Tout le monde connaît l’histoire du naufrage du Titanic. Assurément le plus connu des naufrages. Superbement mis en image par James Cameron en 1997, le Titanic a su faire vibrer les foules. Mais déjà, bien avant Leonardo di Caprio et Kate Winslet, cette histoire passionnante avait suscité de nombreux films. Quasi tous les dix ans ( des films sont sortis en 1943, 1953, 1958 et 1979, pour ne citer que ceux-là ). Les producteurs du monde entier savaient qu’ils avaient, dans le naufrage du plus grand paquebot du début du siècle, le scénario le plus romanesque qui soit. Cette passion pour le Titanic ne se dément pas, plus de 100 ans après les faits…
Comment comprendre, dans ce contexte, la relative indifférence autour d’une autre tragédie maritime de la même époque : le naufrage du Lusitania, un jour de mai 1915. Coulé par un sous-marin allemand U-Boot qui a envoyé par le fond le plus grand paquebot de l’époque, avec près de 1.200 de ses passagers ( un score bien proche des 1.500 personnes du Titanic ).
Sans doute, la tragédie du Lusitania provoque moins d’émotion car l’événement a eu lieu en temps de guerre. Un événement malheureux au sein d’un conflit mondial qui a emporté tellement de gens, c’est triste, mais finalement banal. Le Lusitania est donc passé par pertes et profits dans la compatibilité de l’histoire.
L’auteur Erik Larson, en cet anniversaire des 100 ans du naufrage, essaye de réhabiliter le grand paquebot de la Cunard avec un livre passionnant qui se lit comme un roman policier. Il raconte l’histoire avec un rappel du contexte historique passionnant et savoureux, et un scénario où se mêlent les multiples destins des infortunés passagers. Il dresse un portrait saisissant du Capitaine William Turner qui commande le transatlantique, et connaîtra, par deux fois dans son existence, l’expérience d’un torpillage. Dans le même temps, l’auteur nous met dans la peau du Kapitan Walther Schwieger, commandant du U-20, un sous-marin qui, en ce début de guerre, est une arme nouvelle qui connaît de nombreux ratés.
La force de l’auteur est d’écrire cette histoire, alors que les archives de l’Amirauté britannique sont maintenant accessibles. Ce qu’on y apprend, est passionnant. L’avance des Anglais en matière de renseignements était telle qu’ils étaient parfaitement au courant des faits et gestes du sous-marin ennemi. La Navy aurait donc bien pu sauver le paquebot, en le faisant escorter par des navires de guerre. Mais Churchill n’a pas levé le petit doigt…
Les malheureux passagers du Lusitania ont-ils été les victimes d’une cynique tentative britannique d’entraîner les Etats Unis dans la guerre ? Il est, un fait, que la disparition du Lusitania a causé une forte détérioration des relations américano-allemandes, à la source de l’entrée en guerre des Etats Unis aux côtés des Alliés deux ans plus tard.
Pour raconter ce drame, Erik Larson nous tricote un récit haletant. Jusqu’au bout, on espère que le paquebot va échapper à son tragique destin. Comme pour le Titanic, c’est un concours de circonstances malheureux qui a permis à cette torpille unique de faire son oeuvre de mort. Mais la grosse différence avec le Titanic, c’était la conscience du danger parmi les passagers du Lusitania. Une mise en garde de l’Allemagne dans la presse, préalablement au départ, avait, en effet, incité les passagers à éviter de faire le voyage.
On comprend donc l’inconfort des passagers à qui, trois ans après le Titanic, on refaisait le coup du « navire insubmersible ». La confiance du plus grand nombre pour la haute technologie de la construction navale et pour l’humanité des combattants allemands. Mais toujours avec cette sourde crainte de voir apparaître un périscope dans l’océan. Et puis, au moment où le bateau est proche du but et que la pression se relâche, à la faveur d’une très belle journée de printemps, ensoleillée comme jamais, le sillage visible de tous d’une torpille dans une mer plate d’un joli vert tendre.
Ce jour de mai 1915, la guerre était devenue aveugle. Le début d’un siècle terrible…
Passionnant !