Assurance-vie : menace sur notre épargne

Séminaire la semaine dernière d’un grand assureur européen. L’occasion d’échanger avec quelques professionnels sur l’environnement des marchés. Le lieu est enchanteur, le temps est au beau fixe et la cuisine raffinée. Mais l’ambiance est tendue. Tout le monde ne parle que d’une chose : l’article 21 Bis du projet de Loi Sapin 2 qui va permettre aux assureurs de suspendre le rachat des contrats d’assurance-vie, plus particulièrement des fonds en Euro, en cas de situation extrême. Chacun s’interroge : n’est-ce pas là les premières gouttes d’un orage qui s’annonce ?

Dans l’assistance, les adeptes des fonds en Euro ne sont pas nombreux. Mais, au fur et à mesure du séminaire, ils vont perdre leurs dernières illusions.

Celui qui sonne la charge est Jean Pierre Corbel, un CGP indépendant qui a développé le Club Patrimoine TV, organe de communication dans l’environnement des placements qui est une grande réussite. Le Club Patrimoine est devenu, au fil du temps, un groupe de défense et de lobbying sur toutes questions relatives au patrimoine.

Que nous dit-il ? L’article 21 Bis a été ajouté discrètement le week-end du 14 juillet au projet de Loi. Un passage en douceur qui se voulait discret pour réaffirmer les craintes du législateur face à la forte générosité de quelques assureurs sur leurs contrats euros, ce qui les met en situation de risques. La disposition se justifie sans doute en terme de régulation, mais elle ouvre la boite de pandore autour des fonds Euros. On sait quand on les ferme. Mais on ne sait jamais quand on les ré-ouvre. Surtout qu’on a amené à ce type de placements des investisseurs qui ne sont pas nécessairement dans une optique long terme ( sans parler des pratiques « élitistes » de souscription de fonds Euro avec effet de levier ).

Jean Pierre Corbel est assez catégorique : la mesure peut créer des vagues car les Fonds Euros – une spécialité française quasi unique en Europe – sont à ses yeux une supercherie : on a accordé aux épargnants l’atout des taux long terme, avec une liquidité immédiate. Une chose totalement incongrue et peu conforme à l’orthodoxie financière. Le dispositif n’a tenu d’ailleurs que par la baisse des taux d’une ampleur jamais vue depuis 20 ans. Mais maintenant que les taux sont au plus bas, à la merci d’un rebond, notamment sur des dettes souveraines mal pricées, le système menace d’imploser.

C’est d’autant plus gênant que la France ne semble plus maître de son destin : les assureurs-vie français et autres investisseurs nationaux ne détiennent que 18% de la dette nationale. Les étrangers qui constituent nos premiers créanciers pourraient s’inquiéter de flux menaçant le fragile équilibre dans le financement de notre budget. Certes, la BCE nous protège avec son QE, mais jusqu’à quand ?

Le séminaire s’est prolongé sur des considérations de Bail In, Bail out et autres délices grecques et chypriotes qui nous ont montré la voie. En d’autres termes, la sérénité n’était pas vraiment au rendez-vous.

Ne cédons pas à la panique. Mais soyons aussi lucides. Histoire de ne pas être les derniers debout, quand la musique s’arrêtera…

Pour les curieux, vous pouvez écouter ci-dessous l’exposé de Jean Pierre Corbel. C’est passionnant !