Ah ça ira, ça ira, les aristocrates…

Downtown Abbey, voilà une série qui aura fait frissonner la France entière. Cette France républicaine et égalitariste qui n’aime rien tant que détester sa propre noblesse, s’est enflammée pour les aventures d’une famille anglaise dorée sur tranche, dont la demeure n’est autre qu’un château des plus magnificents.  Folie collective citoyenne ! Robespierre doit assurément pester là-haut contre cet inexplicable retour de flamme…

Qu’est ce qui peut bien motiver cet intérêt général ? Une crise de nostalgie ? Un intérêt anthropologique ? Une curiosité pour ces excentriques de rosbeefs ? Un peu de tout cela…

Mais la première raison pourrait bien être simplement une belle histoire, avec des passions humaines qui transcendent toutes les classes sociales. Avec le bonus de l’art de vivre suranné de l’Angleterre post-victorienne qui provoque un brin d’envie. Les relations humaines y étaient très policées, beaucoup plus courtoises qu’aujourd’hui, même si la ségrégation sociale était totale.

Le film risquait de ne rien ajouter à la série, sinon de tomber dans une vulgaire course à la bonne affaire financière. Mais c’était sans compter sur Julian Fellowes, le scénariste qui a pris sa plus belle plume et son raffinement d’aristocrate accompli pour compléter l’histoire d’une nouvelle page riche en péripéties. Avec la visite du Roi et de la Reine au château, il y avait là une belle idée et un moyen très sûr de faire bouillonner l’esprit de tout ce petit monde vivant en vase clos. Et de faire exhaler les valeurs so british qui font tout le sel des personnages.

Mission accomplie ! C’est un succès. On retrouve avec plaisir tous les personnages de la saga, avec la délicieuse Maggie Smith en duchesse douarière impayable qui distille à la chaîne des pépites d’un humour anglais désopilant. Pas de surprises. Le spectateur reste en territoire connu, même si le scénariste le détourne quelques minutes dans une voie de traverse inattendue : la condition difficile des homosexuels dans les années 20. Petite entorse sans doute pour se conformer à la bien-pensance de notre époque. Mais c’est anecdotique… Downton Abbey restera une splendide régression populaire pour adorer, une dernière fois, les raffinements de l’Ancien Régime. Avant d’aller prêter main forte aux Gilets Jaunes…