Après le passionnant « Eté des quatre rois », Camille Pascal s’attaque à un autre sujet historique, la Fronde en 1718 de grands seigneurs contre la régence de Philippe d’Orleans, alors que Louis XV était encore tout jeune. En fait, il s’agit surtout de l’agitation de deux bâtards de Louis XIV, reconnus par le vieux roi vieillissant comme « princes », sous l’influence de leur préceptrice, la dernière favorite, Madame de Maintenon : le duc du Maine ( bossu et boiteux ) et le duc de Toulouse ( le premier ayant épousé une authentique princesse, petite-fille du Grand Condé, la duchesse du Maine ). Des Princes qui se savaient peu légitimes dans un autre règne que celui de leur géniteur, et se sont mis à comploter avec l’Espagne en espérant inverser les ordres de succession, en cas de disparition prématurée du jeune Louis XV.
On retrouve avec plaisir le style riche et plein d’images d’un historien sachant rentrer dans la psychologie de ses personnages pour rendre au récit le caractère vivant d’une chronique intimiste. Camille Pascal n’est pas seulement un écrivain féru d’histoire, c’est aussi un romancier talentueux qui emporte ses lecteurs dans des aventures foisonnantes où le détail improbable rivalise avec le parfait reflet d’une époque. Lire ce livre est une formidable plongée dans la France du début du XVIIIème siècle.
J’imagine que la matière du récit a été largement inspirée par les Mémoires du Duc de Saint-Simon, récit autobiographique intense d’un acteur éclairé de son siècle. L’auteur n’a eu qu’à moderniser ce beau témoignage, en s’appuyant sur sa propre connaissance de l’époque et des différents protagonistes.
Pourquoi malgré cette perfection historique, le lecteur reste un peu sur sa faim ? Peut-être, parce que l’âme damnée de cette révolte, la duchesse du Maine, est une princesse hautaine, arrogante, irraisonnée. En un mot, une fofolle insupportable qui trompe son ennui en complotant, sans prudence, contre le pouvoir. Ses colères sont homériques et ses actes sont l’émanation de ses tripes, sans une once d’intelligence, ni de calcul. Comment croire dans ce cas que cette révolte n’était rien d’autre qu’une fronde de pacotille condamnée d’avance ? Sur une trame aussi futile, était-il besoin de ressortir le souvenir de personnages aussi falots ? La question peut se poser légitimement.
Heureusement, la description d’une époque est si riche que le plaisir du lecteur est bien là. Et quelques personnages sortent du lot, en particulier Philippe d’Orleans, un régent indolent et débauché qui se montre irrésolu jusqu’à un coup d’éclat final. Un jouisseur débridé dont on comprend pourquoi Philippe Noiret a eu plaisir à endosser le personnage dans un film réputé de Bertrand Tavernier. C’est finalement lui le personnage charismatique de cette chronique de quelques jours de l’été 1718.