Plutôt que le journal d’un amour perdu, ce livre mériterait davantage le titre « autopsie d’un deuil ». Eric-Emmanuel Schmitt décortique, en effet, dans le détail les sentiments et la détresse que lui ont inspiré la disparition de sa mère. C’est extrêmement personnel, presque un peu trop, et l’auteur n’échappe pas totalement aux critiques d’un déballage un peu impudique. Même s’il le fait, en préservant l’anonymat de ses proches, qui ne sont cités que par leurs prénoms, sans que le lecteur puisse identifier les uns et les autres. Cela donne au récit un côté hors-sol, comme une bulle de conscience psychologique, détachée de tout son environnement. Un tête à tête avec soi-même, une confession sur le divan, totalement axée autour de la relation exclusive entre un monstre de notre littérature ( accessoirement mon écrivain préféré ) et sa mère adorée.
De la psychanalyse qui cache son nom, même si l’auteur s’en défend énergiquement, contestant d’ailleurs la psychanalyse comme traitement adapté à sa personne. Dans un passage intéressant, il estime qu’il a besoin d’un état troublé pour continuer à créer, la sérénité n’étant pas propice à la créativité. L’écriture serait une affaire de torturés !…
Le plus intéressant de cette introspective est de rentrer dans l’inconscient d’un grand écrivain et de mieux connaître le grand Schmitt. Il en ressort son extrême sensibilité dès la prime jeunesse, sa relation quasi fusionnelle avec sa mère et ses mécanismes intimes de création littéraire.
Un petit livre donc qui est un soupçon égocentrique, mais qui est un superbe moyen de rentrer dans l’intimité d’un écrivain d’exception.