La Belle Epoque est d’abord un ton. Un ton décalé et en même temps enjôleur qui vous happe pour ne plus vous lâcher. La tension au sein de ce couple vous explose au visage, sans que jamais cela ne prenne un ton dramatique. Non, Nicolas Bedos reste léger pour évoquer le désamour, la perte d’envie de vivre et le refus d’évoluer dans une époque qui bouge vite. Les échanges sont vifs et enlevés, le personnage d’Auteuil est faible, il se laisse bouffer par sa propre vie, alors que celui de Fanny Ardant est une battante qui veut continuer à avoir le contrôle. Comment ne pas ressentir le vécu dans cette opposition de style ? Comment ne pas y voir les différences de comportement par rapport à l’âge et au temps qui passe ? Nicolas Bedos est étonnamment juste dans le constat.
Pour sortir de l’impasse, autrement que par la voie facile de la séparation, il imagine ce que la technologie d’aujourd’hui peut offrir : un retour aux sources. Revivre le passé pour retrouver l’esprit des origines, retrouver le lien avec l’être aimé et se retrouver soi-même. D’une certaine façon, Bedos est un moraliste. C’est inattendu et bluffant. Surtout qu’il est subtil, dans le rire, l’humour et la charge contre notre société égocentrique. J’ai été totalement séduit par ce film. Il est vrai que le sujet me parle car il est en phase avec mes interrogations métaphysiques, là ou d’autres n’aiment guère se retourner sur le passé. Je crois qu’il ne faut pas trouver ailleurs l’adoration ou la détestation qu’il suscite auprès des spectateurs.
« La Belle époque » est une merveille par son interprétation, Fanny Ardant en particulier, stupéfiante dans un rôle à double face. Elle est d’un naturel confondant, tant dans un rôle de sorcière conjugale que de femme amoureuse. Daniel Auteuil est impérial dans son détachement affecté qui se lézarde au fil du temps devant la scène de sa propre vie. Il retransmet ses émotions avec une telle intensité que certaines scènes pourraient être prises comme modèles dans des cours de théâtre. Mais c’est aussi la jeune Doria Tillier qui phagocyte l’écran avec un abattage sans limite. Elle y apparaît tellement émouvante qu’on peut suspecter de la part de Bedos d’avoir voulu magnifier celle qui partage sa vie.
Quand on y pense, ce film est finalement un film sur l’amour. L’amour ancien dont il faut entretenir la flamme, sans céder à la désespérance des méfaits de l’âge, et l’amour naissant qu’il ne faut pas laisser échapper, comme l’excellent Guillaume Canet le découvre dans le film. Bravo pour cet enchantement général…