recette est d’ailleurs idéale, un peu de sel de la main gauche et du sucre de la main droite; du beurre et de la margarine, des impôts et des dépenses, du Ying et du Yang. Les Français sont maintenant convaincus qu’ils ont à leur disposition exclusive  et pour une période minimale de cinq années, le prince absolu de l’équilibre, l’architecte sublime du compromis, le pourvoyeur de bonheur qui va voir Robert Hue et Alain Madelin partir en vacances ensemble, bras dessus, bras dessous, joues contre joues…  On reste quand même un peu sceptique, et on se demande si on ne nous rejoue pas le scénario de 2012 et l’emballement pour l’homme providentiel dont le nom fait penser au plat pays. Cinq ans après, le pays est bien à plat… Mais les mouches ont changé d’âne !

Reste le dernier des cinq mousquetaires, mon préféré, François le maudit qui est venu empester la confrontation de son odeur nauséabonde de pestiféré. Pensez, ma bonne dame, c’est lui qui… vous savez… on dit même que… et il aurait aussi… avec Pénélope, si, si… Pensez que je suis bien informée, je l’ai lu chez ma coiffeuse… Il se tenait calme, se faisait tout petit pour se faire oublier et regardait ses concurrents en coin avec des yeux de vieille tortue bridée, ou parfois des haussements de sourcils provoquant une transhumance pilaire. Le bonhomme se voulait raisonnable, mais il était aussi audible que dans un hôpital de fous. L’heure était à la dépense et à la débauche de milliards à gogo pour capter l’attention d’électeurs crédules. Les quatre cavaliers de l’Apocalypse, à ses côtés, se chauffaient les esprits dans la surenchère, à vouloir dépenser des milliards qu’ils n’ont pas. La tortue Fillon préférait attendre son heure sagement; après tout, la ligne d’arrivée est encore loin. Elle n’en a pas moins donné quelques coups de griffe bien sentis, notamment à la passionaria de la cause du Franc. Pour finir par une déclaration d’une grande densité qui remettait l’horloge au milieu du village. François était remis en selle…. Le voilà parti chevauchant derrière le candidat choisi pour nous par les médias…

Une réflexion sur « Les leçons du débat »

  1. Merci Bernard pour ce résumé, je regrette presque de m’être contrainte à suivre le débat jusqu’à sa fin. La prochaine fois je passerai mon « tour » et je viendrai aux infos sur Calembredaines. Car ce n’était pas hélas pas du niveau des Mitterrand – Chirac. Je n’ai vu aucun animal là-dedans et c’est bien dommage. En parlant d’animal, fais moi une faveur et échange le steak haché chevalin (qui me chagrine fort) contre hem, tiens j’ai une idée : Sarko, par exemple. Je me souviens de sa prise de parole après un échange avec Vladi et je pense que çà peut faire l’affaire… Kenavo.

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