Emouvant au point que les larmes me sont venues aux yeux devant le personnage d’Emmanuel. Une victime en révolte qui tourne comme un fauve en cage. Une des victimes de ce prêtre pédophile lyonnais qui a sévi plusieurs décennies sans susciter de réactions appropriées de l’église. Alors quelques-unes de ses victimes ont fini par se réunir en association pour l’attaquer en justice et dénoncer l’inqualifiable, à savoir le mal incarné chez un prêtre censé apporter le bien et communiquer la parole de l’évangile.
François Ozon s’attaque à un sujet douloureux avec « Grâce à Dieu ». Mais Dieu merci, il le fait avec une humanité, une honnêteté et une subtilité qui l’honorent. Point de généralisation hâtive, pas d’envie de casser une institution, de lyncher des curés…. Ozon ne fait que dénoncer. Il raconte juste les souffrances des victimes pour faire éclater la vérité. Même le prêtre pédophile paraît être un homme malade, victime de ses pulsions et pas trop mauvais bougre dans le fond.
Cette absence de manichéisme – étonnante dans notre époque noire et blanche qui adore clouer au pilori – rend le propos plus profond. Une approche tout en nuances, à l’image des courriers échangés entre les protagonistes, et lus en voix off en début du film. Certes, cela peut donner l’impression de mettre le film sur un registre « documentaire ». Mais, sans ce contexte, la charge contre l’Eglise n’aurait pas la même puissance. Sans ce contexte, la révolte vingt ans après les faits de jeunes garçons devenus adultes serait difficile à comprendre. Ozon a construit son film avec le canevas imposé de la réalité, loin des fantasmes de scénario inventés.
Mais il a trouvé le ton juste pour parler de chacun : Alexandre, le toujours croyant, qui veut préserver les générations à venir ; François le révolté qui rejette tout le barda et veut se payer tous ces faux-jetons de curés ; Emmanuel enfin qui retrouve sa dignité et une raison d’exister dans ce combat qu’il n’a dans un premier temps pas voulu. Par ce délicat jeu d’acteurs, « Grâce à Dieu » est bien un film. Un très bon même, de ceux qui vous marquent et qui suscitent le débat plusieurs heures après la sortie de salle. Sans la moindre invective, sans la fureur déchaînée des débats sur les réseaux sociaux.
« Grâce à Dieu » est une météorite bienveillante, tout en débusquant le mal où il se cache. Une telle honnêteté mérite 5 étoiles. Pas moins…
Tout à fait d’accord avec vous. Votre avis colle à mon ressenti à l’issue de cette séance. Du grand Ozon sur un thème hautement délicat. Que votre article donne envie de se déplacer pour ce beau moment de cinéma et de débat d’idées.
Merci pour ce retour sympathique