« J’accuse », beau et sobre à la fois…

J’accuse » est d’abord l’article de presse le plus courageux jamais écrit. Un prix Pulitzer avant l’heure de l’engagement sociétal, par un Emile Zola qui a gagné là ses galons d’honnête homme. Mais derrière ce fait d’arme qui a marqué à jamais l’histoire de la presse, il y avait l’activisme d’un homme obscur, Marie Georges Picquart, qui a eu le courage exceptionnel de s’opposer à sa hiérarchie pour défendre l’honneur d’un homme qu’il n’appréciait pourtant guère, son ancien élève Alfred Dreyfus.

Cette affaire Dreyfus qui a été le marqueur indélébile du passage du dernier siècle, méritait assurément d’être rappelée aux jeunes générations qui n’ont connu que l’affaire Benalla. On a beaucoup glosé sur l’opportunisme de Polanski à se couler, avec ce film, dans la peau d’un homme accusé sans preuves. Réducteur, très réducteur ! Je pense que le réalisateur polonais marqué dans sa chair par l’holocauste a plutôt voulu dénoncer le réveil de l’antisémitisme, ce fléau à la base de l’affaire, et qui continue à pointer le bout de son nez dans notre France multiculturelle. Bref, ce film était plus que nécessaire…

On le regarde comme un monument dédié à notre nation souvent troublée par les passions humaines. C’est un peu froid, à l’image de ce Dreyfus qui ne suscitait pas l’empathie. Mais que ce film est puissant !… Polanski est parfaitement rentré dans l’époque, et son tableau de l’armée, riche dans ses uniformes, pauvre dans ses moyens, est saisissant. Une petite communauté tendue comme un arc dans un seul but, son désir de revanche contre l’Allemagne. Une armée où la haine du juif était monnaie courante. Deux tensions extrêmes qui ne pouvaient, par leur télescopage, que provoquer l’injustice totale. Polanski réussit bien son pari à montrer l’affaire du point de vue de Picquart. Mais il est dommage qu’il ne montre pas, du coup, le traumatisme de cette affaire sur toute la population. Jamais un événement n’a provoqué une telle confrontation entre les Français.

Cette affaire reste donc minimaliste dans son ton. Mais par son côté froid et chirurgical, le film donne un concentré de l’indécence et de la malhonnêteté humaine. C’est bien, c’est beau, il n’y a rien à ajouter… Sauf à réfléchir sur les méfaits des passions humaines, quand elles prennent le pas sur la raison et la justice…. Bravo à Polanski pour ce beau film. Félicitations à Jean Dujardin, étonnant de réalisme dans son rôle. Et merci à tous ces acteurs plus vrais que nature qui nous restituent parfaitement cette petite communauté militaire pétrie dans ses certitudes, au point de sacrifier l’un des siens.

Le vrai Picquart et son double