« Sur terre, il y a deux endroits pour se planquer : les cimetières et les refuges ». Entendez-là les refuges pour animaux… Cette phrase de « Trois » fait le lien avec le précédent livre de Valérie Perrin « Changer l’eau des fleurs » qui m’avait passionné. « Trois » au titre moins accrocheur, m’a également moins alpagué. Ce livre très long m’a fait penser au Goncourt de Nicolas Mathieu « Leurs enfants après eux »…
Un même titre fade, un même récit dense, fourmillant de détails de la vie quotidienne, une même narration qui se traîne, une même histoire d’enfants dans une petite ville de province qui se cherchent et s’ennuient. Sauf que Mathieu avait, en plus, un style éblouissant, ce qui n’est pas le cas de Valérie Perrin. Celle-ci ballote son lecteur dans plusieurs époques. Chaque chapitre donne l’indication de la date, ce qui est primordial pour la compréhension, le lecteur devant à chaque fois réajuster son cerveau à l’intrigue. Ces flash-back incessants ne sont pas apaisants; c’est un kaléidoscope d’écriture qui, très lentement, s’emboite pour former une histoire. Valérie n’est pas la compagne de Claude Lelouch pour rien !…
Honnêtement, c’est très bien fait, et on peut reconnaître à l’auteur un vrai talent à tricoter une histoire. Une vie même, pourrait-on dire, car l’histoire s’allonge sur plus de vingt années. Il est certain qu’il y a beaucoup de vécu dans ce récit. C’est diablement authentique dans la description d’une ville de Saône et Loire, justement le département de naissance de l’auteur. Ce qui est bon signe, c’est que j’ai, chaque fois, repris le cours de l’histoire avec intérêt.
Hélas, mon adhésion n’est pas totale comme dans « Changer l’eau des fleurs ». Plusieurs raisons à cela : un côté racoleur, presque sirupeux, dans la défense de la cause animale. Les personnages ne sont pas tous très sympathiques, en particulier ceux d’Etienne et d’Emmanuel. La découverte finale est très politiquement correcte, comme s’il y avait une volonté de coller avec l’air du temps. Enfin et surtout, les personnages de Nina ( Trois ) et de Violette ( Changer l’eau des fleurs ) sont très similaires, des femmes-enfants, fragiles et innocentes, victimes de la dictature des hommes, les personnages masculins n’ayant, ici comme là, vraiment pas le beau rôle. Il ne faudrait pas que cela devienne une constante chez Valérie. C’est entendu que notre époque cherche à rétablir – avec justice d’ailleurs – l’équilibre entre les hommes et les femmes. Mais l’accumulation dans un seul livre des trois grands débats qui déchirent la société ( animaux, minorités et femmes battues ), cela me semble vraiment un peu « too much ». Lecteurs, je veux vous plaire !…
Cela dit, il y a heureusement quelques scènes éblouissantes dans ce livre. J’ai totalement vibré à la retrouvaille d’Etienne et d’Adrien dans une brasserie pour une passe-d’armes entre amis. La scène laisse le lecteur bouche bée… Il ne faut finalement jamais juger sur les apparences, même en littérature…