Tous les articles par Bernard

Puissant comme le malheur….

Un livre coup de poing qui se complaît dans un misérabilisme social d’une grande noirceur, tel m’a paru « Né d’aucune femme ». Les critiques dithyrambiques de Babelio avaient éveillé ma curiosité. Cette lecture a été éprouvante…

Tout au long du livre, j’ai pensé à un autre chef d’oeuvre contemporain « My absolute Darling » qui évoquait l’inceste avec complaisance. Ici c’est la vente d’une fille par son père et le viol d’une gamine de quatorze ans, racontés sans temps mort dans un style court, puissant et aussi déprimant que son récit. Certes, je sais que le bonheur ne se raconte pas et ne fait pas recette en littérature, mais je ne peux m’empêcher de me demander quel besoin de différenciation et d’innovation pousse nos auteurs à se repaître ainsi dans le sordide, pour emmener leurs lecteurs jusqu’aux frontières de leur tolérance émotionnelle. L’art se révèle-t-il nécessairement dans le malheur ? Vous avez trois heures pour rendre vos copies… Continuer la lecture de Puissant comme le malheur….

Jancovici, penseur de notre avenir…

C’est l’exposé le plus intelligent et le plus profond que j’ai vu depuis longtemps. Un talent incroyable pour rendre intelligibles des questions complexes qui nous concernent tous, autour de la problématique de l’énergie et du réchauffement climatique. Cette conférence à l’attention des étudiants de Science Po doit être visionnée par tous les Français.

C’est long, mais honnêtement, le temps passé à regarder cette vidéo ne sera pas du temps perdu…

Immarcescible

Ce mot, prisé des textes sacrés, a un goût d’éternité. Est immarcescible ce qui ne peut se faner, ce qui ne peut se flétrir… L’éternité botanique en somme. Nos petites plantes peuvent, après tout, aussi rêver de vie éternelle.

Dans les faits, le mot sera davantage utilisé en métaphore, pour donner à un amour, une amitié ou à toute autre passion humaine une dimension quasi éternelle. C’est joli et poétique, quoique le mot soit long, dur à l’oreille, et largement inconnu au delà des cercles de la sémantique. Il y a des mots qu’on a envie de sauver, celui-là retient l’attention, avant de tomber dans les oubliettes de notre mémoire…

Petit Rufin, bon bouquin quand même….

Rufin va devenir un des romanciers auquel je suis le plus fidèle… Ce n’est pas un choix conscient, mais plutôt le résultat d’une convergence d’intérêt avec cet auteur : le sens de la grande Histoire, une haute idée de la France, un goût de l’aventure et des voyages… Et dans ce dernier roman « Les trois femmes du Consul », un parfum d’exotisme avec un récit se déroulant dans cette Afrique que notre écrivain-diplomate connaît bien. Rufin nous dévoile sa connaissance des milieux expatriés et des communautés autochtones dans un Mozambique qui est, pour la plupart d’entre nous, un pays largement inconnu. Bingo ! Il nous donne presque envie de l’ajouter dans la liste de nos destinations de voyages…

Certes, les amateurs de polars vont sans doute faire la moue. L’enquêteur tâtonne pendant une large partie du récit, avant d’avoir une illumination et de faire une révélation à la Hercule Poirot au dernier chapitre. Continuer la lecture de Petit Rufin, bon bouquin quand même….

1917, la guerre dans les prés…

Un film attendu, bien marketé, primé aux Golden Globes, et au final, un film décevant, factice et peu crédible… Quelle déception !

Cette guerre de 14-18 a été une telle saignée qu’elle me fascine, plus que n’importe quel autre conflit, plus que n’importe quelle autre époque… J’ai un immense respect pour tous ces jeunes hommes qui ont vécu un enfer dans leur chair et dans leur âme, pendant quatre longues années. Quatre années infernales où l’horreur a été quotidienne. Une expérience qui est à mes yeux le comble de la souffrance. Une expérience qu’on aura toujours du mal à raconter avec nos mots, nos images, nos ressentis du moment. L’indicible ne se raconte pas; il est en dehors des mots. D’ailleurs beaucoup de poilus n’ont jamais raconté leur guerre. Continuer la lecture de 1917, la guerre dans les prés…

Capitalisme qui déraille…

Quand il m’arrive de musarder sur les réseaux sociaux, je suis surpris par les opinions tranchées d’une certaine jeunesse totalement désabusée qui considère que la mère de tous nos maux réside dans le capitalisme… Bigre ! Le capitalisme est selon eux responsable de la crise écologique, des tensions sociales, du mal-être général, du manque de solidarité… Bref, rien ne trouve grâce à leurs yeux dans l’organisation de notre société. Le fait qu’en trente ans, de très nombreux pays pauvres sont sortis de la disette pour commencer à s’aligner sur nos sociétés développées ne pèse guère dans la balance. Cette évolution se serait faite par paupérisation de nos sociétés occidentales, et à ce jeu des vases communicants, personne ne serait gagnant.

