L’écriture est un art difficile. C’est difficile de trouver le bon tempo d’une histoire. Il faut que la musique de la langue s’harmonise avec le rythme d’un récit. Il faut raconter une histoire qui soit universelle. Et laisser les mots trouver leur chemin…
Parfois, de manière exceptionnelle, c’est une forme de lumière qui jaillit au bout de l’exercice. L’histoire se transforme en conte intemporel et aspire à briller au firmament de la littérature. Un peu comme « le Petit Prince » de Saint Exupery, ou « l’Alchimiste » de Paul Coelho… « Le fils-récompense » se rapproche de ces grands aînés.
Pourquoi pourtant ce livre est-il si mal connu ?
Difficile à dire… L’auteur n’est guère connue, alors qu’elle a écrit de nombreux livres. Moi-même, je n’ai découvert ce livre rare que grâce aux commentaires de lecteurs sur le site Babelio. Vraiment un très beau livre. Touchant, subtil, délicieusement naïf, il vous emporte loin… L’histoire d’un tirailleur sénégalais qui revient infirme de la guerre, pour vivre avec sa « sopé noire » qui se révèle incapable de lui donner un enfant. Une histoire qui n’est pas transcendante sur le papier, et tellement loin de notre univers. Il faut donc une bonne dose de curiosité pour s’y intéresser. Mais les mots finissent par vous emporter à leur suite. Une langue naïve et imagée qui est un parfait exemple d’imprégnation de la langue au service d’une histoire.
Le lecteur se laisse gentiment happer. D’autant que l’histoire s’anime avec la découverte sur la plage, venu de la mer, du couffin d’un bébé blanc et blond qui semble un cadeau de Neptune. Après moultes tergiversations, Blaise Massamba Diouf et sa sopé décident d’adopter l’enfant. Un acte de résistance dans un pays où la ségrégation est à tous les étages….
Anne Bragance nous délivre un conte merveilleux qui flirte avec le fantastique dans les passages les plus beaux du livre ( notamment le retour en taxi ). C’est un vrai enchantement, comme une musique douce, sur fond d’une Afrique noire qui porte la France très haut dans son coeur. C’est un festival de mots peuls et wolofs qui donnent au récit une savoureuse authenticité. C’est surtout un formidable travail d’écriture qui nous fait rentrer dans la psychologie d’un tirailleur sénégalais et de son entourage, pour adopter leur vision du monde. Un monde simple, humain, généreux en quête de connaissance et de reconnaissance… La fraicheur d’un conte pour une évasion par les mots, tellement forte qu’elle s’impose à vous comme un tourbillon de bien-être. Un grand livre…