La grande fête du cinéma est toujours un spectacle. Entre les pitreries des présentateurs, les robes incandescentes des actrices, les petits jeux de chacun durant la cérémonie, les tirades des uns et des autres, voire les tribunes libres de ceux qui profitent de ces projecteurs pour divaguer sur l’actualité, c’est parfois le cirque… Assurément, le spectateur en a pour son argent d’abonné à Canal +.
L’édition 2024 a été un peu plus terne. Illuminé seulement par le discours subtile et émouvant de Judith Godreche. Quelle émotion ! Cette femme magnifique, avec des yeux candides derrière des grandes lunettes, a effleuré son histoire tout en douceur. Avec l’assurance d’une femme équilibrée, elle a évoqué le hiatus entre la beauté d’un divertissement qui fait rêver et les « mains sales sur des seins de 15 ans » de quelques professionnels dévoyés. L’exploitation de jeunes actrices par leur mentor est une tâche honteuse sur la création artistique. Le cinéma qui élève l’âme devant les caméras, ne peut se prêter aux pires turpitudes en arrière-cuisine.
On pouvait craindre, comme l’a fait Jerome Seydoux, le Président de Pathé, que cette intervention soit déplacée, en portant sur la scène ce qui relève des prétoires de tribunal. Et le risque était aussi celui d’un nouveau grand déballage, aux côtés souvent obscènes, comme la tribune scandaleuse de la Palmée Justine Triet au dernier Festival de Cannes. Mais Judith a mis toutes les craintes dans sa poche. Sans stigmatiser, d’une voix fluette où perçait son amour de la vie et toute absence de rancoeur, elle a appelé le cinéma à ses devoirs. Tellement plus percutant que la vulgarité d’une Corinne Masiero déboulant nue sur la scène en 2021 !
L’édition 2024 a donné lieu à un hommage appuyé au réalisateur Christopher Nolan, glorieux architecte de ce monument de l’image et du cinéma qu’est le film « Inception ». Et le César d’honneur offert à Agnès Jaoui a paru tellement mérité, pour cette femme de tous les combats qui nous a donné beaucoup d’émotions par ses films autour de son compagnon Jean-Pierre Bacri.
Quant au palmarès, il a été horriblement consensuel avec le film un peu surfait de Justine Triet « Anatomie d’une chute » qui raffle tout. Certes, ce film a des qualités que j’ai su mettre en avant sur ce blog, mais il ne mérite, certes, pas cette avalanche de trophées après Cannes. « Le Règne animal » que je ne connais pas, a aussi beaucoup engrangé, traduisant cette tentation du « tout ou rien » que je trouve très contestable au sein des milieux du cinéma. Car on laisse ainsi sur le bord du chemin d’excellents films. La déception de Jeanne Herry, auteur du formidable « Je verrai toujours vos visages » faisait de la peine. Son film méritait amplement le Cesar du meilleur film.
Dernier enseignement de cette édition : la découverte de la révélation masculine Raphaël Quenard. Un nom qui va se faire entendre dans un proche avenir, je suis prêt à le parier. Son discours de remerciements après son Cesar a été merveilleux de justesse et d’entrain.