En 2011 une comète était passée dans le ciel de l’édition avec « Rien ne s’oppose à la Nuit » ( Edition Jean Claude Lattes ). J’ai assisté à ce spectacle prodigieux en acquérant le livre. Ce fut une révélation !… J’ai été très touché par ce qui s’apparente au plus bel hommage qu’un enfant puisse faire à sa mère. Sans doute le livre le plus intimiste et le plus authentique jamais écrit. C’était splendide. Finement ciselé dans une écriture de dentelle, un travail qui forçait le respect par l’analyse psychologique qu’il révélait. Delphine de Vigan s’était fait mal à raconter sa famille. On imaginait à quel point cela avait pu être douloureux d’explorer le passé, en quête d’informations sur l’auteur de ses jours, une personne au destin tragique qui se révélait finalement plus méconnue qu’elle ne l’aurait souhaité. Le déballage était impudique, mais d’une puissance narrative bluffante. D’ailleurs, pour rester dans l’histoire au-delà du livre, j’avais même acheté sur l’INA les images d’une émission de l’ORTF où la famille de Delphine était interviewée. Un moment permettant de découvrir les vrais protagonistes d’une histoire de famille captivante.
Le livre avait été un succès phénoménal. Les Français s’étaient visiblement identifiés dans cette histoire. Moi en premier lieu, car l’histoire de Delphine trouvait une résonance étonnante avec ma propre histoire. J’étais scotché… Qu’est-ce que j’aurais aimé écrire un tel hommage à ma mère !…
Bien évidemment, après un tel exercice où Delphine s’était devant nous ouvert la poitrine pour nous faire découvrir toutes les palpitations de son coeur, inutile de dire qu’elle était attendue au tournant pour son tout nouveau livre. Que peut-on écrire après cela ?
Je viens justement de refermer ce nouveau livre « D’après une histoire vraie », sorti il y a quelques mois. Je suis abasourdi. Comment fait-elle ?
Nous sommes sans doute nés sous la même étoile, car ce livre m’a parlé intimement une nouvelle fois, en particulier dans ses développements autour de la création littéraire. Le blocage de la feuille blanche, les interrogations existentielles, les doutes qui vous assaillent, la confiance en soi qui vous abandonne… Elle raconte tout cela avec un naturel renversant.
Mais son livre est un roman. Un roman qui s’appuie sur la réalité. Sa réalité d’être humain venant de connaître un succès littéraire tellement énorme qu’il en est bien sûr déstabilisant. Elle continue à parler d’elle et le lecteur se laisse embarquer – une nouvelle fois – dans cet exercice pseudo auto-biographique. Jusqu’à ce que le trouble s’installe. Est-ce toujours vrai ? Vous commencez à consulter internet pour en savoir plus sur elle et trouver une confirmation de ce que vous venez de lire. Mais c’est déjà trop tard. Vous êtes pris dans les mailles de son filet. Vous n’en sortirez plus… Son livre évolue avec une tension psychologique à la Hitchcock, introduisant très vite un personnage mystérieux et manipulateur qu’elle appelle jusqu’au bout d’une seule lettre L.
Ce livre est encore une fois constitué de mille petits détails intimes qui participent de la construction d’une vie. Il faut donc aimer l’intime. Aimer le récit de considérations psychologiques qui sont le coeur de nos ressorts intimes. Si vous êtes adeptes d’action pure, fuyez… Mais objectivement, vous passeriez à côté d’un très grand roman.
La fin est incroyable. C’est tout le mécanisme de la création littéraire qui est décortiqué et revient en boomerang vous frapper derrière la nuque, là où vous ne l’attendiez pas. On y trouve des analyses très justes sur la propension du spectateur à exiger des histoires authentiques, « d’après une histoire vraie ». Mais ce réalisme qui vous éveille votre curiosité de concierge face à toute expérience vécue, se retourne pour revendiquer brutalement l’étiquette de roman. Vous découvrez alors un peu effaré que vous avez été manipulé par une romancière futée qui vous a emmené dans son imagination à elle, en vous laissant l’illusion de l’authentique. Un travail d’orfèvre…
Delphine est la plus grande…
Heureuse de savoir que tu as aimé !
Mille baisers mon cher cousin
Sandrine
Je souscris, encore un chef d’oeuvre de mon auteur fétiche!