Ken Follett est un auteur prodigue. Ses romans sont tellement nombreux qu’il est difficile de choisir. En général, je suis toujours sur la défensive face aux « serial writers ». Un roman est d’abord une rencontre entre un écrivain et une histoire. Alors débiter des histoires comme des « petits pains », cela me crispe par principe. L’écriture n’est pas un métier, plutôt une grâce passagère…
Le « Code Rebecca » : j’ai pioché l’idée chez une Babeliote, fan de l’auteur. Un récit d’espionnage dans l’Egypte des années 40, quand Rommel et les troupes de l’Afrika-Korps menaçaient l’occupation anglaise, voilà un scénario qui fleure bon l’aventure. Et puis, c’est un livre dont on a fait un film ( pas une grande réussite au box-office ), signe que le récit était suffisamment riche. Bonne pioche !
Ce « Code Rebecca » est une excellente initiation à l’oeuvre de Follett. J’ai été épaté par le gros travail de documentation de l’auteur pour rentrer dans l’époque. Cette Egypte des années 41-42 est parfaitement rendue. Les Anglais arrogants qui ne sont guère aimés des autochtones. Les partisans de l’indépendance tentés de jouer le jeu de l’Allemagne. La tension croissance face aux succès des forces de l’Axe. Tous les personnages de l’Histoire s’agitent sous nos yeux, avec un espion Alex Wolff, en loup solitaire travaillant au succès des armes de Rommel.
L’histoire est passionnante. La grande réussite de Follett tient à la description psychologique de ses personnages qui donne au récit une parfaite authenticité. Par rapport aux romans d’espionnage classiques, celui-là est riche de densité, d’interrogations, de tensions… Les hommes luttent; les femmes sont là pour offrir du divertissement aux guerriers. Mais quand elles se lancent dans la bataille, elles deviennent des instruments redoutables au service de leur cause.
Enfin Follett se garde de prendre parti pour les Anglais. Son espion pro-nazi est séducteur, déterminé, violent… Il se démène comme un fou dans un pays où il est identifié et traqué. On se surprend à souhaiter secrètement son succès, comme si le dénouement de la défaite allemande d’El Alamein n’était pas connu. Quand un auteur réussit à créer de l’incertitude dans une ré-écriture de l’Histoire, le défi de l’écrivain est parfaitement atteint. En plus, le lecteur éprouve du plaisir… Tout ce qu’on aime.