Eric-Emmanuel Schmitt est un merveilleux conteur. En général, je ne suis pas très amateur de nouvelles, le lecteur ayant souvent la frustration d’une histoire qui se termine trop tôt. Mais cette fois-ci, les quatre histoires sont parfaitement équilibrées, et le plongeon dans l’histoire qui suit, est vite assez submersif pour oublier l’histoire précédente. Et quel joli cocktail d’histoires !…
Notre auteur lyonnais qui ne cache pas son christianisme, a décidé en quatre merveilleuses histoires de raconter la force du pardon.
Un pardon volontaire, contraint ou parfois brutal, notamment dans la première histoire des jumelles, quand il passe par le meurtre. Un pardon qui n’est pas toujours évident, surtout quand il s’agit d’un serial-killer sans remords, meurtrier de sa propre fille. Un pardon enfin qui peut être tourné vers soi-même, notamment dans la quatrième histoire de l’aviateur. Toutes ces histoires sont si finement ciselées qu’elles interpellent, questionnent, et suscitent la réflexion. Elles montrent, en tout cas, que le pardon n’est pas nécessairement un acte de faiblesse, mais peut être un acte réfléchi, puissant, calculateur… C’est là que la notion de vengeance prend tout son sel. Schmitt nous démontre que pardon et vengeance ne sont pas toujours antinomiques. Les deux peuvent se compléter et s’enchevêtrer selon les circonstances.
L’art de l’auteur est de rendre ses personnages très humains, sensibles, attachants. Même le banquier arrogant qui va être giflé par des leçons de vie qu’il saura finir par retenir. Et le récit de la jumelle envieuse est si pétri de réalisme qu’on se laisse prendre par la brutalité de l’histoire. Et que dire du personnage de Mandine, la retardée mentale qui illumine la seconde histoire par la puissance de sa simplicité ? Un personnage si fort qu’il reste encore dans notre mémoire en refermant le livre.
Schmitt réserve toujours des surprises. C’est un auteur accompli… Après quelques tours de force littéraires dans ses précédents ouvrages, il est là dans le registre de l’intime. Il le pratique à la perfection… Bravo l’artiste..