Le constat peut s’entendre, notamment dans ses aspects écologiques. La croissance à marche forcée de l’économie mondiale s’est faite assurément au travers d’une dégradation de notre environnement. La terre est incapable d’absorber les déchets d’une population mondiale qui continue à grossir dans l’indifférence des problématiques écologiques. Oui c’est un vrai problème… Continuer la lecture de Capitalisme qui déraille…

« Play » again your life…

Ce film m’a fait penser à une belle tranche de pain de mie grillée, le dimanche matin au réveil, avec une délicieuse odeur de café qui vous chatouille les naseaux. Autrement dit, il parle à votre instinct, et participe d’un bonheur instantané. Celui qui est enfoui très loin dans votre cortex et qui se réveille au contact de vieilles photos ou d’une réminiscence qui vous envahit parfois de manière impromptue.

C’est un film sur l’amitié, l’amitié forte, fusionnelle, celle qui se crée dans les années insouciantes de l’adolescence et des années d’étude. Celle qui repose sur les 400 coups, les coups d’éclat d’une vie de patachon, et les amours naissantes. Celle qui semble aussi naturelle à vivre que l’oxygène à respirer, avant que vie professionnelle, couple et enfants viennent perturber ce bel équilibre. Une histoire tellement intemporelle qu’elle parle à toutes les générations, et pas seulement à ceux qui sont nés dans les années 80. Continuer la lecture de « Play » again your life…

Une panthère qui nous relie à la nature

Ce livre est la plus belle des évasions. Presque une thérapie… Je l’ai lu dans une période professionnellement difficile, avec des insomnies en cascades où mon seul répit était Tesson et sa quête improbable de la panthère des neiges. Quelle belle aventure !… Comment mieux évacuer les tensions que de partir dans cette expédition tibétaine glacée pour guetter un animal presque disparu, et donc quasi mythique ? Comment mieux relativiser les tracas de l’existence que de voir un groupe d’humains partir très loin, endurer des conditions extrêmes, souffrir du froid et de la fatigue, et épuiser tout son temps à la pratique la plus futile qui soit : espérer voir quelques minutes un animal sauvage dans son environnement. Ce livre est le récit de cette traque, mais c’est bien plus encore. Difficile de le résumer en quelques mots; disons que c’est, entre autres, une fable philosophique sur le rapport homme-bête et une dénonciation de la tyrannie de l’homme sur son environnement. Continuer la lecture de Une panthère qui nous relie à la nature

Vincent Munier, Disney du monde réel

C’est un homme tout droit sorti de notre imaginaire. Merlin l’enchanteur venu nous faire découvrir les mystères de la forêt et de ses habitants. Il prononce quelques formules magiques du bout de son téléobjectif et nous voilà tout d’un coup associés à un ballet animalier à la Walt Disney.

Merlin est un homme des bois, des montagnes et de toutes les étendues sauvages loin de notre civilisation. Il est un lutin qui aime folâtrer là où d’autres ne vont pas. Il n’est plus alors un corps étranger au milieu de la mousse et des lichens de nos grands arbres. Il se dissout dans la forêt pour ne faire plus qu’un avec la faune.

Merlin se promène sur la pointe des pieds, les sens en éveil, l’oeil à l’affût derrière ses jumelles. Il est muni d’un sésame que toute notre humanité pressée a laissé tomber depuis longtemps : la patience. Et son corollaire en forme de juste récompense, l’émerveillement.

Attention les yeux… Wokety Pokety Wokety Wok

Vigneaux, égérie du féminisme…

Elle est magnifique !… A l’aise sur scène, comme si elle y était née, Caroline Vigneaux est une étoile brillante du one-woman-show. « woman » insiste-t-elle avec énergie, car elle revendique et défend son sexe avec passion. C’est une femme assurément, jolie, ce qui ne gâche rien, mais une femme qui bouillonne intérieurement contre les affronts, les injustices et les avanies faites à la condition féminine. Son spectacle « Croque la pomme » est totalement orienté sur ce thème.

Fort bien, se disent les hommes, on va en prendre pour notre matricule. Est-ce la peine d’aller se faire assaisonner par une pasionaria féministe pratiquant l’outrance pour faire rire à nos dépens ? Eh bien non… Continuer la lecture de Vigneaux, égérie du féminisme…

« Surface », comme un caviar de polar…

Le site Babelio où je reproduis mes articles, me fait découvrir régulièrement de bons romans. La dernière découverte est une excellente pioche.

« Surface » est un polar écrit par un ancien policier qui en est à son quatrième opus. Un homme qui connaît la musique, et qui en est d’autant plus crédible dans la description du monde de la police. C’est déjà un point positif. Encore faut-il savoir raconter des histoires. Et là, en l’espèce, nous avons affaire à un orfèvre.

