Gilets Jaunes, baromètre de nos égarements…

Comme beaucoup d’habitants des villes, je ne suis pas en phase avec le mouvement des gilets jaunes. Cette exacerbation des tensions pour quelques centimes de plus sur le litre de l’essence me paraît absurde. Je trouve aussi critiquable de bloquer toute l’économie du pays, et ainsi d’affaiblir les rouages de l’activité industrielle et des services qui sont seuls susceptibles de nous tirer d’affaire. Il y a là une nouvelle manifestation de l’anti-capitalisme rampant dont la France est le principal porte-étendard dans le monde occidental. Des gens qui ne comprennent rien de l’économie, s’en sentent exclus, et par conséquent, n’ont de cesse de scier les racines du système… Qu’est-ce que leur apportera d’abattre le chêne déjà fragile de notre économie ? Nul ne le sait…

Pourtant, il y a une chose qui me touche chez les Gilets Jaunes. Ces gens sont surtout des gens des campagnes, pour lesquels l’automobile est le seul lien social. Dès qu’on s’éloigne du centre des villes ( notamment des plus grosses cités ), il est impossible d’imaginer une vie sans voiture. Tout, de la baguette jusqu’aux services d’un docteur ou d’un coiffeur, s’achète à la suite d’un déplacement en auto.

Certes, les gens des campagnes font moins d’effort pour apprivoiser d’autres outils de locomotion comme les vélos ou les trottinettes électriques. Mais il faut bien reconnaître qu’ils sont privés de toute alternative à la voiture. Les trains TER disparaissent. Les bus sont peu nombreux et réduits à des heures spéciales. Pire, les services publics de proximité disparaissent et s’éloignent dans des villes plus ou moins proches. Les gens des campagnes payent leur écot à la solidarité nationale en payant la TIPP ( taxe sur les produits pétroliers ), mais en retour, ils ont de moins en moins de services de l’Etat. C’est bien là le coeur du problème, la source de cette révolte spontanée.

Cette crise montre une urgence absolue pour notre collectivité nationale : ré-équilibrer le traitement villes-campagnes dans un sens plus juste. Il est vital de redensifier nos territoires, de les rendre plus attractifs pour que collectivement nous nous réapproprions notre géographie dans son sens le plus large.

Pourquoi sommes-nous tous agglutinés dans trois ou quatre métropoles, aux dépens de tout le reste du pays ? Est-ce raisonnable et économiquement viable, alors que notre population s’accroît encore chaque année ? « Paris et le désert français », tel était le titre d’un livre qui au début des années 70, avait marqué les esprits. Mais, ce que nous vivions alors, n’est rien au regard de la situation actuelle. Notre capitale a totalement vampirisé le pays. L’île de France n’a jamais aussi bien porté son nom. Nous parisiens sommes une île avec une densité de population délirante au milieu d’un océan de France profonde, très profonde. Nous nous étonnons tous, quand nous nous hasardons à sortir des autoroutes, devant ces villages, beaux mais sans âmes, sans activité et sans commerce, qui constituent l’alpha et l’oméga de toutes nos provinces. C’est un échec total de l’aménagement du territoire.

Il est notoire de constater que les pays qui fonctionnent bien, l’Allemagne ou la Suisse pour ne citer qu’elles, sont des pays avec plein de villes moyennes, de 200.000 à 400.000 habitants, qui offrent tous les atouts de la ville, sans la congestion insupportable des mégacités. Pourquoi ne nous orientons-nous pas dans cette voie ?

Pour soulager les Gilets Jaunes, je suis partisan de « casser » la domination de Paris. Par quel moyen ? Inciter toutes les entreprises de l’Ile de France à s’implanter en région, fut-ce au moyen de carottes fiscales qui seraient graduées en fonction du degré de sous-développement de chaque région. Cela provoquerait immanquablement une grande transhumance et un retour vers des villes moyennes au charme fou qui deviendraient à nouveau les coeurs régionaux qu’elles ont été : Biarritz a les moyens de devenir une Miami, Angoulême une ville de loisir et du bien-être autour de son Futuroscope, Angers une Munich de la douceur de vivre, etc…

Si on y réfléchit bien, cela réglerait beaucoup de soucis en même temps. Les problèmes de logement en particulier. Mais aussi les transports, car la SNCF serait obligée de réouvrir ses lignes secondaires. Le stress au travail serait bien moindre car vivre à 15 minutes de son travail ferait gagner du temps à tous. Bref, ce serait un formidable appel d’air et un moyen de relancer notre économie, avec la mise en place d’une spirale vertueuse.

Finalement, peut-être que la crise des gilets jaunes est une chance pour la France. Osons, donnons-nous les moyens, et sortons de notre conservatisme. La France ne s’est jamais aussi bien portée que lorsqu’elle a mise en veilleuse le centralisme étouffant d’une capitale qui décide pour tous…