Je ne sais pas si l’auteur l’a fait exprès dans le choix de son titre, mais cet « été anglais » m’a fait penser à une autre été, « un été 42 » d’Hermann Raucher dont on a fait un film avec une superbe musique de Michel Legrand. Dans les deux cas, le récit d’un jeune garçon découvrant les mystères féminins auprès d’une femme plus âgée, chose très désirée dans l’un, plus subite dans l’autre. Faut-il que la société ait fortement évolué pour qu’à cinquante ans d’écart, cette même histoire passe du rite initiatique plein de sentiments à une relation passant pour de l’abus et une certaine forme de défloration de l’enfance !
Cette évolution de la société est incontestable, prenons-en acte. L’auteur nous tricote donc l’histoire de Fabrice, 15 ans, jeune garçon partant en Angleterre pour améliorer son anglais. Une situation qui évoque immanquablement des réminiscences chez le lecteur. L’idée sympathique est de transposer l’action dans l’Angleterre des Beatles, dans une famille de la gentry, plus anglaise que cela, tu meurs.
Tout y est : le manoir, les visites de sites, les bus à l’impérial, les tea-time bien orchestrés, les Jaguar avec chauffeur, les domestiques prévenants… Tout est là pour faire sourire à la façon de Downton Abbey. Sauf que Margaret, l’hôtesse, une belle femme d’une quarantaine d’années, est une ogresse de chair fraîche et se jette sur le jeune Frenchie avec volupté. Le jeune Fabrice qui semble avoir oublié la dictature de ses hormones, subit l’assaut, se défend un peu, et vit mal la chose, partagé par des sentiments de dégoût, d’incompréhension, et de malséance, tout en prenant aussi goût à l’exercice. Mais le bilan reste négatif, car son évolution future en tant qu’homme, le montre durablement marqué par l’agression, mal dans sa peau, et très solitaire.
Marc Desaubliaux a une écriture très féminine. Il décrit dans de multiples détails une Angleterre qu’il chérit visiblement. Tous les détails du quotidien donnent une forte impression de vécu. Il réussit aussi parfaitement à entrer dans la psychologie de son jeune personnage. Ses atermoiements de jeune jars dépassé par l’intensité du moment sont rendus avec subtilité, tout est crédible, même si l’identification du lecteur masculin n’est pas toujours évidente. Ce viol qui se perpétue, perturbe les repères entre victime et bourreau. Toutefois, l’auteur qui est un gentleman, ne raconte pas le sexe en lui-même, laissant le lecteur un peu sur sa faim du mode opératoire d’un viol au masculin.
L’histoire trouve un assez joli happy ending. L’évolution de ce Fabrice est, il est vrai, bien triste. A près de 60 ans, il est passé à côté de sa vie, son expérience britannique ayant été non pas une libération, mais une prison mentale. Un joli livre donc, même si je préfère l’insouciance de « l’été 42 ».