Dans un style concis, sans fioritures, Olivier Norek nous campe le décor avec beaucoup de talent. Il ne faut pas plus de quelques pages pour être totalement dans le bain. Après, vous n’avez pas envie d’en sortir. L’eau sera depuis longtemps froide que vous serez toujours absorbé dans le récit. Continuer la lecture de « Surface », comme un caviar de polar…

Amphigourique

Ah le joli mot que voilà !…  Ce mot se devine, avant d’en connaître le sens. Il est à l’image de sa définition. Compliqué, entortillé, torturé. En un mot, précieux…

Notre langue est bien précieuse justement d’être riche de ces adjectifs imagés. Ils s’oublient un peu, mais ce qu’ils recouvrent, est loin d’avoir disparu. L’amphigouri, autrement dit le galimatias confus et guère compréhensible qui est l’apanage des politiques ou de pseudo experts.

Alors face à un de ces maîtres obscurs de la rhétorique, vous pouvez toujours répondre : « je ne panne que dalle et j’en ai rien à foutre ». Ou attaquer l’opportun sur son propre terrain d’un superbe : « peu me chaut vos élucubrations amphigouriques »

Bonne Année à tous !…

Alors que ce blog vient de passer son quatrième anniversaire, je tiens à vous présenter tous mes voeux pour la nouvelle année. Puisse 2020 être pour vous l’année de tous les accomplissements, de tous les bonheurs et de toutes les réussites.

Nous avons eu beaucoup d’animation en 2019, avec toutes les tensions sociales dont notre pays est abonné. Une période stressante pour tous, pour les grévistes qui essayent d’être entendus, et pour les usagers perturbés dans leur quotidien. Pas sûr que cela ait été le scénario rêvé et l’aspiration au bonheur que nous nous sommes tous souhaité lors du dernier réveillon ! Continuer la lecture de Bonne Année à tous !…

Ennui au pays des « sans-dents »

Cela faisait longtemps que ce Goncourt 2018 trainait sur ma table de chevet, une lecture qui s’imposait, mais à laquelle j’avais du mal à me résoudre. Un titre tellement banal qu’il n’imprimait pas dans ma mémoire. Un récit de jeunes ados qui m’était totalement étranger. Un misérabilisme social qui était loin de me captiver… J’ai dû me forcer à cette lecture, notamment au début du roman.

Lecture faite, je suis toujours sur la réserve, mais je suis content de l’avoir lu. C’est assurément une grande oeuvre. Une chronique du quotidien, pleine de détails insignifiants, qui donnent au texte une authenticité unique. le récit est linéaire, sans faits d’armes autres que deux vols de motos. Les personnages vivent sous nos yeux, comme dans un film de Ken Loach. Je m’attendais à tout moment à un drame; tout concourait à un dénouement violent. Continuer la lecture de Ennui au pays des « sans-dents »

Un Chanel plein d’allant

N° 5 de Chollet : le 5ème spectacle de Christelle Chollet, le second pour moi, puisque j’avais vu en octobre 2016 le précédent Comic Hall, déjà raconté sur ce blog.

Christelle Chollet a un talent fou. Cette fille est une bête de scène qui vous captive dès la première seconde pour vous emmener très loin avec elle dans le délire et la tension scénique. J’avais déjà follement aimé le précédent spectacle. Que vaut le nouveau où, sur l’affiche, elle parodie une publicité de Chanel ?

Le spectacle a lieu au Théâtre de la Tour Eiffel, une salle quasi inconnue, récemment rachetée par la comédienne avec son époux. Du coup, elle bénéficie d’un décor de scène magique, Continuer la lecture de Un Chanel plein d’allant

La mort sur un ton léger

Dans notre époque où le cinéma est un grand parc d’attraction où l’on vénère l’insouciance, pas facile de parler de la mort, et encore moins de la maladie. La dégradation du corps et de l’esprit est aux antipodes des valeurs contemporaines. Becker s’y était risqué avec « Deux jours à tuer », un film déjà poignant où Dupontel renversait la table, avant de se cacher loin du monde.

Les deux brillants auteurs du « Prénom », sans doute excités par le challenge, ont souhaité aborder le thème sous la forme d’une comédie. Avec l’idée astucieuse de départ d’une confusion dans les diagnostics pour arriver à un résultat bien trouvé : la maladie n’est plus un parcours désespérément solitaire, mais une aventure à deux où chacun s’oublie pour prendre soin de l’autre. C’est très subtil de troquer ainsi le misérabilisme pour l’empathie. Continuer la lecture de La mort sur un ton léger

agélaste

On en rencontre hélas trop souvent. Des tristes sires qui ne savent pas rire, ni sourire. Pour les agélastes, la vie n’est jamais drôle, et cela fait d’eux de tristes compagnons.

Pour les définir, on peut utiliser le mot « pisse-vinaigre » qui est joliment imagé comme souvent dans la langue française. Mais l’adjectif « agélaste » est encore plus direct. Avec le risque, cependant, de ne pas être compris de votre interlocuteur car « agélaste » fait partie de ces mots qui tombent en désuétude. Bien dommage…

Le mieux est donc de l’utiliser en injure, à la façon du capitaine Haddock : « va-donc, agélaste, triste face et bileux de la gueule. Va polluer l’air hors de mon périmètre de sustentation ! »…