Leo Perutz est un juif autrichien assez malin pour avoir quitté son pays à temps en 1938. C’est aussi un auteur prolifique qui a écrit de nombreux romans. Il est le maître d’un genre bien à lui, à savoir l’historique-fantastique, à savoir un récit qui flirte avec le fantastique dans un contexte historique bien campé. « Le Cavalier suédois » est jugé comme son chef d’oeuvre. A raison, me semble-t-il, même si je n’ai pas encore lu « le Marquis de Bolibar » qui a aussi marqué les esprits…
« Le Cavalier suédois » parle d’une femme âgée rédigeant ses mémoires. Elle y parle de son père, surnommé « le cavalier suédois » qui est mort à la guerre, quand elle était enfant. Ce même père s’est couvert de gloire sur les champs de bataille. Mais, dans le même temps, chaque soir, il venait la voir dans son lit, à l’insu de la maisonnée. A des milliers de kilomètres de ses champs de bataille… Elle n’a pas rêvé, elle en est sûre… Et un jour, Continuer la lecture de « Le Cavalier suédois », onirique et envoûtant…→
Woody Allen est sans doute le réalisateur le plus foisonnant de notre époque. Il n’est pourtant plus très en cour depuis quelques temps, notamment depuis qu’il a défendu mollement Harvey Weinstein. Et sa vie privée est plutôt trouble. Il est donc difficile de critiquer son dernier film sans donner l’impression de hurler avec les loups.
Mais bien que « Alleniste » de coeur, je suis très déçu par son dernier film. Un film mineur qui essaye de surfer sur les images chatoyantes des années 50, parfaitement bien rendues dans une petite ville balnéaire avec un grand parc d’attraction. Une reconstitution sérieuse donc…. Est-ce suffisant pour rendre passionnante une nouvelle chronique du temps qui passe et des amours crépusculaires chez une femme mûre ? Continuer la lecture de « Wonder Wheel », roue rouillée…→
C’est une petite merveille d’écriture !… Un extrait de « la Violente Amour » de Robert Merle ( collection Fortune de France ). Le récit tout en finesse de ce qu’on qualifierait aujourd’hui de « proposition malhonnête » entre deux amants putatifs. Texte très amusant car il est à rebours des pratiques courantes qui veulent que ce soit toujours l’homme qui prenne l’initiative…
Le texte est dans son jus. Pas de fautes, ni d’erreurs de frappe. C’est du vieux français, avec des mots parfois inconnus qu’on devine plutôt que les comprendre. Mais la musicalité de la langue est merveilleuse. Les circonvolutions de la pensée sont traduites avec une acuité formidable; les jeux de posture de chaque sexe subtilement rendus; l’humour est affleurant… Je me délecte à cette lecture. Jamais la beauté de notre langue n’est jamais aussi magnifiée que dans les livres de Robert Merle. Mais faites votre propre jugement avec cet extrait : Continuer la lecture de La drague au XVIème siècle…→
L’épopée napoléonienne ne donne pas souvent lieu à des films. C’est dommage car les costumes sont étincelants, entre les robes vaporeuses des femmes et les uniformes chamarrés des hommes. Alors, lorsque qu’une comédie en costume sort sur les écrans, avec un duo jubilatoire au casting, la tentation est grande de foncer prendre un billet.
En l’occurrence, l’instinct était bon car « le retour du héros » est une comédie enlevée avec un Dujardin séducteur comme jamais. Face à lui, Mélanie Laurent étonne par son jeu contemporain où perce des faiblesses féminines d’antan. Elle est irrésistible. Le tandem s’oppose à fleuret moucheté dans un marivaudage qui déclenche l’hilarité. Continuer la lecture de « Le retour du héros » : joli marivaudage→
Le français est très riche. En voilà une belle illustration !… Est ancillaire ce qui a rapport avec des personnes à votre service. Un synonyme de « domestique », mais plus précis. Car un travail domestique est un travail fait à la maison. Alors qu’un travail ancillaire est fait par un domestique.
Là où le français devient génial, c’est quand on adjoint à l’adjectif des mots inattendus. Des « amours ancillaires » pour désigner des relations avec des personnes, le plus souvent des servantes, ayant des liens de subordination. Ou dit plus grossièrement, user de son « droit de cuissage »…
L’expression « amours ancillaires » est plus raffinée. Surtout, tout est dit en deux mots…
En matière de polar, vous savez tout de suite quand vous en tenez un bon : vous ne pouvez plus le lâcher… Vous êtes entré dans l’histoire; vous adhérez aux personnages; vous prisez l’intrigue; vous goûtez au style; vous savourez le suspense… C’est du caviar !
