« Le Jeu » : le téléphone pleure…

Les téléphones portables sont devenus le coeur de nos vies. Les compagnons dont nous ne pouvons nous passer, les confidents, les carnets roses, les vrais dépositaires de nos petits et grands secrets. Alors, que se passe-t-il quand on décide de les ouvrir aux autres ? C’est le point de départ du Jeu. Un challenge entre amis qui va devenir un révélateur brutal de tout ce qu’on cherche à cacher.

Pour faire ce film, le réalisateur Fred Cavayé a peaufiné son scénario pendant des mois. Cela se voit. Il a travaillé sur ses 7 personnages avec la précision millimétrée d’un horloger suisse et les gestes mesurés d’un dynamiteur maniant des puissantes charges d’explosifs. Tout est terriblement précis. Les enchaînements sont d’une rigueur exemplaire, faisant passer le spectateur en quelques secondes du rire au larme, puis du sourire à l’émotion la plus forte. Une réalisation de cette qualité, c’est du caviar.

L’autre tour de magie est d’avoir réuni des acteurs d’univers différents pour reproduire ce groupe d’anciens amis d’école. Berenice Bejo est merveilleuse de retenue en épouse insatisfaite, et en psy souhaitant se refaire les seins ( belle trouvaille ! ). Suzanne Clément est époustouflante en femme manipulatrice et en jalouse amoureuse. Roschdy Zem fait rire en hypocondriaque pas à l’aise dans ses baskets, Vincent Elbaz parfait en joueur cachant mal ses cartes… Mais la palme revient sans conteste à Gregory Gadebois, comédien qui transcende tous les films qu’il traverse depuis « Angèle et Tony ».

« Le Jeu » est un vrai concerto des relations humaines, chacun jouant à son tour sa partition de soliste dans des digressions parfois inattendues. C’est un vrai bonheur pour le spectateur. Dès les premières scènes, il devine qu’il passera du bon temps à cette dissection intime. Surtout, le film ne prête pas qu’à sourire. Il est plus généreux que cela, il pousse à la réflexion sur notre époque et à notre fâcheuse tendance à nous replier dans le virtuel. Il montre du doigt cet instrument de tous les jours qui nous a vampirisés. Et parfois nous trahit… Car la technologie n’apporte pas que du bon, c’est connu…

J’ai été très séduit par ce film qui est un vrai film de réalisateur. Il fait penser au « Carnage » de Roman Polanski ou plus ancien, au délicieux « Air de famille ». Quand le jeu de la vérité bouscule toutes les conventions sociales….