Quatre ans… Il y a quatre ans, jour pour jour, Paris était frappée d’une terrible succession d’attentats qui nous a tous meurtris dans notre chair. Ce jour-là, nous avons perdu notre innocence pour endosser le manteau de peine du deuil. Les 131 victimes nous étaient, le plus souvent, inconnues, mais c’était tous nos frères et nos soeurs. Des compatriotes avec qui nous partagions une aventure commune. Des compagnons de route de la nation France qui ont tous eu la malchance de ne pas être, ce jour-là, au bon endroit. Il est toujours bon de se souvenir…
La série de trois reportages disponible sur Netflix sous le titre « Fluctuat Nec Mergitur » est un très bel hommage. C’est le récit chronologique des événements, raconté par des survivants, des témoins, des sauveteurs. Un reportage très factuel qui ne cherche pas à tenter d’expliquer ou de rentrer dans la peau des terroristes. Il ne fait que raconter la violence, la surprise, et l’état de sidération de tous ceux qui ont vécu cet affreux spectacle aux premières loges. Une onde de choc si forte que plusieurs années après, tout leur reste des bruits, des odeurs, des sensations diverses ressenties ce jour-là. Les larmes jaillissent spontanément. Les récits se font plus âpres. Tout n’est qu’un affreux traumatisme qui a imprimé leur âme au fer rouge.
Je n’aurais sans doute pas pu voir ce film plus tôt. Il fallait que le temps ait fait son travail de sape. Non pas pour oublier – rien ne s’oubliera de ce 13 novembre 2015 – mais pour permettre de prendre le recul nécessaire. Un recul psychologique et émotionnel pour pouvoir accepter de revivre le mal qui se déchaîne chez soi, dans notre jardin parisien, dans ces lieux que je connaissais, qui m’étaient familiers, à défaut de bien les connaître.
Sur le coup, je me souviens, on voulait tout savoir en restant la nuit entière branché sur les chaînes d’info. Quatre ans après, une chaîne américaine nous laisse l’opportunité de lever le voile pour approcher au plus près de l’événement. C’est intimidant, troublant, gênant car on se donne l’impression d’être un peu voyeur. Mais la curiosité est la plus forte. Comment ces pauvres gens allés tranquillement voir un concert ont-ils pu traverser une telle horreur ? Le film nous en fait découvrir quelques uns, sans doute les plus solides, ceux qui peuvent revenir en arrière sur cette journée funeste. Mais on ne peut s’empêcher de penser à tous ceux qui ont été vrillés dans leur âme et marqués dans leur corps. Tous ceux pour lesquels rien ne sera jamais comme avant. On ne se relève jamais totalement d’un tel trauma.
C’est regrettable que ce soit une chaîne américaine, pas forcément accessible à tous, qui projette ces images. Notre France aime tant les cérémonies du souvenir qu’elle aurait pu faire son propre film, son propre hommage. Qu’importe ! L’essentiel est de pouvoir le voir. Pour replonger après dans notre société fragile et continuer à lui apporter l’esprit de conciliation qui permet seul la pratique du « vivre ensemble ».
Essayer de comprendre ne signifie pas oublier ni baisser la garde. Tous ces gens sont tombés du fait de notre angélisme face à une menace que nous refusions de voir. Puissent toutes ces victimes se rappeler à nous régulièrement pour nous inciter à la plus grande vigilance. Hélas, la guerre est loin d’être terminée…