Mais ajoutez un peu de sel avec une action qui se passe dans votre ville natale, Lyon, Lugdunum, la cité des Gaules et de Guignol, et vous voilà parti dans une lecture mariant palpitation et nostalgie.
Le livre a remporté un joli succès d’estime. Le prix du meilleur polar décerné par le cercle du Point. Avec comme personnage principal, un anti-héros ordinaire, un flic des Renseignements Généraux pendant l’occupation allemande. Un salopard, collaborateur zélé et antisémite farouche qui a juste quelques très rares éclairs d’humanité. « L’affaire Leon Sadorski » est un livre qui déménage… De la littérature qui n’épargne pas ses lecteurs par le récit minutieux des puanteurs de la Collaboration. Le roman a eu droit pourtant à une suite un an plus tard.
On ne peut parler de ce livre sans évoquer le remarquable travail d’historien de l’auteur, Roman Slocombe qui replace son action dans le contexte précis des années noires de l’occupation. Continuer la lecture de Quotidien putride de l’Occupation…→
Les sociétés cotées regorgent de pépites qui préparent l’avenir. Fermentalg fait partie de celles-là. Après un départ laborieux, la société semble bien partie pour gagner son pari : cultiver des algues de manière industrielle pour fabriquer des compléments alimentaires.
L’idée d’investissement me plaît beaucoup… En effet, nous avons tous été conditionnés par les vieilles histoires d’enfants, obligés par leur mère, de boire autrefois de l’huile de foie de morue. C’était très mauvais, mais un médicament efficace contre le rachitisme… Une centaine d’années plus tard, les gourous de la consommation bio recommandent chaudement de manger des poissons gras riches en omega 3 ( maquereaux, harengs, saumons… ) jugés excellents pour la croissance, mais aussi pour le bon fonctionnement de notre cerveau. Ces recommandations participent du même mouvement que nos grand-mères.
« Jusqu’à la garde », voilà un titre magnifique! Un terme d’escrime qui signifie « jusqu’à la protection du poignet », quand l’épée s’enfonce totalement dans l’adversaire.
L’adversaire, il s’agit bien de cela. « L’autre », autrement dit, celui qu’on n’ose plus nommer pendant un divorce. Des divorces saignants, c’est monnaie courante. C’est ce à quoi s’attache ce film dans une composition quasi documentaire. La première scène – point de fioritures ! – se passe chez le juge pour apprécier le principe d’une garde partagée. Les avocats parlent et débobinent les arguments de chaque camp. On ne se parle plus directement. La tension est latente. Le spectateur est englué dans cette histoire lourde dont on devine, dès le départ, que cela finira mal.
C’est l’histoire d’un mec, un mec… comment dire… pas tout à fait de chez nous. Un émigré… Un émigré né à Bruxelles. Mais pas belge. Enfin, un mec albanais, tu vois le genre… Un voleur de poulailler, venant d’un pays longtemps communiste dont la principale activité est de maquiller des voitures volées chez nous, pour les revendre à l’Est. En tout cas, c’est ce qu’il raconte dans son one-man Show à la Grande Comédie. Alil Vardar est un phénomène…
Il était un amateur de courses automobiles. Un fou de vitesse implanté – est-ce un hasard ? – dans la Sarthe, berceau des fameux 24 h du Mans. Un homme politique pondéré qui semblait bien maîtriser les puissantes mécaniques. Il nous a fait pourtant la plus belle sortie de route politique de ces dernières années.
Cela fait juste un an. Presque une éternité… L’eau a coulé sous les ponts depuis. Mais BFM TV a souhaité analyser les événements avec le recul du temps pour comprendre comment un tel crash avait été possible. L’homme étant maintenant retiré de la vie politique, les paroles se sont libérées. Ce qui permet de rentrer au coeur des événements, avec les commentaires encore tièdes des principaux protagonistes. Exercice donc particulièrement intéressant, d’autant que le reportage garde une certaine neutralité. Continuer la lecture de Analyse d’un crash…→
Un nouveau roman de Delphine de Vigan, cela interpelle. Forcément… Après deux derniers romans étincelants, on reste en alerte. J’ai en mémoire « Rien ne s’oppose à la nuit », petit bijou d’analyse publique. Un roman très personnel. Mais ce petit dernier, « les Loyautés », semble différent. Un roman court, concis, qui s’éloigne visiblement de l’univers éditorial de l’auteur. Serait-ce un vrai récit inventé ?
