Notre société est gangrénée par la violence. Par le repli sur soi, le besoin de passer sa propre personne avant toutes les autres, fut-ce au prix d’un écrasement des autres. L’humanité est une valeur en baisse, le respect aussi, comme on le voit avec de multiples faits divers. Le cinéma peut-il agir de pommade sur les plaies de la société ?
La question reste ouverte, mais il est certain que « je verrai toujours vos visages » ( film un peu trahi par son titre abscon ) participe de cette ambition. Quelle puissance ! Un vrai coup de poing qui laisse le spectateur groggy. Cette confrontation entre victimes et agresseurs dans une prison où les derniers purgent leur peine, est un exercice brillant. Les dialogues sont précis, sonnent juste et ne sont jamais dans l’emphase. Pas de leçons dans ces moments d’échange, plutôt la volonté de comprendre, de se mettre à la place de l’autre et de réaliser le mal que l’on fait par son inconséquence et son égoïsme.
Le film est concentré, avec presque une unité de lieu dans cette salle commune de la prison. C’est dense et le spectateur est emporté par la tension de cette découverte mutuelle. A l’appui de ce moment de grâce, des acteurs au meilleur de leur forme qui éclaboussent l’écran de leur talent : Adèle Exarchopoulos, en premier lieu, éblouissante de vérité, mais aussi Miou Miou bouleversante, Leila Bekthi au jeu totalement habité, et aussi Gille Lellouche dans un contre-emploi totalement abouti. J’en oublie, mais ils sont tous parfaits…
C’est vraiment du grand cinéma quand des tirades débitées dans un grand cocktail d’émotions enfouies vous prennent totalement aux tripes. Il y a longtemps qu’un film ne m’avait à ce point secoué. A voir et surtout à intégrer dans notre façon de vivre l’altérité… Bravo à cette jeune réalisatrice.