Belfast ou grandir sous tension

Quel joli film… Un film à la hauteur d’un enfant. Un récit décousu et puéril. Regarder des événements historiques par le regard d’un enfant est nécessairement réducteur. C’est de l’histoire en version rase-moquette, incomplète, partielle, subjective et superficielle. Mais cela peut provoquer parfois des étincelles de génie ( j’ai particulièrement en mémoire le mémorable « Tambour » de Volker Schlöndorff ).

Ici, Kenneth Branagh a des ambitions plus modestes. Il ne fait pas mystère qu’il est allé chercher dans ses souvenirs personnels, quand il avait neuf ans. Sa vision de Belfast est réduite à sa rue; les tensions communautaires entre protestants et catholiques sont violentes, mais constituent juste un décor; l’enfant lui ne regarde que la jolie petite blonde de sa classe, et les événements de Belfast qu’il mate de ses deux billes écarquillées, l’inquiètent d’abord car il voit que cela angoisse ses deux parents.

Le film est donc avant tout une chronique familiale intimiste, avec deux parents magnifiquement beaux ( notamment la belle Caitriona échappée d’Outlander en mère attentive ), logiquement magnifiés dans les yeux de leur petit garçon, et deux grands-parents qui montrent une grande tendresse l’un pour l’autre, ainsi que pour leur tribu. Il n’y a rien de très original dans ce récit empreint de nostalgie. Mais tout y est juste, du fait d’acteurs parfaitement à l’unisson dans leur rôle ( ils sont, au passage, tous Irlandais ). Le père, en homme responsable qui résiste à l’appel des extrémistes, la mère en colère contre son époux impécunieux, tout en le couvrant d’un regard plein de tendresse ( formidable scène de la danse très sensuelle entre les deux époux ). Le grand-père philosophe qui accompagne les premiers pas amoureux de son petit fils. La grand-mère qui sourit dans son coin, ironique et bienveillante.

C’est sûr que l’explosion de violence entre les deux communautés religieuses aurait pu donner à voir des événements plus denses, plus tragiques… Si c’était l’attente de nombreux spectateurs, ce n’est pas l’histoire de Kenneth. Il voulait raconter dans quelles circonstances lui le natif de Belfast, a atterri avec sa famille dans une Angleterre pourtant peu estimée. Il veut rendre hommage à ses parents d’avoir bravé leur régionalisme très prégnant pour mettre à l’abri leurs deux fils. Plus qu’un récit historique, « Belfast » est un film respectueux d’un fils pour ses deux géniteurs. Rien que cela mérite beaucoup de bienveillance. 4 étoiles…