Le cinéma est toujours la plus belle évasion quand il provoque chez le spectateur une jubilation intérieure qui cause un sourire béat, une tendresse pour les personnages, une admiration sans bornes pour les interprètes, et une envie d’aller au-delà du générique de fin.
François Ozon ne m’a pas toujours fait vibrer avec notamment un « 8 femmes » un peu surcoté, alors que « Frantz », « Grâce à Dieu » et « Jeune et Jolie » étaient beaucoup plus excitants. Mais avec « Mon Crime », il réalise son film le plus charmeur, le plus enjoué, le plus savoureux dans sa façon subtile d’évoquer la condition féminine des années 30, alors que notre époque se déchire dans des débats abscons autour de la question.
Il y a de l’audace dans le propos. Non pas par des positions rétrogrades, mais par une volonté de désamorcer la violence des débats avec une histoire souriante où des femmes tirent partie de leur relégation sociale. Le film ne plaira pas à tous et toutes, c’est certain… Mais quel moment unique que ces femmes se disputant la paternité d’un crime pour profiter de la notoriété qu’il confère. Tous les échanges dans le film sont du miel désopilant où chacun tire la couverture à lui pour être dans les projecteurs.
Notre monde des médias, des journalistes et de la presse en prend plein la musette par son côté futile et immoral. Tous les protagonistes ne sont pas très beaux et se complaisent dans les combines pour continuer à paraître. Un monde des illusions, parfait reflet de notre époque, même si l’on se rassure en situant l’action dans les années 30.
Au delà de deux actrices inconnues, absolument exquises dans leurs rôles respectifs, le film donne l’occasion à trois monstres sacrés de notre cinéma de démontrer qu’ils n’ont rien perdu de leurs talents : Dany Boon, le Chti avec un accent marseillais hilarant ; André Dussollier absolument parfait dans ce rôle d’industriel tournant casaque, et enfin surtout Isabelle Huppert, proprement époustouflante dans un rôle de vieille star du muet sur le retour, excentrique et déjantée. Quel plaisir ! Quel spectacle ! Quelle performance !…. D’ailleurs, à la fin, les applaudissements des spectateurs – assez rares de nos jours – indiquaient bien que le film avait touché sa cible : nous faire rire sur des sujets de société qui nous font plutôt pleurer… Impeccable ! On en redemande !…