Jeune fille courageuse…

S…, ma filleule,

Je t’ai toujours connue calme. Tu es une jeune fille modèle qui affiche, quasi depuis ta naissance, une maturité étonnante. Point de débordement chez toi, pas de caprice, peu d’éclat de voix. Tu n’aimes rien tant que de t’immerger parmi les adultes, écouter le monde des grands, polir lentement à leur contact une personnalité qui s’est depuis longtemps affranchie de l’enfance. Tu ne dis rien, tu ne revendiques rien. Tu grandis, certes, mais silencieusement. Tu observes tout de tes yeux pétillants, tu assimiles et tu avances avec une sourde détermination. Si l’enfance te paraît une perte de temps, tu n’as pas oublié d’apprendre. Apprendre à l’école n’est qu’une formalité. Mais apprendre sur les cours de tennis, voilà une activité mieux à même de te faire vibrer. Tu tapes dans la petite balle jaune avec énergie, pressée de monter dans les classements. Et battre les garçons aurait plutôt tendance à te faire sourire… Ton avenir est tracé avec un métier de kiné qui a depuis longtemps tes faveurs.

Alors que penser de cet intestin qui se rappelle à toi inopinément ? Pourquoi ce crétin s’enflamme-t-il à ce point ? On ne lui a rien demandé, sinon que de remplir son office silencieusement et de se faire oublier. Quel est ce corps, autrefois si complice, qui vient perturber ta trajectoire ? Tu ne dis rien, mais tu n’en penses pas moins. Trois séjours à l’hôpital en quelques jours, cela commence à faire beaucoup. Tu écoutes, à nouveau autour de toi, les conciliabules sans fin des adultes. Ils ne sont pas sûrs de leur jugement. « Maladie » revient souvent, mais le diagnostic est toujours incertain. Toi, tu bouillonnes intérieurement. Le monde de l’hôpital, tu l’envisageais du côté des praticiens. Pas du côté des malades. Et puis, si tu es vraiment malade, qu’est ce que cela change ? Tu as dû déjà énumérer les maladies plus graves qui auraient été autrement handicapantes.

Ma S…, je savais déjà que tu étais une fille exceptionnelle. Ta maladie, si par malheur elle se confirme, ne fera que conforter mon admiration. Sois forte, va de l’avant et ne te laisse pas troubler par l’écume des choses. Ton parrain sera toujours là pour te soutenir et t’aider à devenir la femme accomplie dont tu nous confirmes, chaque jour, les promesses.