Les Téméraires » est un gros pavé historique qui peut effrayer le lecteur de passage. Oui, mais il traite d’une partie de l’Histoire de France méconnue, le Duché de Bourgogne qui s’est heurté à la France pendant près d’un siècle, en prenant un moment le parti de l’Angleterre durant la Guerre de 100 ans. Nous avons tous entendu parler de Charles le Téméraire, adversaire de Louis XI, mais qui sait que la Bourgogne recouvrait alors une large partie de la Belgique et des Pays Bas pour faire un état semblable à ce qui avait prévalu du temps de Charlemagne ?
C’est un auteur hollandais qui nous raconte cette histoire dans sa langue, traduite en français. Il le fait avec une érudition remarquable, parfois un peu confuse, notamment dans sa première partie qui essaye d’enraciner la Bourgogne dans une histoire très ancienne. Il a tendance aussi à tirer un peu trop la couverture du récit vers le pays batave, mais force est de lui reconnaître qu’il a d’abord entrepris un gros travail de recherche sur ses origines nationales. L’histoire de la Bourgogne n’est pas que française…
A partir de 1369, le récit s’éclaircit et nous voilà embarqués pour près de 120 années d’affrontement, quand l’apanage régional d’un fils cadet du roi de France, Jean II le Bon devient, au fil des années, un état rebelle. le récit est passionnant car il reflète bien la violence d’une époque, les jeux de pouvoir et les successions à répétition, combinés à des mariages de convenance visant à faire grossir les royaumes. On y retrouve des souvenirs familiers de notre roman national, la Guerre de 100 ans, Jeanne d’Arc bien sûr, mais aussi Charles VII, Louis XI, et la divine Agnès Sorel, magnifiée dans un superbe livre de Ruffin.
Et puis, on y découvre l’occupation de Paris par les Anglais vers 1420, la chute de Constantinople, la dernière croisade, pour finir par Charles Quint, empereur d’Espagne qui se considérait lui-aussi comme « Bourguignon » en tant qu’arrière-petit-fils de Charles le Téméraire. le peu féru d’histoire comprend mieux pourquoi l’Espagne a occupé la Belgique pendant près de deux siècles. L’auteur ne se cantonne pas au seuls événements historiques, il décrit bien l’environnement artistique de chacun de ses héros, les différents ducs de Bourgogne : les peintres en cours, les chambellans, les poètes… Tout ce qui faisait le sel d’un règne est décrit minutieusement, emportant le lecteur dans une folle aventure où Dijon et Bruges faisaient cause commune. Un attelage au demeurant bizarre entre les sérieux marchands du Nord, très indépendants et les sudistes exubérants et vaniteux qui excellaient dans le jeu des apparences et la poudre aux yeux.
Un livre appréciable car il remplit des cases vides dans notre mémoire collective. Comme il le fait, en plus, de manière enjouée, on ne peut que recommander ce très beau bouquin avec ses images, tableaux et enluminures d’époques. J’ai bien aimé…