Ce roman dénonce un mal public qui ronge notre société, à savoir l’indifférence. Un mal d’autant plus cruel quand il s’applique sur des adolescents perdus, en manque d’autorité parentale. Des ados qui essaient de donner le change et l’illusion de la normalité. Des ados pourtant sur la mauvaise pente si parents et éducateurs démissionnent de leurs responsabilités.
Visiter le siège parisien de Facebook est un rêve de geek. Une proposition qui ne se refuse pas… Dans la belle course à l’échalote qu’est devenu le monde contemporain, il est urgent de rester dans le coup. Suivre l’accélération brutale du monde et continuer à communiquer avec les jeunes accros au monde digital. Sinon c’est le déclassement, l’inadaptation et le rejet. Pas vraiment acceptable pour un quinquagénaire encore dans la force de l’âge.
Facebook n’a pas encore quinze ans, mais c’est déjà une institution. Un des architectes du monde de demain. Un des quatre GAFA comme on dit dans le monde journalistique friand de ces acronymes qui donnent une illusion de maîtrise. Chez eux comme partout ailleurs, on cherche, d’une façon ou d’une autre, à accrocher son wagon au monde digital.
C’était un Seigneur… Un prince de la gastronomie qui a donné des lettres d’or à la table lyonnaise. Il aura fait connaître dans le monde entier les richesses de la grande cuisine française, contribuant à faire de notre pays le premier dans les métiers de la haute restauration. Tous les grands chefs sont passés dans ses cuisines. Il a formé les plus grands…
C’était un homme modeste, passionné de son métier. Son restaurant de Collonges au Mont d’Or était le Graal dans mes jeunes années. Un dîner dans son restaurant paraissait être le plus beau cadeau possible. Ce restaurant magnifique aux couleurs chatoyantes faisait rêver. Aurions-nous un jour la chance d’y déjeuner ? Continuer la lecture de Un grand Lyonnais n’est plus…→
Un ami qui fait du théâtre, nous a engagés à venir le voir dans sa pièce qu’il produisait dans l’appartement de son père. En petit comité donc, mais un intérieur bourgeois se prêtait bien à la pièce choisie, « Art » de Yasmina Reza.
« Art », une pièce étincelante… Le récit d’une passe d’armes de 1h30 entre trois amis qui s’étripent, suite à l’achat par l’un d’entre eux d’un tableau contemporain très cher montrant un fonds blanc avec des légères rayures blanches. Une pièce qui est maintenant un classique du répertoire… Notre ami et ses deux partenaires ont fait une prestation bluffante, en rien différente de vrais professionnels. Et cela nous a permis de replonger dans le texte finement ciselé de cette belle pièce. Un régal ! Continuer la lecture de L’Art de disséquer une amitié…→
Son nom fait penser à une base spatiale de la guerre des étoiles. C’est un lieu excentré de la capitale, derrière la gare d’Austerlitz, autant dire aux confins du monde habité. Il y a là bien quelques peuplades du 13ème district, mais point de banquiers, ni de business men dans toute la galaxie alentour. Carrément la zone ! Cela ressemble aux faubourgs désolés de Pluton la lointaine…
Pour y aller, j’ai dû prendre un engin propulsé par une puissante onde électrique, mon Riese & Mueller Delite45, pour m’amarrer sous une pluie battante à la « Station F », le nouveau centre de l’économie 2.0 créé en juin dernier par Xavier Niel. Autrement dit, le temple des start-ups puisque le lieu y rassemble 1200 sociétés nouvelles sous la bienveillante supervision d’incubateurs et d’investisseurs en capital-risque.
« Où passe l’aiguille » : le titre m’a troublé; je n’arrivais pas à m’en souvenir; je n’en voyais pas la signification; je ne le trouvais pas très accrocheur… Jusqu’à ce que je lise la dernière page qui m’a donné la clef. La clef d’un récit subtil, écrit par une jeune femme, Veronique Mougin, qui y a mis tout son coeur.
Je n’ai pas lu la 4eme de couverture avant de lire ce livre, et cela a été donc une expérience. Expérience précieuse car le passionné d’histoire que je suis, y a trouvé son miel avec l’évocation de cette famille hongroise juive connaissant en 1943-1944 le rejet par ses voisins, la soumission aux autorités, l’espoir vain d’une rémission, puis l’enfer des camps de concentration. Plus j’avançais dans l’histoire, Continuer la lecture de « Où passe l’aiguille », ode à la vie…→